RIFFARD (Roger)

Roger Riffard est l’un des “grands oubliés” de la chanson française des années soixante. Un premier 45 t (en 1959) permet de découvrir un curieux chanteur (et auteur-compositeur) à la voix haut perchée, de fausset presque. Suivront deux autres 45 t, puis un 25 cm en 1963. Et puis c’est tout. Ce dilettante préférera au plus fort de la vague yé yé abandonner la chanson pour une carrière de second rôle au cinéma. Peu de titres donc figurent au répertoire de Roger Riffard mais l’univers de ce chanteur n’en est pas moins singulier : entre une poésie raffinée, volontiers bucolique (Les pâquerettes, A la cambrousse : “Compte bonhomme / Sur tes dix doigts / Les jours qui rigolent / Et les jours qui merdoient “) et une drôlerie (Des Jules et des Étienne, La java du solitaire) qui peut être hilarante avec Mam’zelle grand Flafla. On ne saurait oublier le libertaire : en pointillé (Mon copain d’Espagne) ou affichant son inclination pour la paresse et le vagabondage (La petite maison : “Pour jouir d’un certain confort / Orner sa vie d’une douce mort / Il faudrait beaucoup travailler / Moi j’ai pas pu m’y habituer “).

Marcel Maréchal a très justement évoqué chez Riffard “une cadence précise, au verbe recherché” (on précise également, à l’exemple d’un Boby Lapointe, que textes et musiques forment un tout parfaitement cohérent). La chanson la plus connue de Roger Riffard, Timoléon le jardinier (reprise par Michèle Arnaud, Denise Benoit, Julos Beaucarne), l’!illustre particulièrement. Cette délicieuse saynète libertine, alternant mode majeur et mineur selon l’interlocutrice (une mère et sa fille), débute ainsi : “Clara ma fille d’où rapportez vous / Tant de brindilles dans vos cheveux fous / Par quelle sorte d’horloge trompée / N’êtes vous rentrée qu’à la nuit tombée “. Une merveille de quatrain “musiquée” comme un mécanisme d’horlogerie.

Roger Riffard nous quitta un 29 octobre 1981, deux heures avant son ami Georges Brassens (qui l’avait encouragé à ses débuts, et le “programmait” souvent en première partie de ses concerts) ! Anne Sylvestre, qui a bien connu Riffard, l’évoque joliment : “Parti en lever de rideau”. Et dire qu’un ouvrage “de référence” a supprimé l’entrée Roger Riffard dans sa dernière édition : misère !