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NÉGRESSES VERTES (les)

Pionnier dans un genre (le “rock alternatif” : une appellation peu contrôlée) qui concilie le traditionnel “baloche” et musiques méditerranéennes et latino-américaines, le groupe les Négresses Vertes fait une entrée remarquée dans le monde de la chanson en 1988 avec l’album “Mlah” (Voilà l’été, et surtout Zobi la mouche). Le succès de cet album dépasse même les limites de l’hexagone puisque ce disque reçoit un accueil favorable dans de nombreux pays dont la Grande Bretagne. Un second album (“Famille nombreuse”) amplifie ce phénomène international. En 1993 Le décès du charismatique chanteur Helno casse cette dynamique. Rien ne sera plus tout à fait comme avant. Une incursion en 2000 dans le domaine de la musique électronique se révèle plutôt décevante.


NEUVILLE (Marie-Josée)

La chanteuse que l’on appellera un temps “la collégienne de la chanson” débarque en 1955 avec ses 17 ans, ses nattes (qu’elle doit conserver, liée par un contrat avec Pathé Marconi), sa guitare, et ses chansons d’adolescente (l’une d’elle, Johnny boy, est un succès). Mademoiselle Neuville devient l’une des coqueluches du moment : elle se produit l’année suivante sur plusieurs grandes scènes de music-hall. Son second 45 tour reçoit un bon accueil du public. Ce qui n’est pas le cas de la censure : deux chansons du disque sont interdites sur les ondes des radios nationales. Dont Le monsieur du métro : “Parmi la foule automatique / Dans le métro il me tenait / D’affreux propos pornographiques / Auxquels rien je ne comprenais “). On comprend mieux pourquoi Pathé Marconi consentit peu après au sacrifice des fameuses nattes. La carrière de Marie-Josée Neuville connaît ensuite un inexorable déclin. Non contente de dénouer ses cheveux, la chanteuse avait abandonné sa guitare : c’en était trop pour ses premiers admirateurs !


NICOLETTA

Nicoletta c’est d’abord une voix puissante, mise en valeur dans des chansons comme La musique (qui fait connaître la chanteuse en 1966). La même année Il est mort le soleil (reprise en anglais par Ray Charles dans une version faisant date) laisse augurer pour Nicoletta une carrière de chanteuse de blues. Ce que ne confirmeront pas les succès qui suivront (Ma vie c’est un manège, Jeff, malgré Mamy Blue). Nicoletta, progressivement, va mettre la puissance vocale dont elle usait (et parfois abusait) plus en sourdine. Ce qui est parfaitement justifié dans une chanson comme Les volets clos. Mais il ne semble pas que le public l’ait entendu de cette oreille.


Nini-Peau-d’chien (Aristide Bruant)

Cette chanson du début du siècle, parmi les plus connues de Bruant, est d’abord plébiscitée par les carabins et étudiants en goguette avant de trouver au fil des années un plus large public. Tandis que le quartier de la Bastille se transformait et repoussait la prostitution dans d’autres lieux parisiens, Nini-Peau-d’chien devenait dans l’entre-deux-guerres l’une de ces scies éternelles reprises à satiété, toutes générations confondues, dans les fins de banquets ou fêtes familiales. Ne pas oublier les indispensables “qui ça ?” et “où ça ? “ qui ponctuent le refrain : “A la Bastille / On aime bien / Nini-Peau-d’chien / Elle est si bonne et si gentille / On aime bien / Nini-Peau-d’chien / A la Bastille “.


NOHAIN (Jean)

On renvoie le lecteur à l’entrée “Mireille” tant ces deux noms restent associés à travers les nombreuses chansons qui firent la célébrité de couple d’auteur (lui), compositeur (elle). Jean Nohain a écrit (sans Mireille) d’autres chansons moins connues. Parmi celles-ci Mon oncle a tout repeint (que chante Marianne Oswald sur une musique de Hans Eisler) : une véritable curiosité !


NOIR DÉSIR

A la fin des années 80, deux albums (“Où veux-tu que j’regarde”, et “Veuillez rendre l’âme” : Aux sombres héros de l’amer) installent Noir Désir en tête des groupes de rock français. Un rock parfois chanté en anglais mais dont les textes en langue française (signés Bertrand Cantat, le chanteur) concilient poésie et un contenu plus révolté (la rage, Les écorchés) que réellement politique. Les trois disques des années 90 (“Du ciment sous les plaines”, “Tostaky”, “666.667 club”) poursuivent dans cette voie : un rock toujours sans concession sur des textes inspirés (Tostaky, Fin de siècle, L’homme pressé). En public Noir Désir reprend parfois des titres ne figurant pas sur les albums studio : entre autres une inventive reprise de I want you des Beatles.

Le dernier album enregistré par le groupe (“Des visages des figures”, sorti en 2001) constitue une véritable rupture. Un peu comme si les Beatles avaient enchaîné “Ruber soul” et “Sergeant Pepers” sans passer par la case “Revolver”. Porté par Le vent nous emportera ce disque comprend ces titres essentiels dans la discographie de Noir Désir (Le grand incendie, Des visages des figures, A l’envers à l’endroit, Lost). Des larmes, d’après un poème inédit de Léo Ferré, est également une réussite. Pourtant le meilleur reste encore à venir. Sur des textes de Brigitte Fontaine (qui le dit) et Bertrand Cantat, L’Europe représente en quelque sorte un équivalent au Comme à la radio de 1970. Dans ce maelström musical le free jazz de Akost Szelevény se substitue à celui du Art Ensemble of Chicago. A la différence près que nous sommes en 2001: ici c’est l’Europe qui paye la facture (“Sale vieille Europe, celle qui entre deux guerres et même encore caressant bien le ventre des pays de ses lointains ailleurs et la bite à la main arrosait de son sperme les sexes autochtones “).


Nomade (Michèle Bernard)

Dernière chanson du disque collectif, “Les Nuits noires du monde”, Nomade décrit une femme qui marche dans le désert, son enfant balançant le long de ses hanches : un enfant qui “ne sait rien des frontières “ et “marche avec la lumière “. On aimerait dédier cette chanson à tous les nomades du monde : ceux que le panneau “interdit aux...” désigne à l’intolérance, mais aussi ces “nomades de l’intérieur” qui ne s’installent jamais dans la vie. Comme le chante si bien Michèle Bernard : “Enfants, ne tuez jamais / En vous ce désir nommé / Nomade “.


NOUGARO (Claude)

Claude Nougaro occupe une place à part dans la chanson. Malgré sa notoriété (ou à cause) il n’a pas toujours été reconnu à sa juste valeur. Et pourtant, au côté des trois mousquetaires désignés (Brel, Brassens, Ferré), la place de quatrième devrait lui revenir. Nougaro il est vrai a débuté plus tard (comme d’Artagnan) : mais pas vingt ans après, quand même ! Cette relative défaveur doit être mise sur le compte d’une carrière en dents de scie. Ou encore de la difficulté pour un large public d’identifier Nougaro comme l’un des “grands” de la chanson. Voire de la méconnaissance d’une partie de son répertoire : le Nougaro des dernières années ne reprenant pas en public ce répertoire là n’y serait pas étranger. Après une période exceptionnellement riche (trois albums à la suite, parmi les plus marquants des années soixante-dix), Claude Nougaro connaît une longue éclipse (les années quatre-vingt) avant de revenir en force avec un autre public (tout en conservant grosso modo l’ancien). La carrière du chanteur peut donc être divisée en quatre parties. D’abord le Nougaro en recherche et en devenir des premiers disques (plus difficile à cerner parce que plus perméable à diverses influences : qui reste néanmoins le plus connu). Ensuite la période faste déjà évoquée : qui irait de Petit taureau à Plume d’ange (seuls Brassens, Brel ou Ferré auront alignés dans la continuité une pareille série de chefs d’oeuvres : pas toujours reconnus ici, ce qui n’était pas le cas des trois autres mousquetaires). Puis les années de “traversée du désert” (toute proportion gardée, mais d’une inspiration moindre). Enfin le renouveau du disque “Nougayork” et ce qui s’ensuit.

Le premier 33 tour de Claude Nougaro a aussitôt constitué un événement (un véritable premier disque, sorti trois ans plus tôt, était passé inaperçu et ne sera pas réédité du vivant du chanteur). Nous sommes en 1962, et le passage sur les ondes de “Salut les copains” d’une chanson comme Une petite fille n’est pas sans sérieusement relever le niveau de la programmation. Ce 25 cm apporte un son neuf à la chanson : la saveur des mots se marie aux couleurs du jazz, plus particulièrement dans Le cinéma, Les don Juan, Le noir et le rouge, Le jazz et la java (les trois premières sur des musiques de Michel Legrand, et la quatrième d’après un thème de... Brahms !).

Deux 45 tours moins aboutis vont suivre. Le premier comporte cette Cécile que Nougaro chantera toute sa vie, et le second Chanson pour Marilyn, un bel hommage à l’actrice disparue : “Avais-tu donc le cœur si bas / Que tu préfères l’au-delà / a l’eau si bleue de la piscine “. Le second 25 cm de Claude Nougaro (1964), mérite que l’on s’y attarde pour plusieurs raisons. D’abord le chanteur s’entoure de musiciens dont la carrière va se trouver plus ou moins liée à la sienne : Maurice Vander, Eddy Louiss, Louis Trussadi, pour ne citer qu’eux. Cette “complicité” s’entend dans ce disque où l’on remarque la forte unité musicale. Des chansons comme Regarde moi et surtout Sensuel prouvent combien Nougaro sait marier les mots et la musique (alors qu’à ce moment là il n’écrit que les textes). Dans un autre registre, Je suis sous, l’un des “tubes” du chanteur, est à notre connaissance la seule “chanson à boire” des quarante dernières années du siècle qui puisse rivaliser avec le riche patrimoine français dans le genre. Il y avait une ville apporte la touche insolite de ce 25 cm : une réussite qui restera là sans lendemain.

Claude Nougaro traverse ensuite une période de transition. Le chanteur, pourtant bien en voix, hésite encore sur la voie à prendre. Nougaro crée la “chanson thriller” avec le haletant A bout de souffle, puis privilégie l’adaptation de standards du jazz (Sing sing song, et l’incontournable Amstrong : on subodorait Nougaro chatouilleux sur la question du racisme, donc acte). Ensuite il retrouve son vieux complice Michel Legrand (Tu dormiras longtemps, Schplaouch), puis sort un disque patchwork (les premières compositions Vander / Nougaro, celles de Portal). Ce parcours se clôt par un 45 tour comportant La clef et la futuriste Mutation. Un parcours plutôt chaotique durant lequel Nougaro traverse des genres musicaux non sans imprimer sa griffe à chacun d’entre eux. On remarque une inspiration inégale du coté des textes : parfois Nougaro se cherche sans toujours se trouver. Ce qui n’est nullement le cas pour les deux chansons (en y ajoutant A bout de souffle et Amstrong) à retenir principalement de cette période. L’une (L’amour sorcier) apporte le témoignage d’une “veine africaine” (une première rencontre qui sera pas sans lendemain). Cela vaut également pour Bidonville et le Brésil. Mais ce Brésil-là, qui pourrait être tout autre pays où “les filles qui ont la peau douce la vendent pour manger “, n’a rien d’un chromo ni d’une carte postale. Il y a de la chaleur et de la générosité dans la voix de Nougaro : entre la compassion et le sentiment de révolte. Et l’espoir que “bientôt, bientôt, le soleil dansera camarade “.

Les deux disques suivants introduisent ce que l’on pourrait appeler “la décennie Nougaro” eu égard la qualité des chansons écrites durant la période à venir. Dans le premier 45 tour Je crois prend valeur de manifeste. On retrouve le Nougaro mystique et amoureux des mots. Une parfaite symbiose texte / musique renforcée par l’utilisation d’onomatopées. Et puis sur le même disque figure Toulouse. Même son de cloche en qui concerne le second disque. On y trouve la superbe Petit taureau où Nougaro joue avec les mots, les symbole, les mythes. Un érotisme sourd tout au long de ce Petit taureau solaire comme l’arène et paré du noir de qui “crève vaillamment “. Avec juste ce qu’il faut de l’Espagne pour camper le tableau. Autre réussite : Les craquantes. Comment ne pas craquer pour ces “canibalesses de cuivre et de cuir “ ! : celles dont “Vous ne voyez que poupées / Là où je vois l’épopée “. Claude Nougaro boucle la décennie avec trois 45 tours simple. Quatre boules de cuir et L’homme encadrent un disque sorti à la fin de 1968 : le fameux Paris mai. Sur l’autre face (La pluie fait des claquettes) la contrebasse donne le la. On y apprend que la pluie a le rythme dans la peau : nous l’entendons battre la cadence dans le registre grave de sa voix. Moins frivole qu’il n’y parait elle sait reconnaître de rares élus. Dont Nougaro qu’elle “embrasse dans la flaque d’un soleil à l’envers “.

Claude Nougaro entre dans la décennie 70 en pleine possession de ses moyens. Ses textes n’ont jamais été si bien écrits et les musiciens qui l’accompagnent, en premier lieu le pianiste Maurice Vander, mais aussi l’organiste Eddy Louiss (l’un des titres à venir, C’est Eddy, lui rendra hommage), sans oublier les batteurs Louis Trussadi et Daniel Humair, confectionnent au fil des disques ce “son Nougaro” que l’on va retrouver dans les albums suivants. Le premier d’entre eux, “Sœur âme”, reprend quatre titre parus précédemment en 45 tours simples. Dans C’est la vie Nougaro dit “oui” à la vie. Un assentiment proche de Nietzsche : quelque tragique que puisse être cette vie. La neige se partage entre le piano pour “La neige qui tombe “ et l’orgue pour l’imaginaire suscité. De là cette réversibilité : “De toute sa blancheur / D’un noir éblouissant “. Et puis Nougaro nougarise comme jamais dans cette Mater qui lui colle au verbe en même temps qu’aux semelles. Il y a de la vigie chez ce chanteur criant : “Terre, mater ! “ : il est vrai que ce n’est pas tous les jours que l’on accouche d’une Mater. Ce disque fastueux fait la part belle à la musique dans A Musset (en réitérant et disloquant le vers “Les chants les plus beaux sont les plus désespérés”) ou Le cycle amen (une chanson principalement constituée d’onomatopées). Un grain de folie a été écrite avec Jean-Claude Vannier. On savait qu’il avait dans l’âme comme un grain de folie, Nougaro ! Et c’est contagieux : il suffit d’écouter l’arrangement de Vannier. Quant à La décharge, nous sommes pas loin de William Blake du “Mariage du ciel et de l’enfer” : avec “ce ciel vous met en marge “ ou “votre clarté c’est le cloaque “ ou encore “un rayon perce sous la fange “. Une autre image, “enfoncez-vous vers cet éclair”, enfonce davantage le clou de cette incandescente Décharge. Citons pour finir la trop méconnue Maudit pour clore cet exceptionnel album.

Locomotive d’or”, l’album, représente un autre sommet dans l’oeuvre de Claude Nougaro. Ce dernier nous invite à bord de sa Locomotive d’or, une machine “Aussi riche en pistons / Aussi chargée d’essieux que de siècles un sépulcre “. Cette locomotive traverse les siècles, les chants et les danses de l’Afrique au son des percussions. Sur pareil engin “ma chair devient esprit et mon âme tam-tam “. Autre chanson-phare du disque Dansez sur moi n’a pas besoin d’être présentée. Plus que Pommier de paradis (où la fable se décline sur un rythme de bossa nova), les deux figures de proue de “Locomotive d’or” s’appellent MontParis et Rue Saint-Denis. Cette dernière chanson figure parmi les “must” de Nougaro. Mais qui le sait ? Aux six premiers quatrains écrits par Claude Nougaro, qui traitent du sexe et de la rue Saint-Denis, succèdent six autres, dus à la plume de Jacques Audiberti. Et c’est un coup de génie ! Nougaro plante le décor avec la trivialité que requiert le genre, puis passe le relais à Audiberti (“Ce doigt borgne obsédé de gant “), qui reprend le thème au travers de considérations métaphysiques, existentielles, furieusement poétiques : le propos devient excessif, grandiose et renversant à l’instar des “souvenirs obsédants “ de l’avant dernier couplet. Mais il fallait la voix de Claude Nougaro pour célébrer ainsi la rue Saint-Denis et en tirer la conclusion qui vaut pour le reste : “J’ouvre bien grand ma gueule qu’on voit / Que dedans nul ciel n’est à voir “. Enfin un dernier mot sur Maurice Vander pour son exceptionnel travail d’orchestrateur.

L’album suivant, “Femmes famines”, aurait été boudé par le public. C’est dommage en raison de la qualité des chansons, et aussi parce que Nougaro s’y livre plus qu’ailleurs. On y entend au détour de deux trois chansons un écho autobiographique (c’est en tous cas flagrant avec Odette). “Femmes famines” ne peut il est vrai rivaliser pour l’inspiration poétique avec “Sœur âme”, ni retrouver la luxuriance de “Locomotive d’or”. Ici tout est plus ténu et plus tenu : un Nougaro pour happy fiew, en quelque sorte. Deux chansons, à des titres différents, méritent plus que le détour. L’île de Ré, la plus connue de l’album, appartient à cette gamme de chansons dont on dit qu’elles possèdent un charme indéfinissable. La volonté de les disséquer, de savoir ce qu’elles ont dans le ventre, de les soumettre à l’analyse ne résout pas l’énigme. On relève cependant dans la mélodie ce rien de mélancolie que vient tempérer le texte, comme le ferait une brise marine par une chaude journée de juillet. Claude Nougaro a souvent chanté la femme, mais jamais dans le ton de Ma femme. C’est la chanson d’une renaissance : la femme, telle un ange, s’en vient arracher l’homme à son enfer. Cet amour n’a cependant rien de doucereux. “Je te (h)aime , chante-t-il. Pourtant l’homme n’en revient toujours pas : “C’est ta femme, ta femme... “. Un album qui, pour résumer, malgré l’énergie communicative de Brésilien, l’austérité de Chant du désert, ou les facéties de Yapadpapa, ressemble davantage à cette bouleversante Lettre ouverte de Julos Beaucarne, où Nougaro (accompagné par le seul Maurice Vander au piano), lit une lettre du susnommé relative à la mort de sa femme “assassinée par un homme devenu fou “, se terminant par ces mots : “Je pense de toutes mes forces qu’il faut s’aimer à tort et à travers “.

Le disque “Plume d’ange” date de 1976. Claude Nougaro s’essaie dans un genre que Ferré, puis Ribeiro et d’autres venaient d’illustrer : le long monologue sur accompagnement musical. Pourtant, tout réussi soit-il, nous retenons davantage d’un album par ailleurs inégal cette perle, Pablo. Tout l’art de Nougaro semble contenu dans cette chanson plus grave qu’il n’y parait. Le jeu sur les mots n’a rien de gratuit, bien au contraire. Le sentiment de responsabilité qu’exprime l’auteur (liée à la naissance de son fils Pablo) s’accompagne d’un regard on ne peut plus lucide sur le monde tel qu’il va (mal). Une veine langagière (celle de “celui qui sait écrire”, comme l’écrivait Audiberti quinze ans plus tôt) que Nougaro ne renouvellera pas (du moins de sitôt).

La période suivante (1978-1985) s’avère décevante. Dans le premier album l’arbre Tu verras (un succès) cache encore la forêt. Ensuite, avec “Assez”, “Chansons nettes”, “Ami chemin”, l’inspiration se trouve rarement au rendez-vous et les choix musicaux sont parfois discutables (surtout dans le troisième disque). Nougaro conservera cependant dans son tour de chant Le coq et la pendule, Rimes, Le chat (les meilleurs titres de cette époque). En revanche l’album “Bleu blanc blues” (1985) constitue une bonne surprise. Nougaro reprend une formule trio de jazz (en compagnie de ses vieux complices Vander, Michelot, Lubat,) qui rappelle les débuts de ce compagnonnage. Dans les textes Nougaro revient à ce qu’il sait le mieux faire. Il signe également quelques unes des musiques (ce qui ne lui était pas arrivé depuis de nombreuses années). Les ventes de ce disque s’avèrant décevantes Barclay résiliera son contrat.

Cette “traversée du désert” va se clore en 1987 avec “Nougayork”. L’histoire de cet album miraculeux est connue. On était heureux de retrouver un Nougaro renaissant tel le phénix de ses cendres, soutenu par un jeune public qui ignorait tout, ou presque tout du Claude Nougaro des décennies précédentes. D’abord “Nougayork” surprend par son énergie retrouvée, par sa capacité d’assimiler un rock peu pratiqué auparavant. Cependant nous restons partagé à l’écoute de ce disque. Claude Nougaro y retrouve une inspiration, mais pas toute son inspiration. Les textes ne sont pas les meilleurs écrits par l’auteur, loin s’en faut (à l’exception de Harlem). Cette musique là ne pouvait-elle que donner naissance à ses textes là ? Nous laisserons la question en suspend. Pourtant la volonté de prolonger “Nougayork” par ce discutable “Pacific” (on en excepte Toulouse To Win ) inciterait à répondre par l’affirmative.

La véritable bonne nouvelle s’appelle “Chansongs” et se trouve prolongée par “L’enfant phare”, l’album suivant. Ces deux disques font la part du jadis et de l’aujourd’hui : les “vieux” compagnons de route côtoyant les musiciens de la “génération Nougayork”. Deux bons crus, sans être cependant des grands crus. On en voudrait (presque) à Nougaro de ne pas avoir été plus ambitieux en écrivant les textes de A cœur perdu et Bras dessus bras dessous (deux belles mélodies). Une chanson soutient pourtant la comparaison avec les “meilleures anciennes” : DaliGala. Nous l’aimons l’amoureux des mots quand il nous invite à pareil dîner de Gala. De quoi crier aussi “Olé ! “ durant cette mémorable rencontre entre Dali et Gala racontée par un Nougaro en verve. Avec en prime l’Espagne, Cadaquès et Figueras : “Il lui brouta la figue ras / Pareille à son pinceau elle fit “. Et puis, pour ne pas quitter l’Espagne, citons Don Quichotte et Sancho : “La poésie c’est mon dada / Et l’utopie mon tempo “. Tant qu’il sortira des chansons de ce tonneau là, “Celle qui rêve / De déplacer plus d’air / Que l’air de la Tosca “ (La chanson, pour boucler la boucle) aura encore de beaux jours devant elle.

Lors de sa sortie, on ne pouvait savoir que l’album “Embarquement immédiat” serait le dernier de Claude Nougaro. Et quitte à nous quitter, autant le faire en beauté. Donc prenons acte avec ce disque découpé en deux parties : la couleur jazz d’abord, puis celle de l’Afrique ensuite (ou l’on retient une attachante Langue de bois). Et entre les deux cette belle césure celtisante, L’île Hélène (en hommage à la dernière compagne de Nougaro).


Nuits de Chine (Ernest Dumont - Ferdinand-Louis Bénech)

Aux lendemains de la “der des der”, l’exotisme reprend ses droits. Un exotisme qui, comme très souvent, rime avec érotisme : “Nuits de Chine / Nuits câlines / Nuits d’amour / Nuits d’ivresse / De tendresse “. Mais également avec tabagisme : le “nuage merveilleux / De fumée bleue “ de l’opium. Dans ce gros succès de l’année 1922 (régulièrement entonné lors des fêtes et banquets de l’entre-deux-guerres), l’action se déroule à Saïgon. Le parolier ne connaît pas sa géographie (et confond Chine et Cochinchine), ou alors (plus probable) il s’est rabattu sur Saïgon faute de trouver une grande ville chinoise à trois pieds.


NYEL (Robert)

L’auteur compositeur Robert Nyel (Ma p’tite chanson par Bourvil) rencontre le succès en interprétant au début des années soixante Magali : un titre dont certains couplets, le fait mérite d’être relevé, sont chantés en provençal. Nyel va par la suite se rappeler au bon souvenir des amateurs de la chanson comme l’un des paroliers de Juliette Gréco (Marions les, La place aux ormeaux et Déshabillez moi).