DUTRONC (Jacques)

Il paraissait difficile d’ignorer et moi et moi et moi l’été 1966. Le premier 45 tour de cet ancien guitariste du groupe Et Toro, compositeur (on lui devait la musique de Le temps de l’amour, interprétée par Françoise Hardy), ne passe pas inaperçu. Le son plutôt rock se retrouve dans le disque suivant, un 33 tour, à l’exception du titre Les plays boys, plébiscité par le public. Autres chansons remarquées : La fille du père Noël, On nous cache tout on nous dit rien et Les cactus (qui connut son heure de gloire dans l’enceinte du Palais-Bourbon). Les disques sortis l’année suivantes (en particulier les chansons J’aime les filles, L’idole, Le plus difficile, Hippie hippi hourrah, A tout berzingue) imposent Jacques Dutronc. On va même jusqu’à parler de dutroncmania. Ceci s’explique par les textes, de Jacques Lanzman, qui distillent un humour proche de la dérision, teinté parfois de critique sociale (La publicité, Les rois de la réforme), ou jouant la carte du cynisme (L’opportuniste). Une dérision qui à l’occasion peut se retourner contre le texte même de part l’interprétation de Dutronc. Les musiques se diversifient au fil des disques et habillent impeccablement les paroles des chansons. Le tout renvoie à un univers original, singulier, sachant capter l’air du temps.

Il est cinq heures Paris s’éveille, le plus gros succès de Jacques Dutronc (en même temps la meilleure de ses chansons, ce qui n’est pas si courant) date du printemps 1968. La flûte de Jean-Pierre Rampal n’étant pas étrangère à cette réussite. Les années 68 (Fais pas si fais pas ça, La Seine) et 69 (L’aventurier, Quand c’est usé on le jette, Le responsable, L’hôtesse de l’air) confirment cette embellie. C’est un peu moins le cas en 1970 (Restons français soyons gaulois, A la vie à l’amour, le fond de l’air est doux, A la queue les Yvelines). A signaler cependant la première chanson écrite en verlan : J’avais la cervelle qui faisait des vagues. Jacques Dutronc sort en 1971 un album décevant, dont seule surnage Le petit jardin. Une dernière salve, pour clore les “années Vogue”, propose ce que savent le mieux faire les sieurs Lanzman et Dutronc (Le dragueur des supermarchés, et surtout l’excellente Le testamour : voire La France défigurée, dans un registre écologique, qui tout comme Le petit jardin semble plus préoccuper Lanzman que Dutronc). On remarque que durant cette même période les plus gros succès de Jacques Dutronc sont des chansons écrites pour la télévision (L’Arsène, Gentleman cambrioleur) ou le cinéma (La ballade du bon et des méchants), non signées par le couple Lanzman-Dutonc.

Ensuite Jacques Dutronc va principalement se consacrer au cinéma. Il reviendra à la chanson par intermittence. Avec deux albums (sur des textes de Gainsbourg), sans grand intérêt. En revanche “C.Q.F.Dutronc”, sorti en 1987, sans soutenir la comparaison avec la période Vogue, n’en contient pas moins une savoureuse Les gars de la narine.