SAUVAGE (Catherine)

Il parait difficile de ne pas associer d’emblée le nom de Catherine Sauvage à celui de Léo Ferré. On sait que ce dernier considérait la chanteuse comme son interprète d’élection. Une chanson de la facture de Paris Canaille (superbement interprétée par Catherine Sauvage et bénéficiant de l’excellente orchestration de Michel Legrand) contribue à la renommée de la chanteuse, et à celle d’un auteur-compositeur encore peu connu. La Sauvage inscrira de très nombreuses chansons de Ferré à son tour de chant (Les amoureux du Havre, L’homme, le piano du pauvre, connaissent un succès comparable) et y reviendra (du moins jusqu’à Avec le temps créée peu de temps après Ferré) tout au long de sa carrière (citons par exemple La poésie fout le camp Villon, Le temps du plastique, Mister Georgina, Vingt ans, La poisse, Rotterdam).

Autre contribution à la découverte d’un auteur-compositeur : celle de Gilles Vigneault (le chanteur québécois était alors quasi inconnu en France) dont Catherine Sauvage enregistre 12 chansons en 1966 (Tam di delam, Jack Monoloy...). Toute sa vie Catherine Sauvage a chanté les poètes : un large spectre qui n’a pas d’équivalent (de Soupault à Lorca en passant par Aragon, Noël, Fombeure, Seghers, Queneau, Mac Orlan, Baudelaire,Carco, Audiberti : avec une mention particulière pour La poupée, sur un texte de Jacques Audiberti). Et Jacques Prévert auquel la chanteuse consacre un disque tardif (1991) mais essentiel : en retenant principalement son incomparable interprétation du cycle d’Aubervilliers (Chanson des enfants, Chanson de l’eau, Chanson de la Seine).

Vers le milieu de sa carrière, en 1961, Catherine Sauvage enregistre un album consacré à Kurt Weill. C’est sans doute le témoignage le plus précieux de l’art de la chanteuse. Excepté une savoureuse Complainte de Fantomas (poème de Desnos) et Mon ami my friend (de P. Green) tous les textes sont de Bertolt Brecht. Au début des années soixante les songs de messieurs Brecht et Weill avaient déjà été chanté par quelques unes des “pointures” de la chanson française. Pourtant aucun interprète ne nous avait communiqué pareil sentiment de révolte à l’écoute de La fiancée du pirate. Et que dire de la trilogie extraite de “Happy end” ! Bilbao song (où Sauvage surpasse Montand), Sarabaya Johnny (où il faut l’entendre chanter cet inoubliable “tu la retires ta pipe de ta grande gueule, ordure qui chaque fois donne le frisson), Le tango des matelots (où la gouaille de Catherine Sauvage fait merveille). De surcroît la chanteuse privilégie ici l’adaptation de Boris Vian à celle de Geneviève Serreau, plus édulcorée. Autant que nous puissions en juger celle de Vian rend plus justice au texte original : car (Le tango des matelots, toujours) entre “serrer les fesses (Serreau) et avoir “les caleçons pleins de m... (Vian), il y a quand même une différence ! Surtout lorsque l’interprète s’appelle Catherine Sauvage.