MOULOUDJI

Le nom de Mouloudji vient s’ajouter à la liste des interprètes prestigieux (Piaf, Montand, les Frères Jacques, Gréco, Sauvage) qui tiennent le haut du pavé durant les années cinquante. Un âge d’or en quelque sorte pour les interprètes des deux sexes avant que les auteurs-compositeurs-interprètes ne leur disputent ce leadership. Mouloudji crée en 1951 l’une des plus belles chansons de ces années là, Comme un ptit coquelicot (“Le myosotis, et puis la rose / Ce sont des fleurs qui disent quèqu’ chose ! / Mais pour aimer les coqu’ licots / Et n’aimer ça... faut être idiot ! “), sur un texte de Raymond Asso. Trois ans plus tard Un jour tu verras rencontre également le succès. La même année Mouloudji crée (avant Boris Vian) Le déserteur et la trop peu connue Valse jaune. Suivront La complainte de la butte et Mon pote le gitan (deux chansons également défendues par d’autres interprètes) et La complainte des infidèles (“Braves gens, écoutez la triste ritournelle / Des amants errants en proie à leurs tourments / Parce qu’ils ont aimé des femmes infidèles / Qui les ont trompés ignominieusement “). Cette période se clôt en 1961 avec Miséricorde.

Un autre Mouloudji prend le relais dans le milieu des années soixante. Désormais il écrit les textes de ses chansons. Tel le roseau ployant mais ne rompant pas, Mouloudji se rappelle au bon souvenir du public en pleine vague yè yè avec Les Beatles de 40. Sur des musiques de Cris Carol Mouloudji peut donner libre court à sa verve caustique (Autoportrait, Comme dit ma concierge, Tout fout le camp). L’interprète du Déserteur brocarde l’époque, mais il le fait avec la nonchalance qu’on lui connaît, sans trop se prendre au sérieux et en cultivant le cas échéant l’auto-dérision. En reparcourant cette carrière exemplaire force est de constater que l’apparente désinvolture de Mouloudji ne saurait dissimuler le caractère exigeant de l’engagement de l’interprète. Et l’on ne dira jamais assez combien il fallait faire preuve de courage pour chanter Le déserteur en 1954 !