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LAFFAILLE (Gilbert)

Les chansons des premiers disques de Gilbert Laffaille se signalent par leur humour distancié dans les registres politique (Le président et l’éléphant, le titre qui fait connaître Laffaille en 1977), social (Neuilly blues), ou plus classique (Interrogations écrites). Ce regard n’exclut pas la compassion (Le cheval rose), l’observation sociologique (La femme image), ou même les deux (Petites filles de Chieng-maï). Les mélodies composées par Gilbert Laffaille couvrent un large spectre musical depuis le blues jusqu’à la musique de fête foraine en passant par la bossa-nova, la béguine et la balade folk. Elles habillent des textes qui savent se plier à l’un ou l’autre de ces traitements musicaux à l’instar de ce Nettoyage de printemps dont la musique pourtant ne ressemble à aucune autre. On trouve moins de singularité dans les chansons du Laffaille de la seconde période : même si le désir d’utopie, quoique révisé à la baisse (Blues d’ici, Ici), et la qualité (Magritte) perdurent.


LAFFORGUE (René-Louis)

René-Louis Lafforgue chante depuis trois ans quand il obtient en 1955 un premier succès d’estime avec Le poseur du rail. L’année suivante Julie la rousse le révèle au grand public. René-Louis Lafforgue ouvre en 1962 le cabaret “L’école buissonnière” qui a la rude tâche, en pleine vague yé yé, de dénicher les talents de demain. Cet auteur-compositeur doté d’une belle voix s’est principalement fait connaître par des chansons qui, tout comme Julie la rousse, cultivent une fibre populaire et bon enfant (Que t’es chouette, La fête est là, La douche municipale, Quand la valse est là). Un second René-Louis Lafforgue, davantage prisé par les amateurs, sort de ces sentiers relativement battus en empruntant par exemple “Le bon chemin libertaire “ de L’école buissonnière, en faisant l’éloge du vagabondage (La belle étoile), en brocardant les corps constitués (Sacré Gaston), ou en fustigeant le racisme (Le grand Manitou : “Faites de moi un mal blanchi / Si vous n’y voyez pas d’obstacle / Que je sois les uns et les autres / Et rouge et jaune et noir et blanc “) à une époque où la chanson “antiraciste” ne courait pas les rues (exceptée, la même année, 1962, sur un tout autre mode Le rouge et le noir de Claude Nougaro.


LAFORÊT (Marie)

Après une première expérience liée à un tournage (Saint-Tropez blues), Marie Laforêt sort un 45 tour où figure Les vendanges de l’amour. Cette chanson devient l’un des succès de l’année 1963. Marie Laforêt va alors délaisser le cinéma pour se consacrer entièrement à la chanson. La “fille aux yeux d’or” dispose il est vrai d’une voix dont le caractère voilé, à la limite du rauque, n’est pas sans exercer une certaine séduction. Son répertoire se partage dans un premier temps entre une veine folk (Viens sur la montagne, Katy cruelle, Siffle siffle ma fille), une autre plus rock (A demain ma darling, Marie douceur Marie colère), et des chansons plus “classiques” (La tendresse, La bague au doigt). Le style de Marie Laforêt s’affirme avec les chansons que lui écrivent Eddy Marnay et André Popp (Tom, Sébastien, Manchester et Liverpool, ou encore Ivan Boris et moi sur une musique d’Émile Stern). La décennie suivante s’avère plus en demi teinte pour la belle interprète (à signaler cependant Il a neigé sur Yesterday, son dernier succès). Ensuite Marie Laforêt retournera au cinéma.


LAI (Francis)

Ce compositeur venait de rejoindre l’équipe constituée autour d’Édith Piaf (L’homme de Berlin) peu de temps avant le décès de la chanteuse. Francis Lai va se partager entre l’écriture de musique de films, pour Claude Lelouch principalement (Un homme et une femme, Vivre pour vivre et Le bon et les méchants étant les plus connues) et celle de chansons. Un certain nombre d’entre elles ont été écrites sur des textes de Pierre Barrouh : chantées par ce dernier tout d’abord (Tes dix huit ans, Le roman, Le tour du monde), et par d’autres interprètes ensuite, en particulier La bicyclette créée par Yves Montand. Nicole Croisille, Marie Laforêt et Régine (Qu’est ce que vous voulez que ça me fasse) ont également interprétées des chansons composées par Francis Lai.


LAMA (Serge)

Tout avait pourtant bien commencé avec le premier disque, qui comprenait l’autobiographique Les ballons rouges (“Et je n’ai pas vu dans l’Histoire / Quelque guerrier ou quelque roi / Assoiffé de règne et de gloire / Qui soit plus orgueilleux que moi “). Et même après : Le temps de la rengaine laisse augurer le meilleur, et D’aventure en aventure cultive non sans talent une veine brélienne. Lama ne manque pas de présence, ni de conviction, et se trouve doté d’une voix qui sert l’une et l’autre. En plus il sait écrire des chansons. Alors comment expliquer cette évolution vers plus de facilité, d’effusion virile, d’auto-satisfaction, de bravache ? Le succès ? La capacité de pouvoir remplir des grandes salles de spectacle ? Un narcissisme impénitent ? Superman peut encore passer pour une plaisanterie, et les couplets des Petites femmes de Pigalle s’avérent pas trop mal troussés. Mais le seul intérêt du mélodramatique Je suis malade est de mettre en valeur la puissance vocale de l’interprète. Avec L’Algérie Lama devient franchement déplaisant. On ne sait pas s’il faut qualifier de pire ou de grotesque le “Napoléon” qui s’ensuivit. Cette expérience n’a pas porté chance à Serge Lama car notre “chanteur à voix” semble avoir disparu de la production discographique, sinon du music-hall à la fin du XXe siècle. Alors : Elbe ou Saint-Hélène ?


LANG (Jean-Pierre)

Le nom de cet auteur-compositeur se trouve surtout associé à celui de Pierre Bachelet pour qui, parmi de très nombreuses chansons, il écrit Les corons. Jean-Pierre Lang est également l’auteur de Fais moi un signe (Gérard Palaprat), Parlez moi de lui (Nicole Croisille), et de chansons interprétées par Guy Mardel, Marie Laforêt, etc.


LANZMANN (Jacques)

Ce romancier est l’auteur de la plupart des textes des chansons de Jacques Dutronc (de manière exclusive pour la période 1966-1975, de loin la plus conséquente). Tous deux collaboreront une dernière fois en 2000 sur l’album “Madame l’existence”. Grand marcheur devant l’éternel, Jacques Lanzmann a quelquefois été encouragé sur le bord de la route par des tonitruants : “Vas-y Dutronc !”. Une osmose peu commune, en quelque sorte.


LAPOINTE (Boby)

Nombreux furent ceux qui découvrirent physiquement Boby Lapointe lors de la sortie du film “Tirez sur le pianiste” de François Truffaut. L’auteur de Ta Katie t’a quitté y chantait deux chansons : Framboise et Marcelle. Il s’agissait d’une prestation ahurissante, hilarante, indescriptible ! Sur l’écran s’agitait une espèce de “moulin à paroles” monté sur ressorts, dont le phrasé réclamait le secours d’un sous-titrage pour être compris (ou même entendu). Aujourd’hui Boby Lapointe est devenu un “chanteur culte” : son œuvre fait l’objet de recherches savantes à l’université, de nombreux ouvrages lui sont consacrés, et son ”fan-club” s’agrandit de jour en jour. Une reconnaissance posthume parce que l’intéressé ne connut qu’un succès d’estime de son vivant. Quelques “lapointistes” le soutinrent tout au long de sa trop courte carrière, rien de plus. D’ailleurs, à la fin de sa vie le chanteur passait plus de temps derrière une caméra (pour y jouer des petits rôles : dans “Rendez-vous à Bay” d’André Delvaux, par exemple) que sur une scène de music-hall.

Le répertoire de Boby Lapointe se signale par son extraordinaire virtuosité verbale : les jeux de mots fusent sans discontinuer, portés par une phrase saccadée qui donne le tournis. Qui voudrait faire l’expérience d’écouter la totalité des chansons de Boby Lapointe, et en continuité, se trouverait dans l’obligation de suspendre cette écoute de temps à autre pour reprendre son souffle (et retrouver ses esprits). Un mot sur la musique, qui a certainement éloigné du chanteur un public peu friand des tangos, paso doble, marches militaires, calypso et autres rengaines “popu” qui habillent les textes de Boby Lapointe. Cette virtuosité verbale (ah les assonances de Méli-Mélodie !) n’excuse pas que l’on ait parfois tenu pour négligeable la mélodie. Boby Lapointe a toujours écrit les musiques que réclamaient les paroles de ses chansons. Les premières ont pu paraître désuètes, anachroniques ou ringardes aux oreilles de certains. Notre auteur y a répondu de la plus belle des manières, et à sa façon (dans Méli-Mélodie toujours) : “Ah là là ! Quel méli mélo dis ! “.

Il n’existe pas dans la chanson d’oeuvre plus cohérente que celle de Boby Lapointe. C’est ce qui expliquerait que du vivant du chanteur des auditeurs aient cru toujours entendre “la même chose”. Sinon, quel feu d’artifice, quelle fête du langage ! Dans ce registre-là, disons le de go (sans Millau), Boby Lapointe se révèle supérieur à Jacques Lacan. Nous donnons tous les “pères sévères” du monde pour Mon père et ses verres. La tête de nœud boroméenne peut aller se rhabiller devant : “Mon père est marinier / Dans cette péniche / Ma mère dit la paix niche / Dans ce mari niais “. Ou encore l’hilarant Le papa du papa : Boby Lapointe procède ici par accumulation. Et cela devient énorme, démesuré, épique. A savoir le calembour élevé au niveau d’un art exigeant, celui de sa propre dérision (une chanson qu’il faudrait citer entièrement pour l’illustrer).

A ceux qui seraient tenté de penser que Boby Lapointe est l’exact contraire de Paul Verlaine, Monsieur l’agent oppose le démenti le plus éclatant : “Au violon mes sanglots longs / Bercent ma peine / J’ai reçu des coups près du colon / J’ai mal à l’aine “. Un Boby Lapointe pouvait en cacher un autre, comme les vers précédents le laissent entendre. Une dimension encore plus explicite avec Ça va ça vient.


LARA (Catherine)

Cette violoniste classique, couronnée par de nombreux prix, se lance dans la chanson en 1972 (elle possède un beau timbre de voix) avec un premier album remarqué (“Ad Libitum”, en particulier le titre Morituri). Des promesses qui ne seront pas toujours au rendez vous dans une carrière en dents de scie : celle-ci prenant plus résolument un “tournant rock” dans les années 80. Il semblerait cependant que Catherine Lara fasse le nécessaire (les Enfoirés, Sidaction, Sol en Si) pour ne pas se faire oublier du grand public.


LASSO (Gloria)

Dans les années cinquante, bénéficiant de la veine exotique du moment, Gloria Lasso devient l’une des reines du hit parade (Amour castagnettes et tango, son premier succès, puis Buenas noches mi amor, L’histoire d’un amour, Le torrent, Étrangère au paradis, Bon voyage) en imposant ses trilles roucoulantes. Las ! Une redoutable concurrente venue d’Égypte, nommé Dalida, la supplante aussi rapidement. Gloria Lasso tente de se reconvertir au début des années soixante en faisant appel à un nouveau répertoire, puis finalement jette l’éponge. Le reste de sa carrière s’effectuera au Mexique.


LAVIL (Philippe)

En 1970 Philippe Lavil (révélé l’année précédente par A la califourchon) s’impose en chantant Avec les filles je ne sais pas (où passe l’esprit de Bob Azzam). Dans un registre mi fantaisiste, mi exotique (Il tape sur les bambous, Kole Séré), Lavil va promener sa nonchalance et sa créolité durant deux décennies. L’amorce d’un changement de répertoire au début des années 90 n’est pas concluant et Philippe Lavil reviendra à la case départ.


LAVILLIERS (Bernard)

Il y aura fallu plusieurs albums à Bernard Lavilliers pour être considéré comme l’un des meilleurs auteurs-compositeurs-interprètes de sa génération. Le second de ces disques, “Les poètes” (quatre ans après la sortie d’un 33 t passé inaperçu), situe Lavilliers coté textes dans la lignée de Léo Ferré. Cette influence, pour le meilleur, est restée perceptible tout au long de la carrière du chanteur quand bien même le style de Bernard Lavilliers devenait paradoxalement reconnaissable (Lavilliers en 1997 reprendra Préface de Ferré). La première chanson marquante de Bernard Lavilliers (San Salvador) figure sur l’album suivant, “Le stéphanois” sorti en 1975. C’est en quelque sorte la matrice d’un genre : le récit de voyage en provenance des tropiques sur lequel vient se greffer une patte musicale n’appartenant qu’au chanteur. La part autobiographique que l’on retrouve dans ce répertoire n’est pas sans préserver Lavilliers des habituels clichés ou d’une inspiration qui chez d’autres pourrait passer pour une juteuse attirance envers l’exotisme. La chanson qui met “Nanard” sur orbite évoque d’ailleurs les charmes de “la nuit caraïbe “. La voix chaude de l’interprète et ses qualités mélodiques inviteront à repartir ensuite pour de nouvelles destinations tropicales : de Porto-Rico au Brésil.

Le disque qui suit (“Les barbares”), à travers justement l’un des titres emblématiques de Bernard Lavilliers, Les barbares, représente l’autre versant autobiographique, le stéphanois : celui de l’usine, de la zone, de la boxe, des années d’enfance et d’adolescence (“Les barbares habitaient dans les angles tranchants / Des cités exilées au large des business / Ils vivaient leurs blousons d’étranges firmaments / Où luisaient la folie, la mort et la jeunesse “). Ce disque et le suivant déclinent ce second aspect : French vallée, la ferréenne Utopia, Juke-box et 15e round. On revient au premier, illustré sur l’album “Pouvoirs” qui clôt les années 70, avec Fortalerza (“A Fortalerza / On meurt parfois pour un rien / Une mygale ou du chagrin / Un scorpion un américain “) Ce tropisme tropical donne au disque qui ouvre la décennie 80 (“O Gringo”) la couleur musicale qui désormais s’attache à Lavilliers. On y trouve deux de ses plus gros succès, La salsa et Stand the ghetto, mais également O Gringo et Kingston (sans oublier dans un autre genre Traffic).

Le nom de Bernard Lavilliers, alors au sommet de sa carrière, tend à se confondre durant ces années 80 avec les rythmes de danse latinos (samba, salsa, reggae voire bossa et tango) qui vont alors constituer la carte du visite du chanteur (en y ajoutant Pigalle la blanche, Le bal, Tango, East side story, et On the road again, le dernier de ses grands succès), au détriment peut-être de chansons plus directement branchées sur la “critique sociale” (État d’urgence, Q.H.S, Betty). Parmi les cinq albums sortis dans les années 80, celui de 1986 (“Voleur de feu”) se distingue du lot en proposant un cocktail des différentes facettes de Lavilliers (en plus de Tango et East side story, signalons La frontière, Extérieur nuit, et la locomotive du disque, Noir et blanc). Dans le dernier album de cette décennie (“If”) la surprise vient de deux titres, If, sur un texte de Kipling, et Petit (toutes deux bénéficiant d’excellents arrangements “cordes” de Christian Gaubert). En revanche les trois albums des années 90 surprennent moins : on y entend davantage le son de l’époque que celui, même éclaté, des Lavilliers précédents. Ces réserves ne valant pas pour la scène où Bernard Lavilliers continue à se montrer à son avantage.


LEBAS (Renée)

Renée Lebas n’a pas eu l’audience que son talent d’interprète réclamait. Faut-il le mettre sur le compte de son répertoire, pas toujours à la hauteur ? Ou déplorer que Renée Lebas se soit trouvée en concurrence avec Piaf, tout d’abord, puis avec d’autres chanteuses dans des reprises de Bruant ou de Carco ? Renée Lebas fut en 1948 la première interprète de Léo Ferré, alors complètement inconnu (Elle tourne la terre, reprise par Ferré dans son ultime album). Une chanson se trouve plus particulièrement attachée à Renée Lebas, sa créatrice : Tire l’aiguille (reprise par de nombreux interprètes).


LECLERC (Félix)

Un vent salubre, venu du Canada français (on ne parlait pas encore de Québec), vient apporter de l’air frais dans la chanson d’expression française du début des années 50. Il s’appelle Félix Leclerc, s’accompagne à la guitare, et possède un timbre de voix grave et chaud. Moi mes souliers, le titre qui le fait connaître, donne déjà le ton. Ce chanteur (auteur-compositeur) est un poète assurément, doublé d’un moraliste : “Dépêchez-vous de salir vos souliers / Pour être pardonné “, nous livre les clefs de cette morale. Une autre chanson de ce premier tour de chant, Le p’tit bonheur, remporte un égal succès. Ici le ton devient plus grave, et la vision du monde plutôt désenchantée. D’où la conclusion : “Maintenant quand je rencontre une fontaine ou une fille / Je fais un grand détour ou je me ferme les yeux “. On ne saurait oublier parmi cette première (et excellente) salve, Bozo (l’une de ces eaux-fortes dont Leclerc a le secret) et Le train du nord (Félix Leclerc est également un chanteur de blues : il le prouvera en maintes occasions et plus particulièrement avec Blues pour Pinky).

Curieusement, après de tels débuts, les chansons de Félix Leclerc ne s’imposeront pas ensuite dans l’hexagone à l’instar des Moi mes souliers et Le p’tit bonheur. Si ce n’est toute proportion gardée La valse à Joseph. Félix Leclerc, qui déjà fait figure de “classique”, va demeurer de longues années encore la référence chantante du Québec avant la découverte des Vignault, Ferland, Julien, et Charlebois (lesquels, paradoxalement, remettront en selle Félix Leclerc de ce côoté-ci de l’Atlantique).

Derrière l’évidence d’un univers éminemment personnel, qui a pu aux oreilles de certains s’apparenter à une série de cartes postales musicales (une nature rude, les grands espaces, la sagesse rurale, les rois sans divertissement), un Félix Leclerc plus incisif apparaît ici ou là. L’auteur de Moi mes souliers (laquelle, l’air de rien, mettait déjà les pieds dans le plat) a son mot à dire sur les affaires de ce monde et se s’en prive pas. Cela ressort de la fable le plus souvent mais le message arrive à destination (qu’il soit discutable, Les 100 000 façons, ou délectable, L’alouette en colère, L’encan (“Approchez messieurs dames / Une belle p’tite nappe d’huile fait main / Tricotée par les siècles, puis cent milliard de beaux p’tits barils d’huile / Pour faire du gaz, d’la chimie, du plastique, du pétrole / Même que l’gouvernement va vous paver un ch’min pour vous y rendre “).

Le tour de l’île (la chanson-titre de l’avant dernier disque de Félix Leclerc) avait été orchestrée par l’excellent François Dompierre en faisant appel à toutes les possibilités d’un orchestre symphonique. Il en va de même avec l’ultime album (1978) du chanteur québécois, qui comporte un diptyque à caractère testamentaire (L’an 1, Mon fils) orchestré fastueusement par Dompierre. Peut-être trop fastueux pour Mon fils (qui aurait mérité un traitement plus modeste pour cet adieu de Félix Leclerc au disque).


LEFORESTIER (Maxime)

Un beau jour Maxime Leforestier débarqua sur les ondes avec San Francisco. Loin des chromos de l’imagerie hippie transmise par les groupes “power flower” du littoral californien, ce San Francisco là lorgnait plutôt du côté de Kerouac. Mais le jeune Maxime n’avait nullement connu le Frisco de Kérouac, Cassidy et du reste de la bande. Le sien s’inscrivait dans une autre dimension : il s’agissait d’un havre de paix situé quelque part au croisement des routes de l’amitié, de la musique et des chansons (“C’est une maison bleue / Adossée à la colline / On y vient à pied, on ne frappe pas / Ceux qui vivent là ont jeté la clef “). Cette belle entrée en matière introduisait un album dont les chansons se retrouvèrent bientôt sur de nombreuses lèvres : Mon frère, Éducation sentimentale, La rouille, Comme un arbre, Fontenay-aux-roses, Parachutiste. Un second 30 cm trace le même sillon : couleur poétique (celle des textes de Kernoa : Mauve, Là où), et politique (les couplets contestataires de Leforestier : Le steak, Dialogue) s’équilibrant. Le troisième album, certainement le plus abouti des trois, se signale par la sobriété de son accompagnement musical (une contrebasse et deux guitares). On entend d’ailleurs comme un hommage musical à Brassens dans L’irresponsable. Signalons également La vie d’un homme (chanson dédiée à Pierre Goldman) et Saltimbanque (où la relation voix / contrebasse accouche d’un petit chef d’oeuvre). Mais on retient surtout Les lettres : une correspondance retrouvée dans un grenier donne l’occasion à Maxime Leforestier d’écrire une belle chanson sur le temps qui passe, l’absence de l’être aimé et le quotidien des journées de guerre (celle de 14-18).

Après un quatrième album “de transition”, le suivant amorce une première évolution musicale (Sage se détache du lot). Il s’ensuit une période de “traversée du désert” : Leforestier sort plusieurs disques dans une relative indifférence. On a pu parfois abusivement qualifier cette période d’expérimentale. Mais il parait certain que l’on attendait pas Maxime Leforestier dans un registre qui l’éloignait du public (plutôt gauchiste) qui le suivait depuis les premiers albums. Le succès justifié que rencontre en 1988 le titre Né quelque part renverse la tendance. Cet album, ainsi que son suivant, s’inscrivent néanmoins plus qu’auparavant dans l’air du temps. Et l’on observe que Leforestier a en grande partie renouvelé son public. La bonne surprise à venir s’appelle “Passer ma route” : d’abord pour la chanson-titre, mais plus encore pour Raymonde (une chanson excellemment défendue par l’accordéon de Richard Galliano).


LE GLOU (Jacques)

Jacques Le Glou est l’auteur du titre “immortel” de la une d’un “Monde libertaire” de l’automne 1966 : “Deux grands malheurs pour la pensée honnête en France : André Breton est mort et Louis Aragon est toujours vivant”. En 1974 il produit un disque intitulé “Pour en finir avec le travail : chansons du prolétariat révolutionnaire”. Cet album représente la seule contribution gravée dans la cire des situationnistes à la chanson (on sait que Guy Debord appréciait les adaptations faites des poèmes de Mac Orlan, ainsi que le répertoire de Monique Morelli, plus particulièrement le disque consacré à Villon). Les 9 titres du disque sont comme il se doit des détournements dans la plus pure veine situ. Les auteurs font appel à des mélodies connues (La mitraillette, par exemple sur l’air de La bicyclette), en conservant parfois le titre original, Il est cinq heures Paris s’éveille (sauf que dans la version de Le Glou “Les maquisards sont dans les gares / A Notre-Dame on tranche le lard “), ou à des musiques appartenant aux patrimoines traditionnel ou révolutionnaire.

La réédition de “Pour en finir avec le travail” en disque compact, 25 ans plus tard, a permis de révéler l’identité des auteurs : Guy Debord (La java des bons enfants, attribuée auparavant à Raymond Caillemin, plus connu sous le nom de “Raymond-la-science”), Raoul Vaneigem (La vie s’écoule la vie s’enfuit), Étienne Roda-Gil (La Maknovstchina), Alice Becker-Ho (Des canons des fusils : “Le vieux monde et ses séquelles / Nous voulons les balayer / Il s’agit d’être cruel / Mort aux flics et aux curés “). Le tout est décapant, réjouissant, subversif et furieusement libertaire. On raconte que Prévert avait bien rigolé en écoutant la nouvelle mouture des Feuilles mortes (“Les bureaucrates se ramassent à la pelle “). Et puis un disque que Michel Houellebecq déteste ne peut pas être mauvais.


LEGRAND (Michel)

Très jeune, Michel Legrand se fait remarquer par ses orchestrations dans la première moitié des années cinquante. On lui doit celle, excellente, du Paris canaille dans l’interprétation de Catherine Sauvage. Le compositeur participe un peu plus tard à l’aventure du disque gag “Rock and roll mops” (avec Henri Salvador et Boris Vian). A la fin des années cinquante Legrand se partage entre la direction d’orchestre, l’écriture de musiques de films (généralement ceux des cinéastes de la “nouvelle vague”), et la composition de chansons (en particulier le premier disque de Claude Nougaro : Legrand signe la plupart des musiques, dont Les dons juans, Le cinéma, Le rouge et le noir, et écrit les orchestrations). Une collaboration qui se poursuivra avec Les mines de charbon, Schplaouch, et plus tard La décharge.

Le film “Les parapluies de Cherbourg” va focaliser en 1964 l’attention sur Michel Legrand, son compositeur. Une gageure qui se transforme en une éclatante réussite musicale. La même année Legrand sort son premier album en tant qu’interprète (et compositeur). Si La valse des lilas, Les grands musiciens et Marion ne m’aimait pas appartiennent au registre “chanson française de tradition” de ces années-là, l’important réside ailleurs. Michel Legrand se situe ici dans une lignée où Trenet, voire Montand, et plus récemment Gainsbourg et Nougaro s’étaient illustrés : la chanson jazzée. Pourtant l’apport de Legrand s’avère plus radical sur le plan du phrasé. Il crée un concept : les mots, sous une forme onomatopée, deviennent des éléments à part entière de la rythmique. Brûle pas tes doigts représente l’exemple le plus significatif de cet art singulier (davantage que Quand ça balance). Cependant c’est avec Moi je suis là que Michel Legrand s’affranchit le plus des canons de la chanson traditionnelle. Eddie Marnay, le parolier du disque, sait là capter l’esprit de cette musique en la vêtant d’un texte sur mesure.

Même s’il surprend moins, le second album de Michel Legrand égale le premier. Plus équilibré dans les registres plus haut évoqués, le versant “classique” comprend des chansons de la qualité (mélodique) de 1789, Sérénade du XXe siècle, Les enfants qui pleurent. L’Espagne est présente avec l’étonnante Chanson pour un enfant qui chante et l'irrésistible Hé Antonio. Le versant jazzique comporte Avant le jazz, Trombone guitare et cie, et Elle n’a elle n’a pas. Une oreille attentive reconnaîtra dans ce dernier titre un son proche des mélodies écrites pour “Les demoiselles de Rochefort”, deux ans avant la sortie de ce film. Restons avec ces “Demoiselles” dont Legrand écrit la musique sur des textes de Jacques Demy. Il s’agit ici d’une comédie musicale. L’un des leitmotiv de la partition, La chanson de Maxence, confirme si besoin était le talent mélodique de Michel Legrand. On ajoutera Marins amis amants ou maris, Nous voyageons de ville en ville et cette Chanson des jumelles qui donne le ton de ces “Demoiselles de Rochefort”.

La carrière de Michel Legrand ne s’arrête pas bien entendu au seuil des années soixante-dix. Mais la suite présente moins d’intérêt. D’ailleurs Legrand abandonnera peu à peu la chanson comme interprète pour se consacrer prioritairement à la musique de film (le titre Les moulins de mon cœur en étant l’adaptation la plus connue).


LEMARQUE (Francis)

La carrière de Francis Lemarque est jalonnée de chansons qui rencontrèrent un large public entre 1948 et 1960. Cet auteur (souvent compositeur) brosse un Paris populaire, plutôt celui de sa jeunesse (Bal petit bal, Marjolaine, Rue de Lappe), traite de l’amitié entre les peuples (Mon copain de Pékin), évoque la route “qui défile, qui défile “ (Les routiers), ou encore se transforme en un fabuliste souriant (La grenouille, Le petit cordonnier). L’archétypale A Paris propose une série d’instantanés (entre Doisneau et la carte postale) qui mis bout à bout font un portrait de la capitale “plus vrai que nature” : défilent des “taxis en maraude “, les cafés, la Seine et ses “jolis bateaux “, “le quatorze juillet à la lueur des lampions “, l’accordéon, la Bastille (associée au 14 juillet), et la romance, l’éternelle romance parisienne du premier couplet. Autre grande chanson de Francis Lemarque, Quand un soldat appartient au registre antimilitariste (“Quant un soldat s’en va-t-en guerre il a / Des tas de chansons et des fleurs sous les pas / Quant un soldat revient de guerre il a / Simplement eu de la veine et puis voilà “. Ces deux dernières chansons sont cependant plus connues dans les interprétations de Yves Montand, qui d’ailleurs contribua à faire connaître cet auteur-compositeur encore inconnu en créant A Paris. Francis Lemarque est également l’auteur (avec Georges Coulonges), de l’oratorio “Paris Populi” représenté en 1977 : Lemarque en sera le seul interprète quelques années plus tard.


LEMESLE (Claude)

Parolier adoubé par Pierre Delanoé (avec qui il écrit plusieurs chansons pour Joe Dassin, dont La fleur aux dents et L’été indien), Claude Lemesle était destiné à marcher sur les brisées de son illustre aîné. D’ailleurs il rejoindra le groupe d’auteurs reconstitué autour de Bécaud vers la fin de la carrière de Monsieur 100 000 volts (Desperado, Désirée). Et pour l’eclectisme Lemesle n’a rien à envier à Delanoé : Melina Merkouri, Dalida, Sardou, Hallyday, Mireille Mathieu, Isabelle Aubret, Julio Iglesias, Nicole Croisille, Gilles Marchal le chantent. Avec, aux deux extrémités du spectre : Serge Reggiani (Le barbier de Belleville, Venise n’est plus en Italie) et Carlos (Senor météo, Big bisou).


LENOIR (Jean)

L’auteur-compositeur de Parlez moi d’amour (une chanson qui fit le tour du monde) représente presque un cas unique dans la chanson de la première partie de l’entre-deux guerre. On était auteur ou compositeur, très rarement les deux à la fois. Les Gilles, Jean Tranchant, Charles Trenet renverseront la tendance en reprenant la tradition des Bruant et Montehus. Lenoir écrivit pour Yvonne George Pars et L’autre. Deux autres grandes dames de la chanson mirent ses chansons à leur répertoire : Fréhel avec Comme un moineau, et Marianne Oswald pour Viens gosse de gosse. Ajoutons à cette liste la plus conformiste Voulez vous danser grand mère ? (chanson reprise par des interprètes de différentes générations).


LENORMAND (Gérard)

Révélé au début des années 70 par la comédie musicale “Hair”, et par la chanson Il, Gérard Lenormand ne quitte pas durant une dizaine d’années les classements du hit-parade (De toi, Soldats ne tirez pas, Voici les clefs...). Nonobstant d’indéniables qualités mélodiques (Michèle), ce répertoire cultive principalement un conformisme “fleur bleue”. Le plus célèbre titre de Gérard Lenormand (La balade des gens heureux : régulièrement cité dans les listes de “chansons du siècle”) en représente la substantielle moelle. D’ailleurs cette chanson devint un temps l’hymne officiel de l’UDF : avec Valéry à l’accordéon et Alain (Ponia) au vocal.


LÉONARDI (Lino)

Lino Léonardi est certainement le plus méconnu des meilleurs compositeurs de chansons de la seconde moitié du XXe siècle. Il a principalement servi les poètes en mettant des musiques (pour sa compagne Monique Morelli) sur les vers de Carco, Aragon, Rictus, Couté, Ronsard, Corbière, Villon. C’est d’ailleurs dans le disque consacré à François Villon que le talent musical de Léonardi apparaît pour ce qu’il est (il y a un coté “déchirant” dans certaines des mélodies). Quelques rares personnes remarquèrent en janvier 1995 que les musiques de Lino Léonardi accompagnant le film “Guy Debord, son art et son temps” reprenaient à l’accordéon celles écrites pour la disque “Morelli chante Villon”. Dans une lettre écrite deux mois avant sa mort, Debord faisait part à Léonardi de son admiration de longue date.


LEPREST (Allain)

Allain Leprest, dans sa génération, est l’un des derniers représentants de cette “certaine idée de la chanson” incarnée par les Ferré, Brassens, Brel, Nougaro et cie. Une chanson en voie de disparition en cette fin de vingtième siècle. Seuls Nougaro et Ferré vivaient encore en 1986, l’année de la parution du premier disque de Leprest. Des chansons pareillement “écrites”, ouvragées, ciselées ne courraient certes pas les rues (Nougaro ne s’y trompa pas, en disant alors tout le bien qu’il pensait de Leprest). La vois rauque de l’interprète surprenait de prime abord, puis finissait par emporter l’adhésion. C’était là affaire de conviction et Allain Leprest n’en manque pas, assurément. Tous les thèmes, ou presque, que l’on retrouvera par la suite chez lui, sont déjà présents dans ses deux premiers albums : la compassion pour les “abîmés” de l’existence” (Bilou), la mer et les marins (Y’a rien qui s’passe), les copains, les bistrots, l’alcool (La kermesse, Mec : ”Tu dis rien, tu sais bien que tout va y passer / Rimbaud, le fric, la guerre, Isabelle et l’alcool “), et surtout les années d’enfance (J’étais un gamin laid, Mont Saint-Aignant). Une enfance et une adolescence passées dans une banlieue populaire de Rouen.

Un seul musicien, accompagne Allain Leprest dans son troisième album, l’accordéoniste Richard Galliano. Comme pour les deux précédents disques les musiques sont signées par différents compositeurs. On retient deux belles mélodies de Romain Didier sur les vers de Je viens vous voir et Le Cotentin. Deux titres sortent du lot. Chanter des fois... nous parle du monde comme il va (mal),”Peut-être que dans l’temps il f’ra beau / La mort n’a jamais fait ses preuves / Et ce con à la météo / Qui compte pas les larmes qui pleuvent / Sur mon buvard / Chanter, chanter des fois ça noie l’cafard “, et C’est peut-être (l’une des plus belles chansons de Leprest).

L’enfance occupe une place privilégiée dans le quatrième album. Chez Leprest cette thématique ne cultive pas trop la nostalgie. C’est un monde qu’il nous donne à voir et à entendre, en particulier dans Le copain de mon père : “Recalé d’l’a sécu / Il brassait son roman / Et des histoires de cul / Qui f’saient rougir maman . Dans ce disque plus apaisé que le précédent le piano de Romain Didier met bien en valeur les mots de Sur les pointes. Et puis, question d’atmosphère, comment rivaliser avec Leprest dans Canal Saint-Martin (“Paris secoue ses reins / Un vieux violon chagrin / Essore un refrain / Sur un banc “). “Nu”, le cinquième album studio d’Allain Leprest, se distingue des précédents par une couleur orchestrale plus “moderne”. Les ombres de Ferré (La colère) et de Brel (Quand j’ai bu j’vois double) viennent planer sur ce disque qui reprend les thèmes habituels de Leprest (l’enfance une fois de plus avec Le dico de grand mère et Rouen : “Les cendres d’un bûcher / Pour t’habiller de gris / Cent clochers pour lécher / Le cul du Saint-Esprit “). La Courneuve décrit une rencontre essentielle (“J’ai entendu / La douleur de la peau de ton état civil “) et Tu penses à lui évoque pudiquement au sein d’un couple la femme qui pense à “l’autre”. Enfin SDF tire à bout portant contre la misère. Mots et musique s’accordent sur la ligne de tir. L’exemple même d’une chanson qui ne rate pas sa cible.


LÉVEILLÉE (Claude)

La chanson Frédéric serait-elle l’arbre qui cache la forêt Léveillé ? Claude Léveillée n’a pas eu dans l’hexagone la place volontiers accordée à quelques autres chanteurs québécois. Pourtant cet auteur-compositeur s’était fait connaître en écrivant au début des années 60 plusieurs chansons pour Édith Piaf (dont Le vieux piano). Ce piano sans lequel Léveillée n’aurait pas écrit ces mélodies dont la ligne classique se marie au contenu de textes emprunts de nostalgie, ou cultivant un certain vague-à-l’âme (Emmène moi au bout du monde, Les rendez-vous, Ne dit rien, Le temps d’une chanson). “Merci, monsieur Léveillée, d’avoir mit un sourire sur les lèvres des gens tristes” (Amélie Gourde). Une remarque très juste.


LEVÈSQUE (Raymond)

Le second “père” de la chanson québécoise est loin d’avoir dans l’hexagone la notoriété de Félix Leclerc. Son répertoire accorde une large place à l’engagement en faveur de l’indépendance québécoise, sous une forme humoristique (Québec mon pays) ou plus militante (Bozo les culottes). La plus célèbre de ses chansons, Quand les hommes vivront d’amour (connue en France à travers la mémorable interprétation de Félix Leclerc, Gilles Vignault et Robert Charlebois lors du concert “J’ai vu le loup, le renard, le lion”), devenue une chanson emblématique de la fraternité entre les hommes, avait été créée en 1956 par Eddie Constantine !


LIEBEL (Emma)

Emma Liebel est l’une des “grandes oubliées” du premier quart de siècle. Ceci peut s’expliquer par la rareté des enregistrements de la chanteuse dont on dispose aujourd’hui. Emma Liebel fut la créatrice de Les goélands, La coco, Du gris, Ma chanson : ce qui n’est pas rien ! Une chanson de 1922, Autour des usines (“On entr’ tout gosse en se disant / Je n'pass’ rai pas ma vie là d’dans ! / Mais la machin’ c’est comm’ la femme / On la maudit on la réclame / Des fois la gueus’ d’un coup d’massue / Vous cass’ un’ patte ou bien vous tue / Les plus veinards pour qu’ils en sortent / Il faut qu’on les mette à la porte “) apporte un témoignage précieux sur le style de l’interprète (tout comme elle donne quelque idée de l’univers de cette chanteuse que l’on hésite à cataloguer comme “chanteuse réaliste”).


Lindberg (Claude Peloquin - Robert Charlebois)

Un texte délirant de Claude Peloquin (“J’ai été / Au sud du sud au soleil bleu blanc rouge / Les palmiers et les cocotiers glacés / Dans les pôles aux esquimaux bronzés / Qui tricotent des ceintures fléchées farcies “), un accompagnement dément du Nouveau jazz du Québec, et une interprétation folingue de Robert Charlebois et Louise Forestier : le tout s’appelle Lindberg et créa l’événement sur la scène de l’Olympia un beau soir de 1969. Cette chanson cassait la baraque, cette cabane au Canada que l’on croyait pourtant solide : mais avec un tel vent de folie !


LOPEZ (Francis)

Le “roi de l’opérette” (De “La belle de Cadix” à “Méditerranée”, en passant, parmi la cinquantaine composée par Francis Lopez, par “Andalousie”, “Le chanteur de Mexico”, “La route fleurie”, est également l’auteur de nombreuses chansons à succès : Robin des bois, Avec son tralala, A Honolulu, et l’insubmersible L’amour est un bouquet de violettes.


LOUIGUY

Pianiste accompagnateur d’Édith Piaf, Louiguy est l’auteur des musiques de C’est un monsieur très distingué, Le vagabond, Bravo pour le clown, et signe celle de La vie en rose (composée en réalité par Piaf). Deux autres de ses compositions, Mademoiselle d’Hortensia (interprétée Yvette Giraud), et Cerisiers roses et pommiers blancs (ici par André Claveau) rencontrent le succès dans les années d’après guerre. Des millions de personnes ont au moins une fois dans leur vie chanté du Louiguy sans le savoir : ce Bon anniversaire que Claveau créa en 1952.


LOUISS (Eddy)

Le nom de cet organiste de jazz se trouve principalement associé à celui de Claude Nougaro. En 1964 Eddy Louiss tient la partie d’orgue sur le 25 cm “Je suis sous”. Soit le début d’une longue collaboration avec le chanteur toulousain. Également compositeur, Eddy Louiss signe les musiques de Homme, Le cycle amen, c’est Eddy (écrite par Nougaro en hommage au musicien), Montparis, L’enfant phare.


LOUKI (Pierre)

Dans la filiation d’un Georges Brassens (qui fut son ami et lui confia deux musiques pour habiller les paroles de Charlotte ou Sarah et Le cœur à l’automne), les chansons de Pierre Louki savent, dans un registre poétique, doser l’émotion (Sur l’arbre mort, Du coté de la rue des Saules), l’érotisme (Péché vé miel), le pittoresque (La môme aux boutons). Dans un autre genre la gravité sied à Cimetières militaires ou l’invention verbale à Au mariage des Levon Lecu. Deux chansons sortent du lot : La main du masseur se situe quelque part entre La valse à mille temps et Boby Lapointe, et la désopilante Les sardines renferme un enseignement moins loufoque qu’il n’y parait. La voix, un peu juste (“Il a moins de voix que de jambes”, selon l’intéressé), n’a pas permis, entre autres raisons, à ce répertoire d’atteindre un plus large public. Ni pour un chanteur plutôt reconnu pour la qualité de ses textes, de mettre parfois plus en valeur des mélodies dont certaines sont signées Brassens, Verger, Lai, Gainsbourg, Galliano, ou encore Bolling (ce dernier étant le compositeur de l’une des plus réussies, Le chant du trombone).


Les loups (Albert Vidalie - Louis Bessières)

A la scène Les loups, plus que toute autre chanson du tour de chant de Serge Reggiani, donnait la pleine mesure du talent de cet interprète. Ce tableau des loups envahissant Paris, une métaphore de la situation que la France connut entre 1940 et 1944, était saisissant certes grâce à la plume experte d’Albert Vidalie (sans oublier la prenante mélodie de l’excellent Louis Bessières), mais Reggiani y ajoutait la qualité de son interprétation dans une prestation où le comédien le disputait au chanteur.


LIO

En 1980, à 16 ans, Lio inaugure sa carrière de chanteuse avec le tube Banana Split. Suivront une série de succès du même acabit tout au long des années 80. La parution d’un disque consacré à Prévert (en 2000) apporte le témoignage d’une toute autre veine : le compositeur Philippe-Gérard n’étant pas étranger à cette réussite. Un peu tard cependant.


LOUVIER (Nicole)

Première femme à s’accompagner sur scène avec une guitare, Nicole Louvier est l’une des inspiratrices du courant “rive gauche” (en considérant que certains interprètes, à l’instar des Gréco, Frères Jacques, Mouloudji, avaient les pieds sur l’une et l’autre des deux rives). Les chansons les plus connues de Nicole Louvier (Mon petit copain perdu, Paris jardin, Qui me délivrera, Nous n’avons pas changé) se singularisent plus par l’écriture (recherchée sans être affectée) que par leurs thèmes. La carrière de la chanteuse ne s’étend pas au delà de huit ans (son premier enregistrement date de 1953). On a pu expliquer la désaffection du public, et le retrait contraint de la chanteuse par le contenu lesbien de certaines chansons (précédées en cela par un roman explicite, “Qui qu’en grogne”, publié en 1953) ; ou encore par l’hostilité du “milieu de la chanson”, réagissant à une autre publication, en 1959, celle d’un roman autobiographique au titre parfaitement évocateur, “Les marchands”. Ceci explique en partie cela. Mais il manquait aussi à Nicole Louvier ce “quelque chose en plus” que possède une Anne Sylvestre, par exemple, pour poursuivre sa carrière de chanteuse.


LUMIÈRE (Jean)

Les deux principaux “chanteurs de charme” des années trente, Jean Sablon et Jean Lumière, représentent deux univers diamétralement opposés : le premier incarne la modernité, et le second la tradition. Jean Lumière reprendra de nombreux titres de Fragson, et surtout Delmet (La petite église reste son plus grand succès). Dans les années cinquante il poursuivra une carrière de professeur de chant.