GLENMOR
En chanson, la Bretagne dans ce qu’elle a de mieux s’appelle Glenmor (n’en déplaise à quelques critiques parisiens chichiteux). Avec sa voix taillée dans le granit, son verbe haut (voire hautain), et sa parole de prophète fustigeant les princes, les puissants et la cléricature, ce barde breton a tracé un chemin de colère “parmi les solitudes des villes et des champs et des monts perdus”. Cette colère n’épargne évidemment pas Paris dans Sodome (“Sodome c’est Paris et Paris c’est la France / l’on y crève à genoux et l’on y vit tout pareil “). Glenmor s’y emporte en des termes que notre époque réprouve : “Les couples heureux qui passent à l’histoire / ont de Cocteau l’esprit / de Jean Marais la virilité “. Certains diront que la colère est mauvaise conseillère. Nous répondrons qu’il faut prendre Glenmor tel qu’il est, avec ses emportements et ses outrances. On peut en revanche déplorer que François Rauber n’ait pas été inspiré dans les orchestrations du disque “Cet amour-là” (où figure Sodome) : c’est l’une des rares fausses notes de ce grand arrangeur.
On retrouve des accents ferréens dans les imprécations de Glenmor : du monologue de Princes entendez bien à Vivre (“L’hexagone a ses morts et beaucoup sont bretons / le onze novembre est chez nous fête nationale / j’accuse les églises qui roulent tout l’or du pactole / de givrer tout homme et d’en faire un couillon “). La Bretagne que chante le barde breton c’est aussi cette terre que souille une boue très contemporaine. Glenmor a su trouver les mots les plus justes, c’est à dire ceux de la poésie, pour traduire en chanson l’une des plus importantes catastrophes écologiques de la seconde moitié du XXe siècle : “Ils sont venus les temps / où l’argent du connétable / achète la mer à l’ancan / et pour qu’injuste soit la fable / la noire marée brise l’envol du goéland “.