REGGIANI (Serge)

La première bonne nouvelle de l’année 1968 s’appelait Serge Reggiani : non l’acteur, mais le chanteur qui sortait un album fort remarqué (il s’agissait en réalité du second disque de Reggiani : le premier, consacré à Boris Vian, étant passé presque inaperçu). Après le coup d’essai, le coup de maître ! Pourtant, malgré les éminentes qualités des chansons composant cet album, qui aurait pu se douter qu’il rencontrerait pareil succès ? Et puis on découvrait, ou redécouvrait ce talentueux auteur-compositeur du nom de Georges Moustaki (Sarah, Ma solitude, Ma liberté). Reggiani reprenait des titres de Boris Vian (Le déserteur, Quand j’aurai du vent dans mon crâne) et redonnait une seconde vie à des chansons enregistrées par d’autres interprètes (Maxim’s de Gainsbourg, Paris ma rose de Gougaud). On ne saurait oublier de cette liste Le petit garçon, le titre le plus programmé à la radio, Fleur de méninges, L’hôtel des rendez-moi ça et surtout Les loups, qui donnait la pleine mesure du talent de l’interprète (on retrouvait le comédien) sur la scène.

Serge Reggiani reste sur ces hauteurs à la fin de la même année avec son second album. Aux contributions de Moustaki (Moi j’ai le temps, Madame Nostalgie, et la délicate Votre fille a vingt ans), de Dabadie et Datin (La vieille, Et puis), de Pierre Tisserand (L’homme fossile), de Rivière et Bourgeois (Il suffirait de presque rien), on ajoutera la méconnue La dame de Bordeaux (sur un texte somptueux écrit par le talentueux Albert Vidalie la musique de Jacques Datin sait se faire discrète pour mettre en valeur chacun des vers : Reggiani les disant plus qu’il ne les chante). Vidalie est également l’auteur (Bessières signe ici la musique) de Les affreux. On trouve également une chanson de Anne Sylvestre, La maumariée (avec ce “si blonde et dorée, blonde, blonde, blonde “ qui porte la marque de son auteure. Cet album renferme (sous la forme d’un petit disque supplémentaire) ces deux éclatantes réussites que sont, l’une l’adaptation musicale (par Moustaki) du Gaspard de Verlaine (ou comment rendre un poème populaire grâce aux talents conjugués de l’interprète, du mélodiste, et de l’orchestrateur, Gérard Morlier), de l’autre celle de La balade des pendus de François Villon (même chose en remplaçant Georges Moustaki par le toujours excellent Louis Bessières).

Bien entendu la carrière de chanteur de Serge Reggiani ne s’arrête pas là. Mais par la suite il ne retrouvera pas de tels sommets. Citons cependant quelques uns des titres marquants d’une carrière qui se poursuivra encore jusqu’à la fin du siècle : Requiem pour n’importe qui, Balade pour un traître, L’italien, Le souffleur (ou deux titres d’un album sorti en 1977, Venise n’est pas en Italie, Le barbier de Belleville, dernier en date des disques de Reggiani ayant connu la faveur du public).