NOIR DÉSIR

A la fin des années 80, deux albums (“Où veux-tu que j’regarde”, et “Veuillez rendre l’âme” : Aux sombres héros de l’amer) installent Noir Désir en tête des groupes de rock français. Un rock parfois chanté en anglais mais dont les textes en langue française (signés Bertrand Cantat, le chanteur) concilient poésie et un contenu plus révolté (la rage, Les écorchés) que réellement politique. Les trois disques des années 90 (“Du ciment sous les plaines”, “Tostaky”, “666.667 club”) poursuivent dans cette voie : un rock toujours sans concession sur des textes inspirés (Tostaky, Fin de siècle, L’homme pressé). En public Noir Désir reprend parfois des titres ne figurant pas sur les albums studio : entre autres une inventive reprise de I want you des Beatles.

Le dernier album enregistré par le groupe (“Des visages des figures”, sorti en 2001) constitue une véritable rupture. Un peu comme si les Beatles avaient enchaîné “Ruber soul” et “Sergeant Pepers” sans passer par la case “Revolver”. Porté par Le vent nous emportera ce disque comprend ces titres essentiels dans la discographie de Noir Désir (Le grand incendie, Des visages des figures, A l’envers à l’endroit, Lost). Des larmes, d’après un poème inédit de Léo Ferré, est également une réussite. Pourtant le meilleur reste encore à venir. Sur des textes de Brigitte Fontaine (qui le dit) et Bertrand Cantat, L’Europe représente en quelque sorte un équivalent au Comme à la radio de 1970. Dans ce maelström musical le free jazz de Akost Szelevény se substitue à celui du Art Ensemble of Chicago. A la différence près que nous sommes en 2001: ici c’est l’Europe qui paye la facture (“Sale vieille Europe, celle qui entre deux guerres et même encore caressant bien le ventre des pays de ses lointains ailleurs et la bite à la main arrosait de son sperme les sexes autochtones “).