LEGRAND (Michel)

Très jeune, Michel Legrand se fait remarquer par ses orchestrations dans la première moitié des années cinquante. On lui doit celle, excellente, du Paris canaille dans l’interprétation de Catherine Sauvage. Le compositeur participe un peu plus tard à l’aventure du disque gag “Rock and roll mops” (avec Henri Salvador et Boris Vian). A la fin des années cinquante Legrand se partage entre la direction d’orchestre, l’écriture de musiques de films (généralement ceux des cinéastes de la “nouvelle vague”), et la composition de chansons (en particulier le premier disque de Claude Nougaro : Legrand signe la plupart des musiques, dont Les dons juans, Le cinéma, Le rouge et le noir, et écrit les orchestrations). Une collaboration qui se poursuivra avec Les mines de charbon, Schplaouch, et plus tard La décharge.

Le film “Les parapluies de Cherbourg” va focaliser en 1964 l’attention sur Michel Legrand, son compositeur. Une gageure qui se transforme en une éclatante réussite musicale. La même année Legrand sort son premier album en tant qu’interprète (et compositeur). Si La valse des lilas, Les grands musiciens et Marion ne m’aimait pas appartiennent au registre “chanson française de tradition” de ces années-là, l’important réside ailleurs. Michel Legrand se situe ici dans une lignée où Trenet, voire Montand, et plus récemment Gainsbourg et Nougaro s’étaient illustrés : la chanson jazzée. Pourtant l’apport de Legrand s’avère plus radical sur le plan du phrasé. Il crée un concept : les mots, sous une forme onomatopée, deviennent des éléments à part entière de la rythmique. Brûle pas tes doigts représente l’exemple le plus significatif de cet art singulier (davantage que Quand ça balance). Cependant c’est avec Moi je suis là que Michel Legrand s’affranchit le plus des canons de la chanson traditionnelle. Eddie Marnay, le parolier du disque, sait là capter l’esprit de cette musique en la vêtant d’un texte sur mesure.

Même s’il surprend moins, le second album de Michel Legrand égale le premier. Plus équilibré dans les registres plus haut évoqués, le versant “classique” comprend des chansons de la qualité (mélodique) de 1789, Sérénade du XXe siècle, Les enfants qui pleurent. L’Espagne est présente avec l’étonnante Chanson pour un enfant qui chante et l'irrésistible Hé Antonio. Le versant jazzique comporte Avant le jazz, Trombone guitare et cie, et Elle n’a elle n’a pas. Une oreille attentive reconnaîtra dans ce dernier titre un son proche des mélodies écrites pour “Les demoiselles de Rochefort”, deux ans avant la sortie de ce film. Restons avec ces “Demoiselles” dont Legrand écrit la musique sur des textes de Jacques Demy. Il s’agit ici d’une comédie musicale. L’un des leitmotiv de la partition, La chanson de Maxence, confirme si besoin était le talent mélodique de Michel Legrand. On ajoutera Marins amis amants ou maris, Nous voyageons de ville en ville et cette Chanson des jumelles qui donne le ton de ces “Demoiselles de Rochefort”.

La carrière de Michel Legrand ne s’arrête pas bien entendu au seuil des années soixante-dix. Mais la suite présente moins d’intérêt. D’ailleurs Legrand abandonnera peu à peu la chanson comme interprète pour se consacrer prioritairement à la musique de film (le titre Les moulins de mon cœur en étant l’adaptation la plus connue).