BRECHT (Bertold)
Cette présence, dans un dictionnaire consacré à la chanson française (et cela vaut aussi pour Kurt Weill), peut surprendre. D’autant plus qu’il s’agit ici de “songs” écrit à l’origine en langue allemande (laquelle, à l’aune des adaptations de chansons étrangères en français, se situe loin derrière l’anglais, l’italien, et même l’espagnol). D’autre part ces “songs” sont extraits dans leur quasi totalité des opéras “Mahagonny”, “L’opéra de quatre sous”, “Happy end” : entre la musique classique (ou contemporaine) et la chanson proprement dite.
Le cinéma (l’adaptation française du film de Pabs, “L’Opéra de quatre sous”) fait connaître une partie de ces “songs”, interprétés à l’écran par Albert Préjean et Florette. Puis Marianne Oswald et Lys Gaudy vont défendre ce répertoire dans les années trente. Après la guerre, Yves Montand (qui popularise Bilbao song) et plusieurs autres interprètes apparus dans les lendemains de la Libération reprennent ces chansons encore peu connues. Le style brechtien, ce mélange de critique sociale, de fausse sentimentalité et de vraie causticité, a également laissé des traces dans la chanson française de l’après guerre. Ce genre possède des points communs avec la chanson réaliste d’avant-guerre si l’on se réfère à la galerie de personnages que tous deux convoquent, mais s’en éloigne par son ironie distanciée.
Brecht raconte des histoires qui ont un caractère universel. C’est l’une des raisons pour lesquelles ces “songs” prennent naturellement place dans le paysage de la chanson française des années trente, et plus encore à la Libération où elles atteignent le grand public. D’ailleurs beaucoup d’auditeurs ignoraient que ces chansons étaient adaptées de l’allemand. Enfin ce n’est pas tout à fait par hasard que les meilleures interprètes de MM Brecht et Weill, Catherine Sauvage et Pia Colombo, voire Germaine Montero soient également des comédiennes.