CHEVALIER (Maurice)

La carrière de Maurice Chevalier entamée en 1899 (à l’âge de 11 ans) ne prend vériblement son essor qu’au lendemain de la Première guerre mondiale avec l’opérette “Dédé” (la prémonitoire Pour réussir dans la chanson, et le premier des grands succès de Chevalier, Dans la vie faut pas s’en faire). La notoriété de Maurice Chevalier remontait certes aux années 1910, mais restait associée à Mistinguett, sa partenaire. Après la guerre Chevalier (tout comme Mistinguett) incarne la modernité dans le monde de la chanson. Le chanteur représente d’une certaine façon l’envers masculin de la miss (dont il se sépare) : fantaisie, gouaille, décontraction, et des auteurs qui savent lui trousser des couplets à la mesure de ses prestations scéniques. Cependant, contrairement à Mistinguett (midinette pour l’éternité !) Chevalier va composer un personnage mi distingué (le smoking), mi populaire (le canotier). D’autres succès (Valentine, Dites moi ma mère, C’est Paris !) mettent Maurice Chevalier tout en haut de l’affiche.

Après une longue parenthèse américaine (entre 1928 et 1935, durant laquelle le chanteur au canotier crée Paris je t’aime d’amour), Chevalier accumule les succès durant la seconde moitié des années trente (Prosper, Le chapeau de Zozo, Ma pomme, Ah si vous connaissiez ma poule, Ca s’est passé un dimanche, Paris sera toujours Paris). La Seconde guerre mondiale fait entendre un autre son de cloche : Ca sent si bon la France et La chanson du maçon datent de 1941. Cette contribution au pétainisme (La marche de Ménilmontant renvoyant elle au Chevalier de l’avant guerre) et son attitude “collaborationniste” rendent Maurice Chevalier personna non grata aux lendemains de la Libération. L’intervention (parmi d’autres) de Thorez et d’Aragon en faveur de Chevalier s’avère décisive : notre “Maurice national” n’est pas inquiété et peut ainsi poursuivre sa carrière. Mais rien désormais ne sera plus comme avant. Maurice Chevalier ne tient plus le devant de la scène française (son répertoire a brusquement pris un coup de vieux) mais va représenter une certaine tendance de la chanson française à travers le vaste monde. Un dernier succès, Le twist du canotier (avec les Chaussettes noires) lui permet de se faire adouber à 74 berges par les yé yé. La boucle est bouclée, en quelques sorte.

Boris Vian a écrit : “Chevalier, c’est le métier le plus sensationnel du music-hall : il arrive à donner corps au vide absolu que sont certaines de ses chansons”. Ce qui est bien vu, et confirme si besoin était la place éminente de Maurice Chevalier dans l’histoire du music-hall de ce siècle. Sur son répertoire, en revanche, on sera réservé à très réservé.