GEORGE (Yvonne)
Un contemporain pourrait s’étonner des controverses et des polémiques suscitées par Yvonne George durant les années vingt. Les uns la sifflaient et la conspuaient, tandis que d’autres, à l’instar des Jeanson, Cocteau, Maeterlink, Desnos, la célébraient. La voix de “la reine du Boeuf sur le toit” n’a pas le volume, ni l’assurance d’une Emma Liebel, par exemple, et son répertoire ne peut rivaliser avec celui des Damia, Frehel ou Oswald, pour ne citer que ces dernières. Il nous manque cependant la dimension de la scène pour apprécier à part entière celle que l’on appelait aussi “la tragédienne lyrique de la chanson”. Pourtant en l’écoutant, et en la réécoutant nous réalisons combien cette chanteuse pouvait se transformer d’un titre à l’autre jusqu’à faire douter l’auditeur de l’identité de la chanteuse. Yvonne George habite littéralement les chansons de son répertoire : son interprétation de Pars (la plus connue d’entre elles) devient bouleversante quand la voix, dans un second temps, se met à murmurer entre les larmes la perte de l’être aimé. Dans un tout autre genre, Yvonne George (avec Valparaiso qu’elle chante gaillardement) inaugure ces “chansons de marins” si présentes dans l’entre-deux-guerres.
L’alcool, la cocaïne, l’opium usèrent prématurément “la plus discuté et la plus indiscutable” (Jean-Christophe Averty) des chanteuses. Yvonne George meurt en 1930 dans un hôtel de Gênes à l’âge de 33 ans. D’après la légende, le plus fervent de ses admirateurs, Robert Desnos, était à son chevet. Yvonne George inspira au poète les “Poèmes à la mystérieuses” (chants de l’amour malheureux, parmi les plus beaux écrits par Desnos). Auparavant, dans l’un des deux articles que le poète consacra à la chanteuse, Desnos écrivait : “Il a suffit qu’elle chante pour que nous prenions conscience de notre lâcheté amoureuse, de l’absence intolérable du pathétique dans notre vie”.