MISTINGUETT

Certes Mistinguett chantait depuis 1885, et elle avait connu le succès avant la Première guerre mondiale (associée à Max Dearly, puis à Maurice Chevalier). Mais ce sont les années vingt qui placent Mistinguett au firmament de la chanson française. Durant cette décennie elle crée l’illustrissime Mon homme (la matrice d’un genre que les féministes brocarderont), Ça c’est Paris (et Paris c’est Mistinguett ! : en quatre couplets messieurs Boyer, Jacques-Charles et Padella nous brossent le portrait de “la petite femme de Paris”), Gosse de Paris (la miss incarne ici l’esprit gouailleur et parigot de la première moitié du vingtième siècle : elle pouvait même se permettre dans sa cinquante-sixième année de créer cette “chanson de midinette” sans que nul ne trouve à dire ou même à médire). Durant ces années fastes Mistinguett enchaîne revue sur revue. L’abattage dont elle fait preuve sur scène, sa manière de mettre le public dans sa poche, et son image de parisienne pour le monde entier sont les principaux atouts de la chanteuse. Ceci parce que Mistinguett ne dispose que de faibles moyens vocaux (“On dit que j’ai la voix qui traîne / En chantant mes rengaines / C’est vrai ! “, chantera-t-elle non sans humour dans le dernier de ses grands succès). Durant ces années vingt, aux trois célèbres chansons citées plus haut, on ajoutera J’en ai marre (“Toujours au turbin / Du soir au matin / Moi j’en ai marre “), En douce, La belote, La java (“Qu’est-c’ qui dégot / Le fox trot / Et même le shimmy / Les pas englischs / Le schottisch / Et tout c’qui s’en suit “).

L’étoile de la chanteuse va doucement décliner durant les années trente. Aucune autre chanson, C’est vrai exceptée, ne prend place parmi les “immortelles” de Mistinguett. Une autre génération (celle des Mireille, Tranchant, Sablon, Ventura) apporte un sang neuf à la chanson, et la “chanson réaliste” (à laquelle Mistinguett n’a jamais véritablement appartenu) brille de ses derniers feux tout en se faisant l’écho des inquiétudes de l’époque. Les “années folles” sont bien finies.