ANTOINE

Se souvient-on que le chanteur Antoine, le temps d’un 30 cm (en 1966), représenta la plus convaincante tentative d’un protest song à la mode hexagonale ? En tout cas davantage que son “concurrent” Hugues Auffray. Un premier 45 tour sera rapidement suivi de l’album en question. Celui-ci comprenait les fameuses Élucubration d’Antoine. Ce titre devint la locomotive d’un disque qui redonnait du sang neuf à la chanson folkeuse et popisante du moment en introduisant des thèmes tels que la route et l’errance (Une autre autoroute, Autoroute européenne N° 4, Petite fille ne croit pas), et en traitant des questions sociales sous un angle inhabituel (La loi de 1920 s’en prenait à la loi “anti-avortement” du même nom, tandis que Les élucubrations d’Antoine préconisait la vente de la pilule dans les Monoprix). La dénonciation de la guerre (thème récurrent du protest song) figurait en bonne place avec La guerre et Pourquoi ces canons. Dans ce disque, encore, on remarquait deux chansons dont l’écriture tranchait sur le reste de l’album : Bruit de roses, et surtout Métamorphoses exceptionnelles. Le tout, sur le plan musical, se situant dans la lignée des Dylan et autres Donovan.

Deux 45 tours comprenant Un éléphant me regarde, Mais qu’est ce que je fous ici, La fête foraine font la transition avec le second 30 cm d’Antoine. Sans avoir le tranchant et la portée sociale du premier celui-ci se signale (indépendamment des deux titres les plus connus : Je l’appelle Canelle, Juste quelques flocons qui tombent) par un ton insolite. Retour à Andersen en est la meilleure illustration, tandis que Le sexe de dieu, pour la première fois à notre connaissance (du moins en chanson), brosse un portrait plaisant, pour ne pas dire à décharge, de Dieu faite femme. Suivront deux 45 tours “estimables” (Mme Laure Messenger Claude Jérémie et l’existence de dieu et Ramenez moi chez moi). Et puis... la dégringolade ! Antoine devient alors un chanteur de variétés (et pas de la meilleure). Durant quelques années, avant la reconversion du chanteur en navigateur globe-trotter, le public d’Antoine va se trouver progressivement constitué de cette frange conformiste qui, au lendemain de la parution du premier album, détestait et vouait aux gémonies le chanteur aux cheveux trop longs, aux chemises à fleurs et aux idées “dérangeantes” ou “pas comme celles de tout le monde”. Une gageure !