SOLIDOR (Suzy)

Dans un répertoire qui fait la part belle au style “1900” (dont le sulfureux Ouvre) et aux chansons de marins (La belle croisière, Les filles de Saint-Malo, Chanson de halage, La belle escale, La fille des bars), la Suzy Solidor des premières années illustre un genre “belle époque” décalé vis à vis des nouveaux courants de la chanson française (nous sommes dans le milieu des années trente). Ancien mannequin devenue chanteuse, Solidor choisit généralement des textes de qualité : de Poterat, Richepin, Magre, Marèze ou encore Vildrac (auteur d’une Si on gardait bien défendue par son interprète). On peut également préférer la version du Doux caboulot de Suzy Solidor à celle de Marie Dubas, la créatrice. On remarque ensuite une évolution vers plus de sobriété dans les interprétations de “la chanteuse aux cheveux de lin” : Escale, la plus connue des chansons de Solidor, en apporte le témoignage. Rappelons que la chanteuse, depuis Ouvre justement, était devenue l’une des figures emblématiques du milieu homosexuel parisien. La fameuse partie (parlée) de Escale (“Le ciel est bleu / La mer est verte / Laisse un peu / La fenêtre ouverte “) fit l’objet d’un détournement : le mot “braguette “ se substituant à “fenêtre “.

A partir de l’Occupation la carrière de Suzy Solidor offre moins d’intérêt (signalons cependant sa célèbre reprise de Lily Marlène) : son répertoire devient plus convenu. La présence d’officiers allemands dans le cabaret (“La vie parisienne”) ouvert par la chanteuse, et surtout sa liaison avec l’un d’entre eux lui vaudra l’attention particulière des comités d’épuration à la Libération. Suzy Solidor enregistre ensuite (en Belgique dans un premier temps) plusieurs disques à la fin des années quarante et au début de la décennie suivante qui n’apportent rien de plus à sa gloire. Retenir de Suzy Solidor que ce double aspect de “scandale” (le lesbianisme, puis le goût de la belle et sculpturale Suzy pour les officiers allemands) n’a pas été sans contribuer à occulter la carrière de cette chanteuse. Là aussi, à l’instar des Jean Tranchant, Gilles et Julien, voire Marianne Oswald et Lys Gauty, il importe de redécouvrir cette interprète (et la singularité de son répertoire : du moins celui des années trente).