BRUANT (Aristide)
Aristide Bruant appartient davantage au XIXe siècle qu’au XXe. La très grande majorité des chansons de son répertoire date de la période 1880-1900 (relevons cependant deux “chansons cultes” crées au début du vingtième siècle : Nini-peau-d’chien et Rose blanche), et Bruant abandonne progressivement la scène à partir de 1900. Sans nier son influence (que l’on retrouvera plus tard chez le “premier Renaud”, mais qui parait exagérée dans le domaine de la chanson réaliste) Bruant aura été chanté tout au long du XXe siècle. De ce point de vue là les années 50, voire 60 représentent un âge d’or pour Aristide Bruant. Il y avait certes Prévert dont la poésie se trouvait en prise directe avec l’époque, mais Bruant représentait l’un des pôles majeur d’un genre que les “années folles”, puis le renouveau de la chanson française dans les années 30 avaient mis à distance (Bruant devenant une sorte de “classique”). En revanche, toute une génération campant sur les deux rives (gauche et droite) redonnait une nouvelle vie à un répertoire qui n’avait pas pris un coup de vieux (contrairement aux chansons les plus en vue de la “belle époque”) : les Frères Jacques, Patachou, Germaine Montero, Colette Renard, Monique Morelli l’illustrent parmi d’autres.
En son temps Aristide Bruant a été salué par de nombreux écrivains. Citons Henri Duvernois : “Il y a dans les vers de Bruant une menace et un cri - le cri de ceux qui ont roulé dans le ruisseau parce qu’on les y a doucement poussés, parce qu’ils y sont nés, parce qu’on ne veut pas les en sortir, afin de pouvoir encore tonner contre le vice inhérent de l’homme”. Et Jules Lemaître : “Bruant possède la voix la plus coupante, la plus métallique que j’ai entendue... Une voix d’émeute et de barricade, à dominer le rugissement des rues un jour de révolution, une voix superbe et brutale, qui vous entre dans l’âme comme un coup de surin dans la paillasse d’un pantre”.