BÉART (Guy)

Lors de la célèbre altercation qui, sur le plateau de Bernard Pivot, opposa Guy Béart et Serge Gainsbourg la logique voulait que l’on défendit sur le plan du principe (“La chanson n’est pas un art mineur”) la position de Béart. C’est pourtant le contraire que l’on retint ce soir-là : Gainsbourg s’en tira à son avantage et mit les rieurs (et les autres) dans sa poche. Cette anecdote illustre ce qui “fait problème” chez le Guy Béart de la seconde période : celui de La vérité, Le grand chambardement, L'espérance folle, C’était plus beau hier, Idéologies. Béart seconde manière a écrit des chansons qui se voulaient ambitieuses sans pour autant avoir toujours les moyens de leur ambition. On aimerait l’intéressé plus modeste. Guy Béart annonce trop la couleur (en en exceptant, sans craindre le paradoxe, Couleurs et Les couleurs du temps qui échappent à cette critique). Et puis le coté mi-chèvre mi-chou, ni gauche ni droite (même si Tohu bohu figure parmi les chansons “anticontestataires” de l’après 68), ou engagé / désengagé de certaines chansons laisse dubitatif. Ajoutant plusieurs années plus tard quatre vers à Qui suis-je, Guy Béart écrit : “Nous sommes, en somme / Femmes, enfant et hommes / Nous sommes, en somme / Les sauveurs du matin . Ce qui, pour rester dans la rime, “ne mange pas de pain”.

Ceci dit, Guy Béart à ses débuts incarnait l’un des renouveaux de la chanson française du moment. Le principal mérite de son répertoire “première manière” serait de nous restituer quelque chose d’un parfum de la fin des années cinquante ou du début de la décennie suivante qui, toute proportion gardée, renverrait à un esprit “nouvelle vague”. Ce qui n’est pas un mince compliment. Il est vrai que Béart alors se prenait moins au sérieux et cultivait une fantaisie de bon aloi. On pense en particulier à des chansons comme Chandernagor, Le chapeau, Le quidam, Poste restante, Allô tu m’entends. On peut par ailleurs, compte tenu des limites vocales du chanteur, préférer les trois “meilleures” (ou presque) chansons de Guy Béart, Il n’y a plus d’après, Bal chez Temporel (sur un poème d’André Hardelet), La Chabraque, dans les interprétations respectivement de Juliette Gréco, Patachou et Pia Colombo. Le dernier titre cité est l’un des quatre textes de Marcel Aymé mis (excellemment) en musique par Béart. Nous ne sommes pas près d’oublier “La Chabraque, la Chabraque / Qu’avait d’la défense et d’l’attaque / La chabraque, la chabraque / Qu’avait un chien fou, un chien loup , portraiturée ainsi par Marcel Aymé : “Une blonde malabar les yeux durs / J’peux pas mieux dire la découpure .