ESPOSITO (Giani)

On se souvient de la silhouette et du visage (ou encore de la voix) de Giani Esposito sans toujours savoir que ce comédien élégant a écrit et composé une cinquantaine de chansons, dont certaines mériteraient de passer à la postérité. En revanche, ceux qui connaissent et apprécient l’auteur-compositeur-interprète savent que pour Giani Esposito la chanson relève d’un genre exigeant. Parce que ce chanteur est certainement le personnage le plus singulier d’un art qui mérite moins que jamais la qualification d’art mineur (du moins à la mesure de ce répertoire sans véritable équivalent). Et qu’on aille pas croire, ceci précisé, que Giani Esposito écrivait des textes complexes, difficiles, porteurs d’on ne sait quel message philosophique à l’égard d’un cercle d’initiés. Non, la simplicité désarmante de nombreuses de ses chansons en témoigne (Au fond des cœurs au fond des âges, Même à celui qui meurt, entre autres). Leur écoute réclame davantage d’attention pour qui (nous pensons plutôt aux “jeunes générations”) privilégierait le jeu sur le mot au détriment du mot proprement dit. Certes il n’est pas donné à tout le monde d’entrer dans cet univers : Esposito n’avait pas pour vocation de devenir populaire. Les thèmes de ses chansons sont universels, mais de cette universalité qui rime avec spiritualité (et encore, le pluriel s’imposerait ici). On l’a peut-être compris : les chansons de Giani Esposito ne font pas de concession au temps, le sien, le nôtre. La singularité d’Esposito vient de là, et non d’un soi-disant ésotérisme..

On a découvert Giani Esposito (1957) avec Le clown. Cette chanson semblait venir “du fond des siècles, du fond des âges”. Cette voix unique en bouleversa plus d’un. L’humour d’Esposito, également, ne ressemble à nul autre. Il suffit d’écouter Un noble rossignol à l’époque Ming pour le vérifier. Il s’agit, en ce qui concerne ce dernier titre, de l’unique rencontre de l’art presque aristocratique d’un chanteur “confidentiel” avec le “grand public”. En fréquentant les poètes Giani Esposito a retenu l’essentiel. C’est ce qu’exprime A tititre posthume. Parce qu’ils détiendraient un prétendu secret les poètes doivent être régulièrement passés par les armes. La poésie, allons donc : un secret de polichinelle ! Mais fi, un commandant-mandant en chef ne comprendra jamais rien à la beauté du monde. Ceci pour le contenu. Pour le reste la voix se charge de l’ironie, et la colère se trouve confiée au piano. Une chanson comme on aimerait qu’il s’en écrivit en ces temps de disette.

L’un des sommets du répertoire d’Esposito (avec la précédente, ainsi que Les clowns et Paris le désert) s’appelle Deux écoliers. Cette chanson méconnue traite du temps qui passe, des années qui comptent double, de la mélancolie du “vieillir” (admirablement évoquée). Ceci sans pathos, sans affectation. Et c’est sans doute pour cette raison que Deux écoliers émeut pareillement. On ne saurait quitter Giani Esposito sans citer également Les petits pains secs, Les quatre éléments, Aubade, Humilité, Les enfants des pauvres, Trois chevaux nains : qui toutes témoignent de l’art singulier de Giani Esposito.