VIGNEAULT (Gilles)

Il existe au moins quatre bonnes raisons de s’intéresser à Gilles Vigneault. D’abord il possède de l’énergie à revendre. Il faut avoir vu Vigneault interpréter La danse à Saint-Dilon en public pour savoir combien cette chanson s’avère contagieuse. Et elle dure le temps qu’il faut pour entraîner des esprits chagrins qui diraient ne pas comprendre toutes les paroles (à moins de leur faire oublier le peu qu’ils auraient retenu). En restant dans ce registre enlevé et dansant il parait difficile de faire l’impasse sur Tout le monde est malheureux. Car un interprète qui rit comme un bossu en chantant “tout l’monde est malheureux, tout l’temps “ met, comme dirait le philosophe, “de la gaieté dans le tragique”.

Secondement, Gilles Vigneault n’est pas étranger, loin de là, aux questions sociales. Il en en dit un mot (et plus) en racontant l’histoire de Jack Monoloy (“Jack Jack Jack Jack / Disaient les canards les perdrix / Et les sarcelles / Monoloy disait le vent / La Mariouche est pour un blanc “). Ou alors il a recours à la fable des Voyageurs. Cette chanson nous enseigne deux trois vérités essentielles sur “les gens d’en haut “, la chasse et la guerre : “Quand on voyage on apprend ça “ nous dit Vigneault. Il a mille fois raison. On ferait mieux d’écouter plus souvent les voyageurs. Et leur emprunter le pas, le cas échéant, pour déserter.

Troisièmement. Gilles Vigneault est un conteur. Un merveilleux conteur qui possède comme nul autre l’art de personnaliser animaux, arbres et rivières du Grand Nord (entre autres dans La Manikoutaï, la plus belle de ses chansons) ou de croquer quelques figures de personnages pittoresques : Gros-Pierre, Jean du Sud, Berlu, Zidor le prospecteur, Ti-cul la chance ou Jos Monferrand (“Le cul sur le bord du Cap Diamant / Les pieds dans l’eau du Saint-Laurent / J’ai passé un petit bout de temps / Avec le grand Jos Monferrand “).

Enfin Gilles Vigneault, dont on connaît l’engagement en faveur de la souveraineté du Québec, a su traduire de manière poétique le sentiment qui l’attache à son “pays”. En particulier dans sa “tétralogie” (Les gens de mon pays, Gens du pays, Il me reste un pays, et surtout Mon pays : “Mon pays ce n’est pas un pays c’est l’hiver / Mon jardin ce n’est pas un jardin c’est la plaine / Mon chemin ce n’est pas un chemin c’est la neige “.