H


H (Arthur)

Son premier album (en 1990) ne passe pas inaperçu : la voix de l’interprète rappelle celle de Tom Waits, l’accent se trouve principalement mis sur une tonalité jazz (illustrée par Cool jazz), et derrière ce H mystérieux se “cache” le fils de Jacques Higelin. Plus significatifs les deux disques studio suivants (“Bachibouzouk” et “Trouble fête”) font appel à d’autres univers musicaux (en plus du jazz) : orientaux en particulier, tandis que les textes cultivent un humour décalé (Le général de Gaulle et la cinquième dimension, Un aveugle au volant) ou un goût pour l’insolite (La tour Eiffel sidérale, Le baron noir) qui n’est pas sans évoquer le Jacques Higelin des années 80. Le tout ne manque pas d’originalité et ne perd rien à être entendu au concert : deux albums live en témoignent.


HAILLANT (Bernard)

Cet auteur-compositeur-interprète attachant, conteur à ses heures, humaniste dans le bon sens du terme, a d’abord été accompagné dans un premier temps par le groupe Crèche. De cette première période (la fin des années 60 et les seventies) date trois albums d’une tonalité parfois folkeuse (Je n’ai plus aucune nouvelle). Le troisième disque affiche une couleur mélanésienne (Donne moi une île, entre autres) sans céder à l’imagerie ou tomber dans l’exotisme. L’enfance est bien représentée dans l’ensemble de la production de Bernard Haillant (J’suis plus un enfant, La petite fille du cinquième : “La pt’te fille / du cinquième / a été enfermée / l’avait mis l’feu / aux cheveux / de sa poupée “). Sans être un “chanteur engagé” Haillant sait hausser le ton (Ça fait grincer les dents) et chanter à hauteur d’homme (Je vis en négritude) ou d’ironie (Big bang boum boum). Des incursions du coté de la cantate (Berceuse croque lune) ou de l’oratorio (l’ambitieux album “Remonte la source”, un “cri-poème symphonique”) excèdent le format chanson. Ce répertoire qui couvre le dernier tiers du siècle se trouve défendu par une voix chaleureuse, convaincante, et par des musiques parfois venues du bout du monde ou du fond des âges. Sur ce chanteur singulier, citoyen du monde, sensible à la douleur des hommes, Jacques Vassal a écrit les mots suivants : “Quelque soit le nom de l’aliénation, Bernard Haillant se sera jamais dupe. Il a payé le prix fort pour devenir un homme libre”. Haillant venait de décéder en 2002.


HALLYDAY (Johnny)

Les lecteurs de “En avant la zizique” se souviennent certainement du deuxième théorème de Boris Vian, appelé “Théorème Mariano”. A savoir : “Un garçon aussi doué physiquement, scéniquement et vocalement que Luis Mariano est condamné par définition à chanter des chansons idiotes. Et ceci pour une raison bien simple : il n’existe pas de répertoire intelligent correspondant aux moyens vocaux de Mariano”. Ce théorème pourrait s’appliquer à notre Johnny national à condition d’apporter l’indispensable précision suivante : quand bien même l’intéressé chante (ou chanterait) les plus intelligentes chansons du monde cela ne change (ou ne changerait) rien à l’affaire. Donc, là aussi, il n’existe pas de répertoire intelligent correspondant à la personnalité de Johnny Hallyday.

Mettre en avant la durée de la carrière du chanteur, son coté “bête de scène”, sa popularité ou son statut de “monstre sacré” de la chanson ne saurait invalider notre point de vue. Cependant, alors que viennent d’être évoquées par l’actuel Président de la République (et grand ami du chanteur), dans l’hypothèse d’un décès d’Hallyday, des funérailles nationales avec la perspective de voir le cercueil de la vedette remonter les Champs-Élysées, l’auteur de ce dictionnaire, devant le déferlement médiatique qui s’ensuivrait, demanderait pour un temps indéterminé l’asile politique à la principauté du Liechtenstein. Pour la raison suivante : nous croyons savoir que les heureux liechtensteinois ignorent jusqu’à l’existence de Johnny Hallyday. Et donc qu’il ne serait pas nécessaire, dans l’éventualité envisagée, de s’exiler quelque temps au bout du monde.


HARDY (Françoise)

Un premier 45 tour propulse Françoise Hardy parmi les icônes de la jeune chanson yè yè : avec Tous les garçons et les filles de très nombreux adolescents (surtout adolescentes) se reconnaissent dans une chanson qui parle plus à leur sensibilité que le tout venant des tubes diffusés sur “Salut les copains”. A travers un répertoire jalonné dans un premier temps de succès de moindre importance (depuis Le temps de l’amour jusqu’à La maison où j’ai grandi), Françoise Hardy fait entendre sa petite différence dans des chansons comme Le premier bonheur du jour ou Son amie la rose qui sans être véritablement poétiques sortent du cadre formaté d’un genre en voie d’essoufflement. Cette porte de sortie Françoise Hardy la trouve durant la seconde partie des sexties. Jean-Max Rivière et Gérard Bourgeois (que chantent également Bardot, Gréco et Gribouille) lui écrivent deux des meilleures chansons de son répertoire (L’amitié, Rendez-vous d’automne). Françoise Hardy reprend Ma jeunesse fout le camp de Guy Bontempelli et Les ronds dans l’eau (Barrouh / Lai). En 1968 Comment te dire adieu devient l’un des plus grands succès de la chanteuse (les paroles de Serge Gainsbourg n’y étant pas étrangères), et Étonnez-moi Benoît (texte de Modiano) donne à entendre une Françoise Hardy à contre-emploi.

Les années soixante-dix, ni même les suivantes ne lui sont fatales (à l’instar de Mitchell et Hallyday, les deux autres rescapés des années yé yé). Dans une carrière comportant des hauts et des bas, Françoise Hardy va se trouver pour le mieux adoubée par l’une ou l’autre des nouvelles vagues de la chanson. C’est d’abord Message personnel (avec Michel Berger en 1973), puis J’écoute de la musique saoule, cinq ans plus tard (Michel Jonasz / Gabriel Yared), Le danger (Alain Lubrano / Rodolphe Burger) en 1998. La preuve aussi que l’on peut durer sans le secours de la scène.


HÉLIAN (Jacques)

Jacques Hélian crée l’orchestre qui porte son nom juste après la Libération. Son premier titre, Fleur de Paris, rencontre un énorme succès. Jacques Hélian va un temps combler le vide laissé par Ray Ventura (encore en Amérique du sud) ou Raymond Legrand (qui cesse son activité de chef d’orchestre).


HESS (Johnny)

Ce chanteur et compositeur (on lui doit la musique de Vous qui passez sans me voir) entame une carrière solo après la dissolution du duo Charles et Johnny. Dans Je suis swing (1938), sur des paroles de André Hornez, Johnny Hess chante le fameux “Je suis swing / Je suis swing / Zazou... zazou... / Zazou, zazoué “ qui, le mot “zazou” en l’occurrence, connaîtra la fortune que l’on sait quelques années plus tard. Une chanson enregistrée en 1942 (ici sur un texte de Maurice Martelier), Ils sont zazous, évoque “Les ch’veux frisottés / Le col haut de huit pieds / Le doigt comm’ ça en l’air “ de ces mêmes zazous. Ce chanteur privilégiant les refrains rythmés et syncopés est également l’auteur, dans un genre très différent, du Clocher de mon cœur. Johnny Hess fera partie, parmi le contingent d’interprètes qui tenaient le devant de la scène durant l’Occupation, de ceux dont l’étoile pâlira au lendemain de la Libération.


HIGELIN (Jacques)

Un Higelin en cacherait un autre ? En ce qui concerne celui que l’on appelle parfois “le grand Jacques” il s’agit pourtant du même. Il est vrai que ce drôle de personnage semble avoir eu plusieurs vies. Une première, du coté des cabarets de la rive gauche, dont deux disques, l’un consacré à Boris Vian, l’autre enregistré en compagnie de Brigitte Fontaine, conservent le souvenir. Une seconde, celle des “années Saravah”, sera taxée “d’expérimentale” (les guillemets sont de rigueur). Deux albums l’illustre : deux disques qui n’ont pas pris une ride mais que la troisième vie de Jacques Higelin occulterait (le conditionnel étant de rigueur). Et pourtant, lorsque la chanson vers la fin des années soixante affirmait sa vitalité et son envie d’arpenter de nouveaux territoires, quand elle expérimentait et faisait œuvre d’avant garde elle le devait principalement à Brigitte Fontaine et Jacques Higelin. Celui-ci nous gratifiait d’une J’aurais bien voulu (dont se souviendra plus tard plus tard Anne Sylvestre) ou de Remember (avec ici la complicité d’Areski), ou encore des “plus bues qu’Higelin tu meurs” : Il love the queen et Aujourd’hui bues. Sans oublier les deux titres les plus représentatifs de cette époque un peu, beaucoup, passionnément folle, Tiens j’ai dit tiens et Je suis mort qui dit mieux.

Pour une seconde, voire une troisième génération la carrière de Jacques Higelin débute par l’album “BBH 75”. Une mémorable Paris New York New York Paris introduit la “seconde manière” d’Higelin, celle d’un rock gouailleur et déjanté. Ceci valant également pour l’album suivant. Le grand Jacques reviendra progressivement, l’air de pas y toucher, à la “première manière” tout en conservant l’énergie électrique et le public de la seconde : cela méritait bien un détour par New York en 1974 ou les bons offices de cette excellente Mona Lisa klaxon. D’ailleurs le disque sorti en 1976 en apporte un premier témoignage : plus particulièrement Aujourd’hui la crise et Alertez les bébés. L’album suivant élargit encore l’audience de Jacques Higelin (Pars, Denise, Lettre à la petite amie de l’ennemi public).

Deux doubles 30 cm (“Champagne pour tout le monde” et “Caviar pour les autres” en 1979, puis “Aï” en 1985) mettent encore plus en valeur la fantaisie, la verve et le bagout d’Higelin, ainsi que son goût pour l’insolite. Ici apparaît particulièrement la filiation avec Trenet (Champagne revisite le Jardin extraordinaire dans une version vampirique et luciférienne). Citons également Le fil à la patte du caméléon, la déjantée Cap’tain dodécaphonique dada (“Siouxie Fix / L’excellente marxiste scato-sado-maso d’Oyonnax / malaxe ses excréments / dans un mixeur en pyrex expansé d’Ajaccio “), la fantaisie poétique de Coup de lune (“Ce soir / Abélard Premier, roi des magiciens / va tenter pour vous / de décrocher... la lune “).

Higelin, tombé du ciel”, d’une facture plus classique, contient l’un des principaux succès de Jacques Higelin, (Tombé du ciel, avec un piano et une orchestration “Beatles”), et Parc Montsouris : où le chanteur rameute ses souvenirs d’enfance pour se “décrasser les antennes / des mesquineries de la vie “. Trois albums couvrent les années 90 (“Illicite”, “Aux héros de la voltige”, “Paradis païen”). Dans le premier Ce qui est dit doit être fait marche sur les brisées de Tombé du ciel. On retient surtout l’attachante L’homme oiseau (“Sur le parvis de Notre Dame de Paris / une unijambiste / jette ses béquilles / et disparaît en un éclair “ : avec sa voix d’ange d’Homme oiseau et son sax ténor, obsédant).

Enfin le portrait de ce chanteur resterait incomplet si l’on ne mentionnait pas la présence de la scène, dans sa carrière. C’est là que le second des grand Jacques donne la pleine mesure de son talent dans des prestations chaque fois différentes. L’éternel adolescent qui répond au nom de Jacques Higelin n’a pas fini de nous étonner.


HOLMES (Joël)

Ce représentant d’une chanson “de bonne qualité” (La grande foraine, La vie s’en va, et surtout Jean-Marie de Pantin, écrite avec Maurice Fanon) n’a pas survécu à la vague yé yé. Sans doute Joël Holmes n’était pas le plus disposé, ni le mieux armé pour affronter ces difficiles années : La romance, une diatribe anti yé yé de son dernier disque, l’exprime de manière trop rageuse (“Pour tous les cons / Pour tous les concernés “). On regrettera cependant la trop rapide disparition d’un auteur-compositeur-interprète qui, avec A tout choisir par exemple (l’une de ses dernières chansons), laisse le meilleur des témoignages d’un “petit maître” de la chanson française.


HORNEZ (André)

Peu connu, André Hornez a pourtant écrit les textes de plusieurs chansons célèbres des années 30 et 40. Comme principal parolier de l’orchestre de Ray Ventura, tout d’abord (Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine, Comme tout le monde, Tiens tiens tiens, Qu’est ce qu’on attend pour être heureux : des chansons pleines d’une bonne humeur communicative, et une manière d’évacuer peurs et inquiétudes à la veille du second conflit mondial). Cette collaboration se poursuivra plus en pointillé après la Libération (Maia de Bahia, A la mi-août). André Horner est également le parolier de Tant qu’il y aura des étoiles, Je suis swing, Avec son tralala, et de C’est si bon (une chanson qui fera le tour du monde après 1947).


HUGO (Victor)

Le “Défense de déposer de la musique au pied de mes vers”, que l’on attribue à Victor Hugo, n’a pas empêché Colette Magny (Les Tuileries), Julos Beaucarne (Je ne songeais pas à Rose), Georges Brassens (La légende de la none, Grastibelza et son fameux “l’homme à la carabine “) de le mettre en musique : toutes des réussites à des titres divers.


Hymne à l’amour (Édith Piaf - Marguerite Monnot)

Édith Piaf fait partie des rares interprètes capables de réconcilier les intellectuels et les midinettes. L’hymne à l’amour l’illustre plus qu’aucune autre chanson de son répertoire. Des mots simples sur une puissante musique (signée Marguerite Monnot, il est vrai). Et quelle interprétation ! L’amour, toujours l’amour, transfiguré, sublimé. La mort unissant les amants (Édith et Marcel). C’est peut-être “la mort d’Isolde” du pauvre. Et cela n’a rien ici de péjoratif.