VASSILIU (Pierre)

On repérerait quatre Vassiliu. Et peut-être plus avec ce drôle de chanteur dont la carrière ne manque pas d’étonner. Le “premier Vassiliu”, le plus reconnaissable, s’inscrit délibérément dans le genre comique. La chanson Armand (“C’était un pauv’ gars / Qui s’app’ lait Armand / Y n’avait pas d’papa / Y n’avait pas d’maman “) le révèle en 1963. Pierre Vassiliu durant les années 60 va explorer différents registres comiques : le détournement de comptine (Ronde enfantine), le jeu de mot salace (Ma cousine, La pipe à papa), l’antimilitarisme (La femme du sergent : “Aussi le soir fallait le voir parler d’l’Indo et d’la Corée / J’étais dans les rizières j’avais deux hommes à moi / L’un tenant la bannière l’autre me tenant moi “), et aussi Alain Aline, Georgette, Eugène, Ta ta tar. Quand la truculence, la paillardise et l’humour potache de ces années là s’accompagnent d’un certain non sens cela donne La Charlotte. L’adjectif “cocasse” vient naturellement sous la plume avec quelque chose en plus du coté de la singularité d’un auteur qui est mieux qu’un amuseur. Et puis une chanson où l’on “vend des nouilles à la sauvette “ et “fait des études sur le nougat “ ne peut pas être complètement mauvaise. De temps à autre, cependant, Vassiliu quitte ce genre comique : citons la nostalgique Adieu mon théâtre et ce petit chef d’oeuvre : A marée haute.

Le premier album du chanteur (1970) est en totale rupture avec la série des 45 tours précédents. Amour amitié (“Amour amitié / Je ne sais pas si par dépit ou par pitié / Je franchirais cet océan / Qui va de l’ami à l’amant “ ) donne le ton dans un registre grave et tendre. C’est également le cas de A toi Marie : une “déclaration” emprunte de tendresse. Ensuite Pierre Vassiliu rencontre le grand public avec le succès inattendu de Qui c’est celui là. Dans la foulée (1974) l’album qui suit représente une “troisième manière” du chanteur, autant sur le plan musical qu’à travers les thématiques des chansons. Vassiliu y donne à voir et à entendre une chronique de l’époque (J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport, Film), y compris en relatant un quotidien implicitement post soixante-huitard (Marie en Provence, Dans ma maison d’amour). Enfin un dernier Vassiliu va chercher son inspiration en Afrique, voire du coté de l’Amérique latine. Une telle pulsion voyageuse inspire la sympathie mais n’est pas sans donner le tournis. Que de chemins parcourus depuis Armand !