A


A (Dominique)

Plutôt minimalistes (du coté de l’orchestration), les premiers disques de Dominique A s’affranchissent des canons traditionnels de la chanson française, mais également toute proportion gardée de celle qui se présente sous l’étiquette “rock”. Même s’il élargit sa palette avec les deux albums sortis à la fin des années 90 (“La mémoire neuve”, puis “Remue”), Dominique A reste sur le même créneau : celui d’une postmodernité dans le monde de la chanson. On tiendra cette démarche pour originale sans toutefois la juger convaincante.


L’accordéoniste (Michel Emer)

Il s’agit de la première en date des chansons écrites par Michel Emer pour Édith Piaf. Dans cet univers de filles de joie, de bouis-bouis et de javas (alors que cet accordéoniste se chante sur un rythme de valse-musette), la note de gravité est apportée par “l’homme” de la fille : celui qui parti soldat ne reviendra peut-être pas. Nous sommes en 1940, durant la “drôle de guerre”, et l’on comprend sans peine combien cette chanson pouvait chavirer les coeurs.


ADAMO (Salvatore)

Durant les sixties, dans le domaine de la variété, Salvador Adamo était le seul à rivaliser avec le bataillon des yé yé pour la vente des disques 45 tours. Certains de ses succès, dans un registre plutôt bon enfant, n’avaient rien de déshonorant (Tombe la neige, Vous permettez Monsieur, Les filles du bord de mer, Un barbu sans barbe, Pauvre Verlaine). Parmi les chansons les plus connues il faudrait également citer La nuit, Laisse mes mains sur tes hanches, Une mèche de cheveux, Ton nom, Notre roman. Une chanson plus ambitieuse que les autres suscita une controverse (Inch’ Allah). Il est vrai que le gentil Adamo se rangeait délibérément dans le camp des “six millions d’hommes / qui ont fait pousser six millions d’arbres “.


ADISON (Fred)

Dans le sillon tracé par Ray Ventura et ses collégiens, l’orchestre de Fred Adison connut plusieurs succès durant les années trente : Avec les pompiers, Le petit train départemental, Quand un gendarme rit. A signaler la qualité des arrangements musicaux (de Raymond Wraskoff, le pianiste).


ALAMO (Franck)

Ce fils de bonne famille a troqué son nom de Grandin contre celui d’Alamo. Il a pu ainsi prouver à papa que l’on pouvait également réussir dans la chanson et devenir l’une des “idoles des jeunes” (File file file, Allo Mai 38-37, Le chef de bande et surtout avec Ma biche : une chanson que continuent de réclamer et de plébisciter quarante ans plus tard les nostalgiques spectateurs de la tournée “Âge tendre et tête de bois”.).


Alertez les bébés (Jacques Higelin)

Ce titre de 1976 campe à la fois sur les années Saravah et celles (rock) des deux disques précédents. Du blues, et du meilleur pour une chanson fleuve emportée par une voix “qui sort ses tripes” qu’accompagne un piano déchaîné. L’énergie (mêlée de hargne et d’impatience) de Jacques Higelin se trouve une fois de plus mise au service de l’espoir, de la vie, de l’enfance contre les chacals et autres requins : “J’ai vu / Un jour / Cent mille enfants / Serrer dans leurs poings l’étendard / De l’amour / Révolté “.


ALIBERT Henri)

Monsieur gendre dans l’entre-deux guerres s’appelait Henri Alibert. Vincent Scotto, son beau père, étant l’immortel compositeur des Rosalie... est partie, Sur le plancher des vaches, Adieu Venise provençale, qui firent la réputation d’Alibert. Ce pur produit de l’opérette marseillaise connut un grand succès avec “Un de la Canebière” (qui comprenait, toujours sur des musiques de Scotto : Cane... cane... Canebière, Un petit cabanon, et l’illustrissime Le plus beau de tous les tangos du monde).


ALLWRIGHT (Graeme)

Cet interprète attachant s’est révélé un bon vulgarisateur des meilleurs folksingers américains en adaptant dans les années 60 des chansons de Woody Guthrie (Le trimardeur), Bob Dylan (l’excellent Qui a tué Davy Moore ?), Tom Paxton (Qu’as tu appris à l’école ?), Pete Seeger (Jusqu’à la ceinture), avant de privilégier le répertoire de Léonard Cohen. Mais là il ne s’agissait plus de vulgarisation (en raison de l’accueil fait en France à l’époque au chanteur canadien).


L’alouette en colère (Félix Leclerc)

Félix Leclerc excelle dans ce genre de fable qui n’hésite pas ici, le temps d’un couplet, à s’approprier la plus célèbre des chansons traditionnelles de la “belle province” pour dire deux trois choses bonnes à savoir sur la situation du Québec en 1973. Comment ne pas accorder du crédit à un chanteur sachant trouver les mots qu’il faut pour traduire une légitime colère (le “malgré moi” de la chanson n’a rien de restrictif, bien au contraire) : “Mon fils est en prison / Et moi je sens en moi / Dans le tréfonds de moi / Pour la première fois / Malgré moi malgré moi / Entre la chair et l’os / S’installer la colère “.


AMADE (Louis)

Ce futur préfet écrit ses premiers textes de chansons en 1948. La rencontre avec Gilbert Bécaud (Les croix) entraînera un long partenariat (La ballade des baladins, C’était mon copain, Les marchés de Provence, L’absent, T’es venu de loin, Quand il est mort le poète, L’important c’est la rose, On prend toujours un train pour quelque part, Un peu d’amour et d’amitié...) qui se poursuivra jusqu’à la mort de Louis Amade, en 1992. Ce parolier illustre au sein de “l’équipe Bécaud” une veine poétique dans la lignée du “Petit prince” : à savoir un regard souvent émerveillé sur le monde. On peut préférer le merveilleux des surréalistes mais on reconnaît que Bécaud rend le plus souvent justice au texte d’Amade. Ce dernier a également écrit pour Piaf (Inconnu excepté de Dieu) et Richard Anthony (Le grand Meaulnes).


A marée haute (Pierre Vassiliu)

Cette chanson qui en son temps paraissait presque incongrue dans le tour de chant du “premier Vassiliu”, celui des Armand, Charlotte et autre Femme du sergent, n’a pas eu l’audience qu’elle méritait. Il serait bon de la (re) découvrir pour retrouver l’un des univers récurrent de la chanson française des décennies 20, 30, 40 et 50, le populisme (qui n’avait alors rien de péjoratif, bien au contraire, même en 1964). Ce filon, Vassiliu l’exploite avec bonheur : le réalisme plutôt cru n’empêche nullement la tendresse. Enfin, comme dit l’autre, il suffit d’un peu d’imagination. Ici l’on voit “la Marne à marée haute “. Et cette image on la conserve grâce à une mélodie de derrière les fagots


AMONT (Marcel)

Ce fantaisiste se fait connaître dans le milieu des années cinquante en interprétant une chanson de torero, Escamillo. La notoriété vient quatre ans plus tard avec Bleu blanc blond (dans un disque où figure la délicieuse Les bleuets d’azur). Marcel Amont tient durant plusieurs années le devant de la scène : autant en raison de ses succès au disque (Un mexicain, Tout doux tout doucement, Dans le coeur de ma blonde) que pour ses prestations dans des émissions de variétés télévisées. Le petit écran met particulièrement en valeur ce fantaisiste dans l’âme, qui chante, danse, amuse, joue la comédie, et se révèle un parfait animateur. Plus en retrait par la suite, Marcel Amont ne traverse pas sans encombre les années yé yé (seules Mireille et L’amour ça fait passer le temps surnagent), et se replie sur la scène. Il tente en 1979 dans l’album “Un autre Amont” de changer de registre en défendant un répertoire de qualité (Brassens, Souchon, Cavanna, Le Forestier). La même année Marcel Amont sort un disque de chansons béarnaises. Cette double expérience est relativement bien accueillie par la critique sans vraiment changer la donne. Le chanteur se contentera par la suite de gérer son patrimoine à coup de rééditions et de compilations.


ANGE

Un premier album en 1972 (“Caricature”) attire l’attention sur le groupe Ange. L’audience du groupe s’élargit sensiblement avec le second disque, l’année suivante : “Le cimetière des arlequins”. On y remarque, outre la longue chanson-titre, une reprise de Ces gens là de Jacques Brel. Ange se situe sur le plan musical au carrefour de différentes tendances de la pop-music du moment (de Pink Flyod à Génésis en passant par King Krimson). Les textes (signés Christian Decamp, le chanteur) se signalent par leurs qualités poétiques.

Mais le meilleur reste à venir avec l’album “Au delà du délire” (Au delà du délire, Godevin le vilain, Les longues nuits d’Isaac), où Ange réussit une rare synthèse entre la tendance pop précédemment observée et une thématique musicale médiévale : les textes des chansons contribuant à l’évocation d’un univers explicitement moyenâgeux. A signaler aussi dans Si j’étais le messie la prestation vocale de Christian Decamp. Le disque suivant, “Émile Jacotey” cultive la même veine : Sur les traces des fées, Ode à Émile, Le nain de Stanislas (et son étonnant postlude orchestral). En 1976 “Sur les pas de Mambrun” clôt ce triptyque médiéval. Ange va poursuivre sa carrière durant les deux décennies à venir sans pour autant retrouver la singularité et la folie du milieu des années soixante-dix.


ANNEGARN (Dick)

La parution du premier album de Dick Annegarn en 1974 constitue un événement. On découvre l’univers cocasse et fantasque d’un grand Duduche néerlandais qui aurait pris langue chez Prévert, Jarry et Desnos (L’institutrice, Ubu, Bébé éléphant, Sacré géranium). La forte conviction qui se dégage de l’interprétation d’Annegarn (celle d’un chanteur de blues ayant la guitare chevillée au corps) ne peut qu’attirer l’attention sur ce drôle d’auteur-compositeur qui ne ressemble à personne. La chanson la plus connue de ce disque (et du répertoire d’Annegarn) reste Bruxelles : “Bruxelles attends moi j’arrive / Bientôt je prends la dérive “. Les trois albums suivants, sans toutefois obtenir le même succès, confirment l’originalité du talent de Dick Annegarn. Deux chansons, Mireille (la mouche) et Albert (le merle) l’illustrent plus particulièrement : Annegarn, à l’instar de Jean de La Fontaine, a recours à la fable animalière pour nous parler du monde, mais sans le coté sentencieux de son illustre prédécesseur.

A partir de 1978, Dick Annegarn prends des distances avec le show-business. Les expériences de type alternatif qui s’ensuivent ne recueillent malheureusement que peu d’échos. Signalons cependant les trois albums des années dites “nocturnes” (“Frères”, “Ullegarra”, “Chansons fleuves”). L’inspiration écologiste, déjà présente dans les premiers disques, se fait davantage entendre : une chanson de la qualité de Tchernobyl blues aurait mérité un meilleur sort. Ce triptyque se signale par une gravité (en raison des thématiques politique, philosophique, écologiste) nouvelle chez Annegarn : Frères ?, Maudit mal, Le saule, Pangée. Ces trois albums nous font voyager de part le vaste monde. Sur le plan géographique, bien entendu, mais plus encore à travers des références historiques et mythiques qui témoignent autant d’une quête de soi que de l’infatigable curiosité de Dick Annegarn.

En 1997 l’album “Approche toi” met plus particulièrement en valeur les qualités mélodiques du compositeur (Approche toi, Il pleut, Crépuscule, mais surtout l’étonnant Rabbi Jésus : une cantate en miniature sur le mode oriental confirmant si besoin était l’étendue de la palette musicale du créateur de Bruxelles.


ANNOUX (Jean-Claude)

La générosité de l’interprète, son punch, son abattage, et une certaine veine satirique (chez l’auteur-compositeur) n’ont pourtant pas permis à Jean-Claude Annoux de prendre dans la chanson des années soixante, voire au delà, la place que lui promettaient Aux jeunes loups (son titre le plus connu), et autres La bourrique, Nous étions douze, Les touristes.


ANTHONY (Richard)

On trouve dans le répertoire du Richard Anthony des sixties d’agréables balades (le versant mélodique) sur les faces B de ses 45 tours. L’adaptation du traditionnel Greensleave (ici appelé Loin) connut même les honneurs de la face A au plus fort de la vague yé yé. Anthony, il est vrai, venait auparavant de pulvériser les ventes de format 45 t avec J’entends siffler le train et autre J’irai pleurer sous la pluie Vers la fin de la décennie, un début de collaboration avec Guy Bontempelli laissait augurer un tournant bienvenu dans la carrière du chanteur (L’été, ou encore l’adaptation du concerto de Rodriguez : Aranjuez mon amour). Hélas ! Le sirop typhon balaya définitivement cette éventualité. On s’arrêtera là.


ANTOINE

Se souvient-on que le chanteur Antoine, le temps d’un 30 cm (en 1966), représenta la plus convaincante tentative d’un protest song à la mode hexagonale ? En tout cas davantage que son “concurrent” Hugues Auffray. Un premier 45 tour sera rapidement suivi de l’album en question. Celui-ci comprenait les fameuses Élucubration d’Antoine. Ce titre devint la locomotive d’un disque qui redonnait du sang neuf à la chanson folkeuse et popisante du moment en introduisant des thèmes tels que la route et l’errance (Une autre autoroute, Autoroute européenne N° 4, Petite fille ne croit pas), et en traitant des questions sociales sous un angle inhabituel (La loi de 1920 s’en prenait à la loi “anti-avortement” du même nom, tandis que Les élucubrations d’Antoine préconisait la vente de la pilule dans les Monoprix). La dénonciation de la guerre (thème récurrent du protest song) figurait en bonne place avec La guerre et Pourquoi ces canons. Dans ce disque, encore, on remarquait deux chansons dont l’écriture tranchait sur le reste de l’album : Bruit de roses, et surtout Métamorphoses exceptionnelles. Le tout, sur le plan musical, se situant dans la lignée des Dylan et autres Donovan.

Deux 45 tours comprenant Un éléphant me regarde, Mais qu’est ce que je fous ici, La fête foraine font la transition avec le second 30 cm d’Antoine. Sans avoir le tranchant et la portée sociale du premier celui-ci se signale (indépendamment des deux titres les plus connus : Je l’appelle Canelle, Juste quelques flocons qui tombent) par un ton insolite. Retour à Andersen en est la meilleure illustration, tandis que Le sexe de dieu, pour la première fois à notre connaissance (du moins en chanson), brosse un portrait plaisant, pour ne pas dire à décharge, de Dieu faite femme. Suivront deux 45 tours “estimables” (Mme Laure Messenger Claude Jérémie et l’existence de dieu et Ramenez moi chez moi). Et puis... la dégringolade ! Antoine devient alors un chanteur de variétés (et pas de la meilleure). Durant quelques années, avant la reconversion du chanteur en navigateur globe-trotter, le public d’Antoine va se trouver progressivement constitué de cette frange conformiste qui, au lendemain de la parution du premier album, détestait et vouait aux gémonies le chanteur aux cheveux trop longs, aux chemises à fleurs et aux idées “dérangeantes” ou “pas comme celles de tout le monde”. Une gageure !


Après les drapeaux (Henri Tachan - Jean-Paul Roseau)

Cette chanson devrait accompagner toute évocation de la guerre d’Algérie. Dans un langage cru (que d’aucuns trouveront obscène, sexuellement parlant), Tachan raconte l’histoire de quelques uns des “rescapés” de cette guerre : des oubliés, des sans-grades, des obscurs qui n’y laissèrent pas leur vie mais ne gagnèrent rien au change. A l’image du narrateur de la chanson, lequel viendra “prendre enfin son plaisir sous le corps d’une rame “ : soit l’équivalent de la balle qu’il n’a pas reçue en Algérie. Qui (Ferré excepté) se référait en ces termes choisis à la guerre d’Algérie dans les années soixante ? En chanson personne. Écoutez Après les drapeaux, écoutez l’interprétation d’Henri Tachan, à la limite de la rage !


ARAGON (Louis)

Habituellement les dictionnaires, encyclopédies et ouvrages divers mentionnent comme date du décès de Louis Aragon l’année 1982. Pour l’auteur de ce dictionnaire Aragon est mort en 1930 à Kharkov. On a pu croire que l’ancien surréaliste était décédé un an et demi plus tard, à Paris. Durant ce laps de temps on s’évertua en réalité à ranimer un cadavre. Parce qu’on sut de façon formelle en 1986, lors de l’ouverture des archives soviétiques, que le dénommé Louis Aragon (le célèbre “patriote professionnel”) était bien mort à Kharkov au mois de novembre 1930. Alors désolé, nous n’avons rien en magasin.


ARLETTY

On ne sait pas toujours que Léonie Bathiat, dite Arletty, débuta dans la chanson avant de faire la carrière que l’on connaît au cinéma. Il lui arrivait encore de temps à autre de pousser la chansonnette à l’occasion d’un tournage. On se souvient par exemple davantage de Comme de bien entendu (qu’elle interprète avec Michel Simon) que du film “Circonstances atténuantes” d’où est extraite cette chanson.


ARNAC (Béatrice)

La petite fille de Zo d’Axa se fait d’abord connaître comme comédienne avant d’entamer dans les années 60 une carrière de chanteuse. Malgré plusieurs prix Charles Cros (ces mêmes années) Béatrice Arnac reste une chanteuse confidentielle, appréciée d’un public de connaisseurs. A tort ou à raison on lui fait une réputation de “chanteuse intellectuelle”. Son répertoire (privilégiant les poètes) gagne à être entendu sur scène, en raison des qualités de comédienne de l’interprète.


ARNAUD (Michèle)

Michèle Arnaud débute au cabaret “Milord l’Arsouille” en 1952 (le directeur artistique est le parolier Francis Claude, son mari). Elle reprend durant les années 50 l’habituel répertoire de la rive-gauche mais n’hésite pas à changer de rive pour défendre une certaine “qualité France” (Julie, Zon zon zon, Ne vous mariez pas les filles). Michèle Arnaud est également la première interprète de Gainsbourg (qui lui écrira en 1966 Les papillons noirs). Pendant les sixties Michèle Arnaud se partage entre la chanson et la production d’émissions télévisées. Léo Ferré, qui l’a bien connue à ses débuts, l’a portraiturée d’une manière très vacharde dans le monologue “Hé Basta !” : “A ce moment là, je connaissais une chanteuse... “.


ARNULF (Jean)

Cet interprète, également compositeur, n’a malheureusement connu qu’un succès d’estime avec Point de vue (sur un texte de Martine Merri, son épouse, auteure de la plupart des chansons d’Arnuf). La voix, nette, et la prononciation, irréprochable, ne sont pas sans cultiver un certain coté “rive-gauche”. On retient surtout la très forte conviction qui se dégage des interprétations de Jean Arnulf. Autre chanson du couple Merri-Arnulf, Chante une femme, l’une des premières écrites contre la guerre du Vietnam (“Dors mon amour, mon fils unique / Chante une femme en Amérique / Chante en Amérique une femme / A son garçon mort au Vietnam “), a également franchi le mur de l’indifférence (en bénéficiant aussi des interprétations de Claude Vinci, Marc Ogeret et James Ollivier).


ASSO (Raymond)

Sans contestation possible l’un des auteurs les plus marquants de la période 1935-1955, Raymond Asso avait auparavant fait tous les métiers avant de se consacrer à la chanson. Deux titres créés par Marie Dubas (sur des musiques de Marguerite Monnot), Le fanion de la légion et Mon légionnaire le font connaître du grand public. Mais c’est la môme Piaf (dont il devient le compagnon) qui popularise cette seconde chanson. Jusqu’à la guerre Asso va écrire pour Piaf de nombreuses chansons (Je n’en connais pas la fin, Le petit monsieur triste, musiques de Marguerite Monnot ; Mon amant de la coloniale, Tout fout le camp, de Juel ; Browning, de Jean Villard ; C’est lui que mon coeur a choisi, de Max d’Yresne ; Elle fréquentait la rue Pigalle de Louis Maitrier). Raymond Asso lui crée un répertoire qui, sans vraiment s’affranchir des canons de la chanson réaliste, lui donne une tonalité littéraire plutôt inhabituelle dans le genre. Édith Piaf doit beaucoup à Raymond Asso. Ce dernier, dés leur rencontre, prit en charge la carrière de la chanteuse. Cependant il fallait une interprète de cette trempe pour mettre en valeur les mots d’un parolier dont l’inspiration s’accordait parfois avec un exotisme propre à ces années de référence (celui attaché à la légion, plus particulièrement).

Asso continuera d’écrire après la guerre pour d’autres interprètes sans pour autant renouveler les réussites des années trente (à la remarquable exception de Comme un p’tit coquelicot, créée par Mouloudji). Un passage comme chansonnier par “Le Caveau de la République” lui vaut en 1946 un article enthousiaste d’un jeune rédacteur du journal “Le Libertaire”, un dénommé Georges Brassens : “En quittant le Caveau de la République, on éprouve le besoin de crier son enthousiasme, de s’élever au-dessus de soi même, de hurler son mépris au poison politique, à l’armée, à la bassesse, à la lâcheté ; et l’on suppose qu’une douzaine de Raymond Asso suffiraient à faire que les pavés de la chaussée s’arrachent d’eux-mêmes et d’eux-mêmes s’érigent en barricade”.

En définitive, Raymond Asso aura écrit deux chansons qui font partie du meilleur du patrimoine de la chanson française du XXe siècle (Mon légionnaire et Comme un p’tit coquelicot), auxquelles on ajoutera Elle fréquentait la rue Pigalle (l’une des plus belles interprétations de Piaf) et Tout fout le camp (revisitée avec bonheur par Juliette dans les années 90).


AUBERT (Jeanne)

Oubliée aujourd’hui, Jeanne Aubert alimenta autant les rubriques “mondaine” et “scandaleuse” de l’entre-deux-guerres qu’elle se révéla une meneuse de revue accomplie sur les scènes parisiennes. Dans l’une de ces revues Jeanne Aubert créa le fameux Sur ma commode ! (“Pour éviter les frais / Tout en suivant la mode / Chez moi je prends le frais / Le cul sur la commode ! “), devenu depuis proverbial.


AU BONHEUR DES DAMES

Groupe de rock parodique des années 70. On retient surtout leur reprise d’un titre créé dix ans plus tôt par les Pingouins, Oh les filles ! L’enseigne Au bonheur des dames ayant fermé à la fin des années 70, elle rouvrit ensuite sous le nom de Odeurs (dans la parodie, toujours, mais pas que rock).


AUBRET (Isabelle)

Interprète dans le milieu des années soixante de Jacques Brel (La Fanette, Fils de) et de Jean Ferrat (Deux enfants au soleil, C’est beau la vie : deux chansons que la jeune chanteuse contribua à faire connaître tout autant que Ferrat), Isabelle Aubret n’a pas rencontré par la suite des auteurs-compositeurs susceptibles de confirmer des débuts remarqués et prometteurs, ou de lui confectionner un répertoire susceptible d’être retenu.


AUFFRAY (Hugues)

Révélé en 1962 par Santiano, Hugues Auffray représente au plus fort de la vague yé yé le prototype d’un folksong à la française : Je reviens, Dés que le printemps revient, Quatre vents, Ny pense plus (première en date des adaptations de Bob Dylan), A bientôt nous deux, Debout les gars, On est les rois, Le rossignol anglais. Un disque entièrement consacré en 1965 à Bob Dylan fait alors figure d’événement. Mais il s’agit d’un Dylan édulcoré en raison de choix contestables de traductions. D’ailleurs les efforts de Hugues Auffray pour apparaître comme l’équivalent hexagonal du chanteur américain ne convainquent pas. La parution dans la foulée du premier album d’Antoine le confirme : au jeu des comparaisons Auffray occupe la place du boy scout.

Ceci n’empêche pas Hugues Auffray d’aligner des succès. Ceux-ci se partagent entre une veine plutôt folk (C’est tout bon, Le port de Tocoma, Des jonquilles aux derniers lilas, Les crayons de couleur, Hasta huego), et plutôt variété (Céline, Il faut ranger ta poupée, La blanche caravelle, Je n’en reviens pas, Adieu monsieur le professeur). L’étoile du chanteur décline doucement durant les années soixante-dix. Toujours sur la brèche 25 ans plus tard, l’interprète de La fille du nord aura su se constituer un répertoire suffisamment solide, et qui tient relativement le coup, pour se permettre de franchir sans trop d’encombre le cap des deux dernières décennies.


Au suivant (Jacques Brel)

Encore une fois la chanson, à condition d’être de cette pointure là, peut dire en trois minutes ce que certains s’efforcent de démontrer sur des centaines de pages. Il y a quelque chose de vertigineux dans la manière dont Brel nous entraîne, depuis “ce bordel ambulant d’une armée en campagne “ et “cette voix qui sentait l’ail et le mauvais alcool “, vers la noirceur métaphysique du final. Et quelle interprétation ! Les derniers vers de Au suivant résonneront encore longtemps à nos oreilles : “Un jour je m’frai cul-de-jatte ou bonne soeur ou pendu / Enfin un de ces machins ou je ne serai plus / Le suivant, le suivant “.


Avec le temps (Léo Ferré)

Tout a été dit et redit sur cette chanson, sans doute la plus connue de Léo Ferré. Un succès qui n’a rien d’indigne, même si Ferré, à une certaine époque, “massacrait” Avec le temps sur scène pour prendre le public à rebrousse poil. Léo Ferré exprime ce qui ressort à la fois de la sagesse des nations et de la stricte condition humaine. Une gageure, plus qu’il n’y parait. Ferré, ceci étant, a su trouver ce ton désenchanté, tellement accordé à la ligne mélodique (avec ces accords de piano ponctuant le temps qui passe) : “Et l’on se sent tout seul peut-être mais peinard / Et l’on se sent floué par les années perdues / Alors vraiment / Avec le temps on aime plus “. Quelques pierres, dit-on, se seraient émues.


AVRAY (Charles d’)

Au tout début du siècle, Charles d’Avray choisit de se consacrer entièrement à la chanson pour populariser et diffuser les idées anarchistes. Il en écrira plus d’un millier qu’il chantera lors de “conférences chantées” annoncées par l’affiche suivante : “Avec le passé détruisons le présent pour devancer l’avenir”. Chacune des chansons est reliée à la suivante par une courte introduction de l’auteur. Ensuite, le cas échéant, Charles d’Avray donnait la parole aux contradicteurs.

On trouve dans l’abondante oeuvre du chansonnier anarchiste des chansons contre l’église (Les géants), l’électoralisme (Ne votez plus), le bagne (Bas Biribi : “Abolissez les bagnes militaires / Où tant de gars laissent encore leur peau / Abolissez ces gouffres sanguinaires / Au fond desquels baigne votre drapeau “), l’armée (Militarisme :”Soldats, pour nous sauver de tous les parasites / Il vous faut incendier ces casernes maudites / Pointez ! Sans craindre de méchefs / Les gueules des canons sur celles de vos chefs “), la morale (Amour et volonté), et enfin l’avènement d’une société libre, juste et fraternelle (Le triomphe de l’anarchie, sa chanson la plus connue : “Tu veux bâtir des cités idéales / Détruit d’abord les monstruosités / Gouvernements, casernes et cathédrales / Qui sont pour nous autant d’absurdités / Dés aujourd’hui vivons le communisme / Ne nous groupons que par affinités / Notre bonheur naîtra de l’altruisme / Que nos désirs soient des réalités “).


AZNAVOUR (Charles)

Vers le milieu des années soixante, Charles Aznavour se décrivait volontiers comme un “chef d’entreprise”. L’auteur de Sur ma vie, on le sait, avait auparavant galèré et essuyé les quolibets avant d’acquérir le statut d’un monstre sacré de la chanson. Ensuite “l’enroué vers l’or” n’a pas manqué du talent et des qualités requises pour faire fructifier son entreprise. Si les “Victoires de la Musique” comportaient la rubrique “gestion de carrière”, nous serions prêt à parier que l’industriel, consensuel et médiatique Aznavour décrocherait la timbale tous les ans. Dans cet ordre d’idée, Gérard Jouannest rappelle (dans la revue Chorus) qu’Aznavour s’était plaint auprès de Brel du fait que ce dernier, devenu vedette mais tenant à conserver les mêmes prix de places de concert, “gâchait” ainsi le métier. Comme le précisent les rédacteurs de “Cent ans de chansons françaises” : “Aznavour a toujours affiché son respect pour la religion, son sens de la famille, sa dignité dans le travail, autant de valeurs sûres qui ont fait accepter sa voix non plus comme une tare inévitable mais comme un vêtement essentiel, de plus en plus seyant avec les années”.

Charles Aznavour, indiscutable chanteur populaire ayant à son répertoire de nombreux succès, serait selon certains commentateurs l’un des auteurs-compositeurs phares des décennies 50, 60 et 70. Nous ne partageons pas ce point de vue : les clichés abondent dans les textes d’Aznavour, et le sentimentalisme (généralement) de ses mélodies met davantage en valeur la voix de l’interprète que le bagage musical du compositeur. On comparera utilement à partir du même thème, le suicide de Gabrielle Russier, la version d’Anne Sylvestre (Des fleurs pour Gabrielle : un portrait sans concession de la société qui a “suicidé” Gabrielle Russier), et celle de Charles Aznavour (la bluette Mourir d’aimer). Et puis, pour conclure, comment accorder un quelconque crédit à l’auteur de ces deux vers immortels : “Il me semble que la misère / Serait moins pénible au soleil “. Ce que ne comprendraient pas les “miséreux” venus du “bout de la terre “ ou du “pays des merveilles “. Mais qu’ont parfaitement compris nos gouvernants qui les y renvoient par charters.


AZZAM (Bob)

L’orchestre de Bob Azzam fait un malheur au tout début des années 60 (en pleine guerre d’Algérie !) avec deux gros succès : Y’a Mustapha et Fais moi du couscous chéri. Leur succède, dans ce même registre orientalisant, C’est écrit dans le ciel. Bob Azzam prendra ensuite le train de la première vague yè yé avant de disparaître.