MAGNY (Colette)

On se souvient peut-être de la première apparition de Colette Magny sur le petit écran au début des années 60. L’émission, “Le petit conservatoire de la chanson”, était présentée par Mireille et consacrée aux jeunes talents de demain. Parmi les jeunes pousses cornaquées par Mireille (citons Françoise Hardy, à la même époque) cette forte femme de 36 ans, d’une timidité maladive, dont la voix évoquait celle des grandes chanteuses de blues, faisait contraste ou même désordre. En 1963 Colette Magny sort un premier 45 t. Y figure Melocoton, la seule de ses chansons à connaître un succès public. Elle met en valeur la voix de l’interprète mais ne permet pas de subodorer ce qui s’ensuivra (pas plus l’album sorti un an plus tard, panachage de blues traditionnels et d’adaptations par Magny de poètes français, dont la remarquée Les Tuileries sur des vers de Hugo).

Colette Magny change alors de maison de disque et rejoint Chant du monde. Quatre albums (“Vietnam 67”, “Magny 68”, “Feu et rythme”, “Répressions”) témoignent de l’engagement de la chanteuse au coté des opprimés et des révolutionnaires de tous pays. Ce ne sont pas des chansons, à proprement parler, mais des cris, des révoltes, des tracts, de l’actualité brute, des bruits de manifs, des histoires de pauvres gens. Et ce qu’il faut de rage rentrée pour parfois supporter l’insupportable. Ceci pour les textes. Magny écrit également les musiques ou les confie aux musiciens de jazz (plutôt free) qui l’accompagnent durant cette époque.

Transit” ensuite représente un disque de transition dans la carrière de Colette Magny. Jusqu’alors la chanteuse se disait toujours prête quand on venait lui demander de chanter pour la Révolution. Jusqu’au jour où... L’histoire est racontée dans Ras la trompe. Ne livrons ici que la morale : on peut à la fois agonir les militants et rester révoltée. L’album suivant, “Visage-Village”, est certainement le plus ambitieux de la chanteuse. Le chant de Magny se fait âpre, tendu, presque désespéré. C’est un cri qui vient des entrailles de la terre. Une clameur que le free-jazz amplifie et que l’accordéon (celui de Léonardi) finit par apaiser. Tout à la fin du disque, après ces derniers mots (“Le couple / C’est guère qu’une toute petite réunion / D’une toute petite cellule / D’un parti qui n’existe pas “), il faut alors entendre la voix de Magny entre rage et dérision.

Les albums qui suivent, encore plus expérimentaux, éloignent Colette Magny de son public (en exceptant “Chansons pour Titine”, un retour au blues des années 60). Le dernier disque de la chanteuse, “Kevork” (1989), sortira en souscription ! Magny revient sur quelques unes des thématiques traitées durant les années 60 et 70, dans un registre cependant plus apaisé. De Melocoton à Fils de Bahia de l’eau a coulé sous les ponts mais Colette Magny est restée la même. La Magny vous tire sa révérence, “fils de Bahia, de Harlem ou de Cuba “ (et des faubourgs de Buenos Aires, quand le bandonéon nous la joue sur ce ton là).