AZNAVOUR (Charles)

Vers le milieu des années soixante, Charles Aznavour se décrivait volontiers comme un “chef d’entreprise”. L’auteur de Sur ma vie, on le sait, avait auparavant galèré et essuyé les quolibets avant d’acquérir le statut d’un monstre sacré de la chanson. Ensuite “l’enroué vers l’or” n’a pas manqué du talent et des qualités requises pour faire fructifier son entreprise. Si les “Victoires de la Musique” comportaient la rubrique “gestion de carrière”, nous serions prêt à parier que l’industriel, consensuel et médiatique Aznavour décrocherait la timbale tous les ans. Dans cet ordre d’idée, Gérard Jouannest rappelle (dans la revue Chorus) qu’Aznavour s’était plaint auprès de Brel du fait que ce dernier, devenu vedette mais tenant à conserver les mêmes prix de places de concert, “gâchait” ainsi le métier. Comme le précisent les rédacteurs de “Cent ans de chansons françaises” : “Aznavour a toujours affiché son respect pour la religion, son sens de la famille, sa dignité dans le travail, autant de valeurs sûres qui ont fait accepter sa voix non plus comme une tare inévitable mais comme un vêtement essentiel, de plus en plus seyant avec les années”.

Charles Aznavour, indiscutable chanteur populaire ayant à son répertoire de nombreux succès, serait selon certains commentateurs l’un des auteurs-compositeurs phares des décennies 50, 60 et 70. Nous ne partageons pas ce point de vue : les clichés abondent dans les textes d’Aznavour, et le sentimentalisme (généralement) de ses mélodies met davantage en valeur la voix de l’interprète que le bagage musical du compositeur. On comparera utilement à partir du même thème, le suicide de Gabrielle Russier, la version d’Anne Sylvestre (Des fleurs pour Gabrielle : un portrait sans concession de la société qui a “suicidé” Gabrielle Russier), et celle de Charles Aznavour (la bluette Mourir d’aimer). Et puis, pour conclure, comment accorder un quelconque crédit à l’auteur de ces deux vers immortels : “Il me semble que la misère / Serait moins pénible au soleil . Ce que ne comprendraient pas les “miséreux” venus du “bout de la terre ou du “pays des merveilles . Mais qu’ont parfaitement compris nos gouvernants qui les y renvoient par charters.