DEBRONCKART (Jacques)

Qui s’intéresse encore aujourd’hui à Jacques Debronckart ? Cet auteur-compositeur attire l’attention durant la seconde moitié des années soixante avec Adélaïde et Ma mère était espagnole, Debronckart sort un 33 tour en 1967 comportant des chansons témoignant de son “engagement” libertaire (dont Mutins de 1917, victime de la censure), qui recueille peu d’échos. Jacques Debronckart connaît ensuite ce que l’on appelle un “succès d’estime” avec le 30 cm enregistré en 1969. En tête de l’album J’suis heureux annonce la couleur (“Je suis un homme de gauche mais la gauche a vieilli / Il faut évoluer, c’est la loi de la vie / Je ne dis pas cela parce que je suis nanti / D’ailleurs tout ce que j’ai, je l’ai eu à crédit “) . Cette chanson reste chère au cœur de ceux qui pensent, non sans raison, que le bonheur vendu et médiatisé à longueur de journée ne vaut pas tripette. Jacques Debronckart le fait savoir haut et fort avec une fougue toute brelienne : quelque part entre la critique de la société de consommation et les affres métaphysiques de l’homme moderne. A parcourir l’oeuvre de ce pianiste (il accompagna un temps Maurice Fanon), devenu auteur-compositeur-interprète, plusieurs Debronckart apparaissent. Le libertaire d’abord : la vigilance face aux menaces qui pèsent sur La liberté, le voyage en pays d’utopie (Ailleurs), les couplets caustiques de J’achète, ou la confession d’un kleptomane qui vole pour la sensation (Klepto). Jacques Debronckart donne de l’âme à chacune de ses chansons, quand bien même certaines d’entre elles semblent vouloir flirter avec le mélo. Ainsi Mais si mais si je t’aime nous narre en trois épisodes l’histoire de deux vies ratées (le piano renchérissant pour qui en douterait). Sur scène Debronckart donnait la pleine mesure de son talent. Cet interprète était habité par les personnages de ses chansons : des hommes et des femmes vivant le plus souvent d’illusions ou appartenant au lot des “perdants de la vie”. Des personnages dont la médiocrité se trouve par exemple sublimée dans Je suis comédien, ou que la raison a abandonné (comme le fou enfermé dans sa camisole de souvenirs de Mon royaume).

On dira que ce type de chansons, et cette manière de les interpréter appartiennent à une époque révolue. Un tel “dramatisme” n’a plus lieu d’être, ajoutera-t-on. Il n’empêche : durant sa trop courte carrière (une quinzaine d’années) Jacques Debronckart n’a pas eu l’audience qu’il méritait. Le jour où ses chansons deviendront complètement démodées peut-être les redécouvrira-t-on à la faveur d’une quelconque mode rétro. En attendant quittons Debronckart avec cette bouleversante Écoutez, vous ne m’écoutez pas. A la question : pourquoi écrivez vous ? Georges Perros répondait : parce que personne n’écoute. Ici le personnage de la chanson monologue dans le vide en posant des questions qui restent sans réponse. Et c’est de l’émotion pure, durant trois minutes !