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DABADIE (Jean-Loup)

Également romancier, scénariste, dramaturge, journaliste, producteur de télévision (‘”Les raisins verts”) et auteur de sketch, Jean-Loup Dabadie fait des débuts remarqués comme parolier dans la chanson en 1968 avec Le petit garçon. Ensuite naîtront, toujours pour Serge Reggiani, Et puis, La vieille, L’italien. Dabadie devient alors l’un des auteurs les plus demandés de la chanson des années 70. Il écrit pour Mireille Mathieu, Claude François, et signe les textes de nombreux succès de Michel Polnareff. Il prend en partie la succession de Roda-Gil en collaborant avec Julien Clerc (Ma préférence, Femmes je vous aime). Durant la décennie suivante il deviendra l’un des paroliers de Michel Sardou. Un parcours qui le mènera à l’Académie Française en vert et contre tous (pas tous en réalité).


DAC (Pierre)

Avant de devenir rédacteur en chef de “L’Os à moelle”, le Président du club des Loufoques s’était fait connaître comme chansonnier et auteur de chansons sacrifiant à l’esprit montmartrois. Après avoir été emprisonné plus d’un an en Espagne, Pierre Dac rejoint Londres à l’automne 1943. Il met sa verve satirique au service de la Résistance en détournant sur les ondes de la BBC des succès d’hier ou du moment (de Chevalier, Trenet, ou Georgius) : “Et tout ça ça fait / De mauvais français / Pour lesquels il n’est / Que le port’ monnaie / Faut savoir être opportuniste / Afin d’ sauv’ garder ses petits intérêts / Et ils se sont mis / A grands coups de Vichy / Au régim’ collaborationniste / Bien sûr maintenant / Ça devient gênant / Car tout d’même ces sal’tés là / Quoiqu’on puiss’ dir’ ça n’soublie pas “ pour le premier ; Complainte de fin d’année (La romance de Paris) pour le second . La défense élastique (La plus bath des javas) pour le troisième. Pierre Dac, en collaboration avec Francis Blanche, est également l’immortel auteur de La pince à linge (sur une musique d’un certain Ludwig van Beethoven).


DAHO (Étienne)

Entre 1985 et 2000 Étienne Daho a été sept fois nominé aux “Victoires de la musique” sans décrocher le cocotier (et cela perdure au début du XXIe siècle). On en conclut que le chanteur est davantage apprécié par les membres du Conseil d’administration de l’association “les Victoires de la musique” que par les professionnels de la profession (les votants). Le rédacteur de la biographie sur RFI musique consacrée à Étienne Daho nous informe qu’en l’an 2000 le chanteur “aspire désormais à se laisser aller à sa vraie nature, à ne plus être le chanteur consensuel et à la mode”. Nous en reparlerons dans un siècle.


DALIDA

Comment trouver la bonne distance avec Dalida ? Sa carrière en tout cas n’a rien de banal. Dalida atteint de suite le sommet du hit parade avec l’un des plus gros tubes des années cinquante, Bambino (une chanson matraquée sur les ondes d’Europe N°1, comme jamais auparavant dans l’histoire de la chanson, sur un mode qui fera recette) et enchaîne succès sur succès (Comme prima, Gondolier, Romantica, Cia cia bambina, Garde moi la dernière danse pour moi). Ce répertoire - les titres sont éloquents ! - ne se distingue nullement de celui des autres chanteuses “exotiques”, les Maria Candido et Gloria Lasso (d’ailleurs toutes trois chantent souvent les mêmes chansons). Pourtant Dalida va rapidement évincer ses concurrentes. Une vague, plus importante, chassant cette vogue exotique au début des années soixante, Dalida prend alors en marche le train des yè yè (T’aimer follement, Itsi bitsi petit Bikini, Achète moi un juke-box, Nuits d’Espagne, La leçon de twist, Petit Gonzalez). Elle le quitte quand la machine s’essoufle pour revenir à un genre plus traditionnel (Le jour le plus long, El Cordobez, Je reviens te chercher, Le temps des fleurs). Au début des années soixante-dix plusieurs gros succès (Darla dirladada, Paroles paroles paroles, Il venait d’avoir 18 ans, Gigi l’Amoroso, J’attendrai) relancent sa carrière. Dalida abandonne la formule récital pour étrenner la tenue de meneuse de revue (le fameux chapeau !). Sa carrière désormais se poursuivra davantage sur scène (relayée par la télévision) qu’à travers le disque.

Les nombreux épisodes douloureux de la vie de la chanteuse, puis sa mort tragique témoignent derrière les paillettes de l’existence d’une autre Dalida. Cependant il ne suffisait pas de reprendre Avec le temps pour changer la donne. Dans ce cas il aurait fallu à la chanteuse un tout autre répertoire, écrit spécialement pour cette Dalida là (comme par exemple pour Frehel ou Piaf). Mais son public, le grand public, l’aurait-il accepté ? Si l’on considère que la figure de Dalida se trouve élevée aujourd’hui à la dimension d’un mythe on répondra par la négative.


DAMIA

Comment ne pas identifier Damia à cette archétypique Les goélands ? Soit la célébration d’un genre, la chanson réaliste, dont Damia était l’une des figures de proue avec sa diction parfaite, presque précieuse. Sanglée dans son éternelle robe noire, le maintien un rien altier, Damia en imposait. Éric Rémy évoque la chanteuse apparaissant “dans La veuve sous les rayons d’un projecteur sanglant”, et achevant cette chanson “agenouillée, tête ployée, les deux bras dressés en montants de guillotine’”. C’est l’adjectif “saisissant” que l’on retient à l’écoute de La malédiction (l’illustration à l’image près de la célèbre séquence des “revenants” de 14/18 du film d’Abel Gance, “J’accuse”).

Avec Les goélands trois autres titres donnent quelque idée du registre de la chanteuse. Si la chanson réaliste paye parfois son tribut au conformisme on y trouve aussi des couplets dont l’immoralité réjouit. Dans La mauvaise prière la narratrice implore la “bonne vierge “ de jeter le trois-mâts où vogue son amant et marin (lequel la trompera, pense-t-elle, avec les filles des îles) contre les rochers afin que “les lèvres de mensonge servent de pâture aux requins “. Une merveille de dernier vers servi on ne peut mieux par Damia. Tout fout le camp atteint d’autres sommets. Ici Raymond Asso signe les paroles (“C’est toute la terre qui gronde / Bonne saison pour les volcans / On va faire sauter le monde / Cramponnez vous tout fout l’camp “). Damia n’avait pourtant rien d’une anarchiste. On la décrit plutôt comme soucieuse de respectabilité. Mais elle défendait un répertoire exigeant donnant peu de gages à la tiédeur et au conformisme. Sombre dimanche connut un grand succès. Cette chanson fut la cause de plusieurs suicides, dit la chronique. Il faut dépasser le cliché mélodramatique pour retrouver ce climat noir, poisseux, proche du meilleur cinéma de l’époque, dans lequel Damia excellait.

A part l’embellie de Un souvenir, Damia ne tiendra plus le devant de la scène durant la Seconde guerre mondiale. La chanteuse à la longue robe noire symbolisera à la Libération un genre en voie de disparition. On verra une dernière fois Damia lors d’un concert en 1955 (aux cotés de Marie Dubas) : tout un symbole !


DANEL (Pascal)

En 1966 l’un des slows de l’été s’appelle La plage aux romantiques. Pascal Danel, nouveau venu dans le monde de la chanson, récidive l’année suivante avec une chanson un peu plus ambitieuse : Kilimandjaro. Le succès dépasse même le cadre de l’hexagone. Danel rentre quelque peu dans le rang durant les années 70 avant de reconquérir le public en 1979 avec l’inusable Plage aux romantiques.


DANIDERFF (Léo)

Compositeur des célèbres Je cherche après Titine et Le grand frisé, Léo Daniderff a composé plusieurs chansons des répertoires de Fréhel et Damia (Sous la blafarde, La chaîne, A la dérive parmi d’autres). Avant la “Grande guerre” Daniderff avait mis en musique des textes de Gaston Couté.


DANNO (Jacqueline)

L’un des rendez-vous manqués avec un public que l’on aurait aimé plus conséquent. La voix de Jacqueline Danno (qui pouvait prendre au fil des années des intonations rauques), la qualité de ses interprétations (Danno était également comédienne), son charme auraient mérité mieux. Il est vrai que les débuts de la chanteuse (au seuil des années 60) furent suivis, comme pour de nombreux autres interprètes apparentés, d’une période de disette. Et Jacqueline Danno n’a peut-être pas disposé d’un répertoire à la mesure de sa personnalité et de ses moyens (malgré Les amoureux du pont de Sèvres, Quand j’étais blonde, L’homme à la pipe) On appris, lors de la réédition en CD de l’album “Pour en finir avec le travail”, que derrière le nom de Vanessa Hachloum (la voix féminine du disque) se cachait celui de Jacqueline Danno !


DARNAL (Jean-Claude)

On relève plusieurs chansons de “qualité” chez l’auteur-compositeur-interprète Jean-Claude Darnal : Le soudard, Le tour du monde, Papa ô papa). Peut-être lui manquait-il ce quelque chose en plus dans l’interprétation pour davantage emporter l’adhésion. Darnal, sans démériter, devint ensuite l’un des rares représentants de la chanson pour enfant (Y’a un cerisier dans le jardin, Dites moi m’sieur l’oiseau). Pourtant le principal titre de gloire de Jean-Claude Darnal reste l’insubmersible Quand la mer monte (plus connue dans la version de Raoul de Godewarsvelde).


DARRIEUX (Danielle)

La comédienne Danièle Darrieux dispose de surcroît d’une jolie voix de soprano. Elle crée pendant la Seconde guerre mondiale Le premier rendez vous, et reprend plus tard des titres comme La complainte des infidèles, Petite fleur, etc. Dans “Les demoiselles de Rochefort” Danielle Darrieux ne se contente pas de jouer (comme les autres comédiens du film) mais chante également : La femme coupée en morceaux, Chanson d’Yvonne.


DASSARY (André)

Créateur (hélas pour lui !) de Maréchal, nous voilà, ce “chanteur à voix” ou “exotique” (Ramuntcho), s’étant surtout illustré dans l’opérette, se situe quelque part entre Mariano et Guétary. Pas de quoi fouetter un ténor.


DASSIN (Joe)

Créateur de nombreux tubes à la fin des années 60 et au début des années 70 (Les Daltons, Le petit pain au chocolat, La bande à Bonnot, Les Champs-Élysées, La fleur aux dents, L’Amérique, L’été indien, Si tu l’appelle mélancolie). La reprise par dix-huit représentants de “la nouvelle chanson française” des succès de Joe Dassin en 1993 dans un disque intitulé “L’équipe à Jojo” inspire le double commentaire suivant. En premier lieu on ne voit pas en quoi cet “hommage” pourrait changer la donne Dassin. Ensuite, pour citer “Le Monde” (“Passant pour ringard, bête exotique, Dassin se retrouve propulsé chez les branchés”), une telle propulsion renseigne plus sur l’indigence de cette branchitude qu’elle n’infirme ou confirme la ringardise de Joe Dassin.


DATIN (Jacques)

Ce compositeur talentueux s’est d’abord associé durant les années cinquante au parolier Maurice Vidalin. On doit au tandem Zon zon zon, Tais toi Marseille (pour Colette Renard), Boutons dorés (Jean-Jacques Debout), Nous les amoureux (Jean-Claude Pascal), Julie (reprise par de nombreux interprètes). Après leur séparation (Vidalin rejoignant Becaud), Jacques Datin collabore au premier disque de Claude Nougaro (en composant Une petite fille et Le jazz et la java). Il signe ensuite les musiques de Cécile ma fille, Marylin, Je suis sous (soit les principaux succès du “premier Nougaro”). Autre temps fort de la carrière de Jacques Datin, sa rencontre avec Serge Reggiani : avec Le petit garçon, Et puis, La vieille, L’italien (sur des textes de Jean-Loup Dabadie). Signalons également, pour France Gall : Mes premières vraies vacances, Christiansen. La dernière chanson composée par Jacques Datin (Les petites femmes de Pigalle, pour et sur un texte de Serge Lama) date de 1973. Le compositeur décède précocement la même année à l’âge de 53 ans.


DAUTIN (Yvan)

Tout comme en littérature on parle d’écrivains de “second rayon”, il existe en chanson des auteurs-compositeurs-interprètes que l’on appellera des “petits maîtres”. Cela n’a rien de péjoratif mais pareille appellation traduit bien le statut de chanteurs peu connus du grand public qui ne sont pas pour autant ici confondus avec quelques uns de ceux dont l’importante place que leur consacre ce dictionnaire s’avère inversement proportionnelle à leur faible notoriété. Yvan Dautin est l’un des ces “petits maîtres”. Son répertoire éclectique embrasse un large spectre : entre la primauté donnée au texte (Les mains dans les poches sous les yeux, Le clown est mort) et celle à la musique, de préférence rythmée (Boulevard des Batignoles). Pourtant c’est encore dans le cocasse et l’invention verbale (La méduse joue sur ces deux tableaux) que Dautin s’avère le plus convaincant.


DEBOUT (Jean-Jacques)

Révélé en 1959 à l’âge de 19 ans par Les boutons dorés (le meilleur titre du tandem Datin et Vidalin), Jean-Jacques Debout reste cependant les années suivantes en deçà des espérances d’un premier disque prometteur. Devenu auteur-compositeur en pleine vague yé yé Debout écrit pour Vartan (Tous mes copains, Comme un garçon) et Hallyday (Pour moi la vie va commencer) des chansons qui connaissent le succès. Elles remettent en selle l’interprète Jean-Jacques Debout (C’était la nuit, Nos doigts se sont croisés, Les cloches d’Écosse). Vers le milieu des années 70 Jean-Jacques Debout va principalement se consacrer au répertoire de son épouse Chantal Goya.


DEBRONCKART (Jacques)

Qui s’intéresse encore aujourd’hui à Jacques Debronckart ? Cet auteur-compositeur attire l’attention durant la seconde moitié des années soixante avec Adélaïde et Ma mère était espagnole, Debronckart sort un 33 tour en 1967 comportant des chansons témoignant de son “engagement” libertaire (dont Mutins de 1917, victime de la censure), qui recueille peu d’échos. Jacques Debronckart connaît ensuite ce que l’on appelle un “succès d’estime” avec le 30 cm enregistré en 1969. En tête de l’album J’suis heureux annonce la couleur (“Je suis un homme de gauche mais la gauche a vieilli / Il faut évoluer, c’est la loi de la vie / Je ne dis pas cela parce que je suis nanti / D’ailleurs tout ce que j’ai, je l’ai eu à crédit “) . Cette chanson reste chère au cœur de ceux qui pensent, non sans raison, que le bonheur vendu et médiatisé à longueur de journée ne vaut pas tripette. Jacques Debronckart le fait savoir haut et fort avec une fougue toute brelienne : quelque part entre la critique de la société de consommation et les affres métaphysiques de l’homme moderne. A parcourir l’oeuvre de ce pianiste (il accompagna un temps Maurice Fanon), devenu auteur-compositeur-interprète, plusieurs Debronckart apparaissent. Le libertaire d’abord : la vigilance face aux menaces qui pèsent sur La liberté, le voyage en pays d’utopie (Ailleurs), les couplets caustiques de J’achète, ou la confession d’un kleptomane qui vole pour la sensation (Klepto). Jacques Debronckart donne de l’âme à chacune de ses chansons, quand bien même certaines d’entre elles semblent vouloir flirter avec le mélo. Ainsi Mais si mais si je t’aime nous narre en trois épisodes l’histoire de deux vies ratées (le piano renchérissant pour qui en douterait). Sur scène Debronckart donnait la pleine mesure de son talent. Cet interprète était habité par les personnages de ses chansons : des hommes et des femmes vivant le plus souvent d’illusions ou appartenant au lot des “perdants de la vie”. Des personnages dont la médiocrité se trouve par exemple sublimée dans Je suis comédien, ou que la raison a abandonné (comme le fou enfermé dans sa camisole de souvenirs de Mon royaume).

On dira que ce type de chansons, et cette manière de les interpréter appartiennent à une époque révolue. Un tel “dramatisme” n’a plus lieu d’être, ajoutera-t-on. Il n’empêche : durant sa trop courte carrière (une quinzaine d’années) Jacques Debronckart n’a pas eu l’audience qu’il méritait. Le jour où ses chansons deviendront complètement démodées peut-être les redécouvrira-t-on à la faveur d’une quelconque mode rétro. En attendant quittons Debronckart avec cette bouleversante Écoutez, vous ne m’écoutez pas. A la question : pourquoi écrivez vous ? Georges Perros répondait : parce que personne n’écoute. Ici le personnage de la chanson monologue dans le vide en posant des questions qui restent sans réponse. Et c’est de l’émotion pure, durant trois minutes !


DECKERS (Jeanine)

Plus connue sous le nom de Sœur Sourire : son tube Dominique, l’hommage d’une jeune dominicaine belge au saint patron de son ordre, fait le tour du monde en 1963 (“Dominique-nique-nique s’en allait tout simplement / Routier pauvre et chantant / En tous chemins en tous lieux, il ne parle que de Dieu / Il ne parle que du Bon Dieu “). L’exemple même d’une chanson qui, de par la fortune ensuite du verbe “niquer”, prend une toute autre signification. Jeanine Deckers quitte l’ordre dominicain trois ans plus tard. Elle poursuit alors sans grand succès une carrière de chanteuse sous le nom de... Luc Sourire ! Son répertoire comporte des chansons telles La pilule d’or (la seconde après celle d’Antoine à vanter les mérites de la pilule contraceptive) et Les con-conservateurs (sur la hiérarchie catholique) : ceci et cela (l’ancienne Sœur Sourire affiche son homosexualité) ne la mettant pas en odeur de sainteté auprès de l’establishment catholique). Mais il existe un corps que l’on ne nique pas : l’administration fiscale belge lui réclame une importante somme d’argent sur des droits d’auteur que l’ancienne religieuse n’a jamais touchés (ceux-ci étant reversés à l’ordre monastique). Criblées de dettes, dépressives, confrontées à des problèmes d’alcool, Jeanine Deckers et sa compagne se suicideront en 1985.


DEFAYE (Jean-Michel)

Cet ancien élève de Nadia Boulanger, compositeur et arrangeur, a été l’orchestrateur de Léo Ferré entre 1960 et 1971 : de Comme à Ostende à Avec le temps (Jean-Michel Defaye avait auparavant orchestré en 1957 les chansons du disque “Léo Ferré chante Les Fleurs du mal” : un coup d’essai qui n’était pas un coup de maître). Parmi ses nombreuses réussites orchestrales citons plus particulièrement les deux double albums consacrés dans le milieu des années 60 à Verlaine et Rimbaud, et Baudelaire.


DEGUELT (François)

On relève deux temps forts dans la carrière de François Deguelt. D’abord avec Je te tendrais les bras (chanson également interprétée par Dario Moreno et Dalida) qui venait ponctuer une première partie de carrière de “second couteau” (rayon charme) de la chanson. Ensuite en 1965, Le ciel, le soleil et la mer prend place parmi les slow de l’été. On tient là le prototype par excellence de la “chanson d’été” (“Allongés sur la plage / Les cheveux dans les yeux / Et le nez dans le sable / On est bien tous les deux / C’est l’été, les vacances / Oh mon dieu quelle chance / Il y a le ciel, le soleil et la mer “). Les couples qui se sont formés l’été 1965 en dansant sur Le ciel, le soleil et la mer seraient, du moins certains, éternellement reconnaissants à François Deguelt. Les autres peuvent toujours reprendre la version (détournée) d’un humoriste : Il y a le ciel, le soleil et la m...


DELAIR (Suzy)

Davantage associée au cinéma, Suzy Delair à l’occasion (le plus souvent dans un film) pousse la chansonnette : plutôt joliment (et drôlement pour ce qui concerne Avec son tralala, une chanson extraite du film “Quai des Orfèvres”).


DELANOÉ (Pierre)

Cet auteur caméléon est aussi le parolier le plus prolifique de la seconde moitié du XXe siècle. Il écrit en 1953 Mes mains pour Gilbert Bécaud : le début d’une longue collaboration d’où naîtront Je t’appartiens, Le jour où la pluie viendra, Et maintenant, Dimanche à Orly, Nathalie, L’orange, Je reviens te chercher, La solitude ça n’existe pas, parmi tant d’autres. Durant les années cinquante Delanoé écrit principalement pour Bécaud. On lui doit cependant Dors mon amour (André Claveau) et Qu’il fait bon vivre (Les Compagnons de la chanson). Les années soixante voient Pierre Delanoé adapter des succès anglo-américains pour Petula Clark, France Gall, Nana Mouskouri, Hallyday, ou italiens pour Dalida. De cette époque date le début d’une collaboration avec Hugues Auffray (à travers des adaptations de Bob Dylan, puis viendront Rossignol anglais, L’épervier, Les crayons de couleur). Pierre Delanoè élargit son rayon d’action avec Sylvie Vartan (La Maritza), Michel Delpech (Inventaire 66), Nicoletta (Il est mort le soleil), Mireille Mathieu (Qu’elle est belle), Michel Polnareff (Le bal des Lazes). Deux autres collaborations entamées pendant cette décennie se poursuivront durant la suivante : avec Joe Dassin (Les petits pains au chocolat, L’été indien, Les Champs Élysées, L’Amérique), et Michel Fugain (Je n’aurais pas le temps, Tout comme l’oiseau, Une belle histoire). Des années soixante-dix durant lesquelles Delanoé écrit pour Gilles Dreu (Alouette alouette), Nicole Croisille (Une femme avec toi), Gérard Lenormand (La balade des gens heureux, Voici les clefs), Sylvie Vartan (Qu’est ce qui fait pleurer les blondes) et aussi pour Michel Sardou (un long compagnonnage qui débordera sur les années quatre-vingt : les vieux mariés, Les villes de solitude, Le France, Le temps des colonies, La java de Broadway, Les lacs de Connemara).

Si l’on ajoute que Delanoé rime plus avec quantité que qualité, on précisera que ce parolier savait écrire des chansons “sur mesure” pour l’un ou l’autre de ses interprètes. Et à consulter cette liste il s’agit bien d’une gageure.


DELECLUZE (Claude)

Deux noms sont associés à la parolière Claude Delecluze : ceux d’Édith Piaf (C’est à Hambourg, Les amants d’un jour), et Jean Ferrat (L’homme à l’oreille coupée, Deux enfants au soleil, C’est beau la vie). Ces chansons ont toutes été écrites en collaboration avec Michèle Senlis.


DELPECH (Michel)

Doté d’une voix agréable, Michel Delpech rencontre vers le milieu des années 60 le compositeur Roland Vincent. Ce dernier lui écrit la musique de Chez Laurette (jolie mélodie et premier succès de Delpech) et restera son compositeur attitré pendant une dizaine d’années. Un autre succès, Inventaire 66, prouve que Michel Delpech peut parfois être un parolier avisé, sachant traduire l’air du temps. Le chanteur prend une autre dimension à la fin des sexties avec le tube Whith is Whith, suivi d’un autre grand succès, Pour un flirt. Delpech s’installe sur ce créneau jusqu’en 1977 : citons Paul chantait Yesterday, Le chasseur, Que Marianne était jolie, Les divorcés, Quand j’étais chanteur, et la plus inattendue (et rock n’ roll) Le Loir-et-Cher. Après une période de traversée du désert Delpech retrouvera les feux des projecteurs mais sans connaître le même succès.


DELYLE (Lucienne)

Lucienne Delyle se fait connaître en 1939 avec Sur les quais du vieux Paris. Elle va rester sur le devant de la scène durant les deux décennie suivantes. Cette chanteuse représente assez bien le “style dominant” de la période 1940-1955 (avec Le paradis perdu, Mon amant de Saint-Jean, Nuages, Les quais de la Seine, Boléro, Domino, Tu n’as pas très bon caractère, Java) : y compris le timbre de voix, caractéristique de cette époque.


DÉRÉAL (Colette)

Révélée en 1959 par son interprétation de la chanson Je joue (dans un épisode de la série “Les cinq dernières minutes”), la comédienne Colette Déréal joue durant quelques années dans la cour des grands (A la gare Saint-Lazare, On se reverra, Notre concerto) avant d’être emportée par la vague yé yé.


Le Déserteur (Boris VIAN - Harold BERG & Boris VIAN)

Crée par Mouloudji, Le déserteur se retrouve quelques mois plus tard dans le tour de chant de Boris Vian, son auteur. La version de Mouloudji comporte des vers différents de l’original : le chanteur ayant infléchit le propos de Vian (avec son autorisation) vers une signification plus pacifique. Entre autres, les deux derniers vers “corrigés” (“Que je n’aurai pas d’armes / Et qu’ils pourront tirer “), d’ailleurs repris dans l’enregistrement de Boris Vian, remplacent “Que je tiendrai une arme / Et que je sais tirer “. Mais cette version est controversée. Interdite sur les ondes de la radio nationale dés sa création (1954 : dans un contexte de fin de guerre d’Indochine et de début du conflit algérien), Le déserteur provoque l’hostilité d’une partie du public lors des concerts de Mouloudji, puis de Vian. Ce dernier devant même interrompre une tournée pour des raisons “d’ordre public”. L’interdiction sera levée après la fin de la guerre d’Algérie. Ce n’est pas le moindre des paradoxes de constater qu’en l’an 2000 Le déserteur a été reprise par une multitude d’interprètes durant le dernier tiers de siècle.


DESNOS (Robert)

Robert Desnos, contrairement aux autres poètes répertoriés dans ce dictionnaire, a écrit des textes de chansons. Papier buvard, destinée à Marianne Oswald, sera mise en musique (très joliment) 60 ans plus tard par Juliette. Il en va de même avec Je suis rêveuse et fragile, que devait chanter Frehel, reprise par Juliette Gréco dans son répertoire (laquelle chantait La fourmi depuis ses débuts dans la chanson). Des poèmes de Desnos ont également été mis en musique, dont Coucher avec elle (interprétée par Yves Montand), Le Pélican (Julos Beaucarne), Le bout de toit (Les Têtes raides). La palme revenant à La complainte de Fantomas (sur une musique de Kurt Weill et dans l’excellentissime interprétation de Catherine Sauvage). Entre “mélodie française” et chanson signalons la sobre et bouleversante Le disparu (le poème “Couplets de la rue Saint-Martin” mis en musique par Francis Poulenc : de préférence chantée par Gérard Souzay).


DESTAILLES (Pierre)

On ne connaît du chansonnier Pierre Destailles qu’une seule chanson, mais s’agissant de Tout ça parce qu’au bois de Chaville (sur une musique de Claude Rolland) son auteur et interprète mérite les honneurs de ce dictionnaire. Cette chanson fut créée en 1948 sur la scène du Théâtre de Dix-heures. Le refrain reste sur toutes les lèvres : “Tout ça parc’qu’au bois d’Chaville / Y’avait du muguet “. Pourtant il ne parait pas certain que le public qui fit le succès de cette chanson ait écouté les couplets avec la plus grande attention. Car Tout ça parce qu’au bois de Chaville cultive un coté anarchisant peu habituel pour une chanson ayant connu pareille diffusion.


Les deux oncles (Georges Brassens)

Cette chanson souleva vagues et controverses lors de sa création l’année 1964, en particulier chez les anciens combattants. Disons que l’on suit difficilement Brassens quand, se référant à la Seconde guerre mondiale, il renvoie dos à dos les amis des “tommies” et ceux des “teutons” (avec à la clef le célèbre : “Moi qui n’aimait personne, eh bien je vis encore “). Des naïvetés aussi peuvent faire sourire : “Qu’au lieu de mettre en joue quelque vague ennemi / Mieux vaut attendre un peu qu’on le change en ami “. Ces réserves faites, Les deux oncles avance sans barguigner dans le sillon tracé depuis le début par l’auteur. On reconnaît là ce pacifisme que Brassens n’aura jamais tant crânement défendu. Loin de la boutique nationaliste et xénophobe on y respire l’air du grand large, celui de “L’Europe de demain “. Et puis, morbleu, Les deux oncles n’est-elle pas mille fois préférable à la moindre bluette patriotarde !


DIDIER (Romain)

Arrangeur, pianiste, compositeur, auteur et interprète, Romain Didier est l’un des représentants d’une chanson française “de qualité” reléguée au second plan depuis les années quatre-vingt. En 1980 Romain Didier sort son premier disque. Cinq ans plus tard sa rencontre avec Allain Leprest permet aux deux artistes d’entamer une fructueuse collaboration (Leprest écrit et Didier compose) qui se traduira durant quinze ans par la création de chansons venant enrichir leurs répertoires respectifs (Je m’suis barré d’un môme, La grille pour Romain Didier, parmi une vingtaine de titres). Sinon des chansons comme Vague à l’homme, Dans ce piano noir, Amnésie, Vu de ma quarantaine, font le lien entre le meilleur de cette tradition évoquée plus haut et une sensibilité bien de ce temps. Romain Didier a également écrit pour Nicole Croisille, Isabelle Audret et Jean-Louis Foulquier. On lui doit la musique de ce chef d’oeuvre méconnu, Une valse de 1937 (que chante Jean Guidoni sur un texte de Pierre Philippe).


DIMEY (Bernard)

Le nom du poète Bernard Dimey reste associé à Syracuse, Mon truc en plume, Mémère; On sait moins qu’il est l’un des auteurs les plus prolifiques des années cinquante, soixante, voire soixante-dix. Mouloudji, Patachou, Aznavour, Juliette Gréco, Yves Montand, Philippe Clay, Jacqueline Danno, Les Frères Jacques, Jean-Claude Pascal, Éric Robrecht, Francesca Solleville, Serge Reggiani l’ont chanté. Jacques Debronckart a consacré une chanson (Bernard Dimey) à ce personnage attachant, au pittoresque montmartrois : “Bernard Dimey n’est pas mort le dix mai / On aurait cru qu’il l’avait fait exprès / L’est mort le premier juillet au matin / Et rud’ ment bien “.


DISTEL (Sacha)

Neveu de Ray Ventura et guitariste de jazz, Sacha Distel se lance dans la chanson en 1958. L’inattendu succès du titre Scoubidou (un véritable phénomène de société : “Des pommes, des poires, et des scoubidou-bidou “) propulse Distel pendant plusieurs années parmi les interprètes les plus en vue du moment (Oh quelle nuit, La belle vie, Personnalités, Mon beau chapeau). Ce chanteur de charme doublé d’un fantaisiste passe sans trop d’encombre la période yé yé (Scandale dans la famille, L’incendie à Rio, Ces mots stupides, Monsieur Cannibale, Un air de banjo). Ses “Sacha show” ensuite lui permettent de maintenir le lien avec le public de la télévision. Un chanteur consensuel par excellence.


Dollar (Jean Villard)

En 1932, dans cette savoureuse, exemplaire, illustrative et subversive Dollar, Gilles et Julien allaient à l’essentiel : “Il éclaire le monde / De son feu criard / Et les hommes à la ronde / L’adorent sans retard “. Sous le règne du dieu dollar tout se vend et tout s’achète, hommes et marchandises, et l’on sait ce qui s’ensuit : “La vie qui tourne comme une roue / Vous éclabousse et vous secoue / Il aime vous rouler dans la boue / Le dieu dollar “. D’aucuns aujourd’hui vous “vendraient” cette chanson en soulignant un brin démago que les couplets “c’est déjà du rap”. Pas ici, c’est pas le genre de la maison.


DONA (Alice)

Alice Dona se fait un petit nom dans les années 60 comme chanteuse (Le noël des copains), puis se consacre à la composition la décennie suivante. Elle écrit pour Claude François, Joe Dassin, Mireille mathieu, Régine, Serge Reggiani (Le barbier de Belleville). On retient surtout sa collaboration avec Serge Lama (Je suis malade, Chez moi, Le chanteur, Femme femme femme).


Don Juan (Georges Brassens)

Dans un dernier disque inégal, Don Juan figure parmi les “grands Brassens”. Cette chanson reprend l’un des thèmes récurrents du dernier Brassens (“Gloire à qui n’ayant pas d’idéal sacro-saint / Se borne à ne pas trop emmerder ses voisins “), mais l’important est ailleurs. La “générosité” de Don Juan l’entraîne à séduire celles dont personne ne veut : “Cette fille est trop vilaine il me la faut “. Le leitmotiv du séducteur nous confronte à un Don Juan “humain trop humain” dont on ose espérer que “l’oeuvre de bienfaisance” s’exerce également en dehors de cette chanson : “Et gloire à Don Juan qui rendit femme celle / Qui sans lui quelle horreur serait morte pucelle ! “.


DOUAI (Jacques)

Lors du décès passé presque inaperçu de Jacques Douai, en 2004, Jacques Bertin écrivait : “Il y avait dans le regard de cet homme une clarté qui ne mentait pas”. On a aujourd’hui quasiment oublié ce pionnier de l’animation culturelle, cet infatigable défenseur de la chanson poétique, ce pédagogue doublé d’un talent de découvreur (celui d’une tradition folklorique qu’il aura contribué à exhumer). Jacques Douai porta sur les fronts baptismaux (avec Luc Bérimont) cette “Fine fleur de la chanson française” qui essaimera à tous vents durant de longues années. Jacques Douai était davantage connu d’un relatif “grand public” comme l’interprète de cette tradition folklorique, et celui des Prévert, Aragon, Ferré (L’étang chimérique), Trenet (Une noix), Brel et Brassens. Douai s’accompagnait à la guitare (il fut le premier à le faire, disons à part entière : la guitare que tenait Tino Rossi avant guerre ne figurant là que comme élément du décor, ou pour occuper les mains du chanteur), dans un style d’interprétation que l’on qualifiera de “rive gauche” avant la lettre : qui fera des émules parmi quelques uns des interprètes que l’on classera plus tard dans cette rubrique.


Le doux caboulot (Francis Carco - Jacques Larmanjat)

Voilà un petit chef d’oeuvre ! L’apparente simplicité de ce Doux caboulot masque en réalité un art consommé de la chanson. Le refrain coule de source (“Le doux caboulot / Fleuri sous les branches / Est tous les dimanches / Plein de populo “), et les couplets qui suivent, certainement les vers les plus inspirés de Carco, résultent d’une alchimie texte / musique sans pareille. Il faudra attendre quelques années plus tard le couple Prévert / Kosma pour avoir quelque équivalent. Alors Monsieur Francis, un dernier tour de valse ! (“La servante est brune / Que de gens heureux / Chacun sa chacune / L’une et l’un font deux “).


DRANEM

Souvent imité de son vivant, jamais égalé, Dranem occupe une place à part dans la chanson du début du siècle. Il est l’inventeur d’un genre que l’on pourrait décliner sous différents noms si l’on consent à prendre les interprétations de Dranem au premier, au second, voire au troisième degré. Très populaire durant la première partie de sa carrière (le coté clownesque du personnage sur scène explique en partie ce succès), ce chanteur est également apprécié par les surréalistes, André Breton et Raymond Queneau entre autres.

Le titre le plus connu de Dranem, Les p’tits pois !; donne le ton (“Depuis que notre monde est monde / On fait des chansons immondes / Et dont les sujets sont idiots / Moi je viens d’faire un chant nouveau / C’est spirituel et plein d’entrain / Du reste en voici le refrain “). A ce couplet introductif succède le refrain loufoque que tout le monde connaît sans toujours mettre un nom sur son interprète. Boris Vian a écrit dans “En avant la zizique” : “A n’en plus douter, ceci est un texte où le génie scintille à l’état pur et il a fallu un Queneau pour retrouver (presque) le même niveau d’inspiration avec La pendule ou J’amaigris du bout des doigts”.

Les deux autres grands succès de Dranem sont La jambe de bois et La vigne aux moineaux. Pourtant les amateurs apprécient davantage Le trou de mon quai, Les fruits cuits (“J’ai mon fruit cuit qui cuit / Sans que mon fruit cuit fuie / Four fair’ des confitures de fruits cuits “), Le cucurbitacée (“C’est un cucurbitacée / Qu’a des côtes qu’a des côtes / C’est un cucurbitacée / Qu’a des côt’s sur les côtés “), Romance subjective (“Amer ! amer destin du cœur / Femmes légères que vous fûtes / Vous fit’s hélas ! pour mon malheur / Toutes les peines que vous pûtes “).

Dés son entrée en scène Dranem déclenchait le rire. Le chanteur, habillé en auguste, arborait comme couvre-chef un ridicule petit chapeau. Tu sens la menthe illustre mieux que n’importe quelle autre titre de ce répertoire le génie particulier de Dranem. Après chaque refrain, ponctué par un rire inimitable, Dranem y ajoutait un commentaire surjouant sur l’idiotie de la chanson. Cet exercice de distanciation devenait hilarant quand, selon les témoignages de ses contemporains, Dranem paraissait s’effrayer ou se désoler de l’énormité de ce qu’il chantait. Cet art apparentait Dranem à celui des grands burlesques des débuts du cinématographe.

Après la guerre une autre carrière s’ouvre pour Dranem. Le caf’ conc’ s’efface devant le music-hall et l’interprète des P’tits pois ! délaisse son répertoire de “chansons idiotes” pour se reconvertir dans l’opérette. Dans des genres différents, Bourvil, Boby Lapointe ou encore le premier Vassiliu peuvent être considérés comme ses lointains descendants.


DRÉJAC (Jean)

Auteur, parfois compositeur, et interprète à l’occasion, Jean Dréjac est l’un des artisans de la “chanson de qualité” des lendemains de la Libération, et même après. Le petit vin blanc (une chanson créée par Lina Margy en 1943) le fait connaître. Jean Dréjac va ensuite écrire pour Lucienne Delyle (Les quais de la Seine), Édith Piaf (Chanson des forains, L’homme à la moto), Annie Cordy (Fleur de papillon), Yves Montand (Rengaine ta rengaine, La chansonnette, La musique), Marcel Amont (Les bleuets d'azur ), Dalida (Arlequin de Tolède), Juliette Gréco (La cuisine), Michel Legrand (Comme elle est longue à mourir ma jeunesse), Serge Reggiani (Édith). Jean Dréjac est également l’auteur du célèbre Sous le ciel de Paris. La carrière de l’interprète s’avère plus discrète, et davantage marquée par l’engagement de cet homme de gauche.


DUBAS (Marie)

Du registre étendu de Marie Dubas, passant d’un genre à l’autre sans la moindre difficulté, on retient cependant la veine comique. Cette chanteuse pouvait être époustouflante dans des chansons qui, chantées par d’autres, ne mériteraient guère le détour. Blutterfly tox, par exemple, qui flirte avec le racisme colonial propre à l’entre deux-guerres, devient franchement hilarante dans l’interprétation de Marie Dubas. On citera également Les housards de la garde et Pedro, deux des chevaux de bataille de l’interprète sur scène. La chanteuse à la voix acidulée devenait plus ordinaire, et parait plus datée dans des répertoires où elle ne pouvait se permettre les excès de sa nature comique. Créatrice du Beau caboulot et de Chanson tendre (sur des textes de Francis Carco), on peut lui préférer d’autres interprétations. Cela ne vaut pas pour La Charlotte prie Notre-Dame, de Jehan Rictus, où Marie Dubas sait être émouvante. On rappelle que la chanteuse créa l’immortelle Mon légionnaire. Mais une débutante nommée Édith Piaf reprit peu de temps après cette chanson avec la fortune que l’on sait.


DUDAN (Pierre)

En Suisse, pendant l’Occupation, Pierre Dudan crée On prend le café au lait au lit et La polka des mandibules. Ces chansons connaîtront une seconde carrière en France à la Libération. Le titre de Dudan le plus connu, Clopin clopant (sur une musique de Bruno Coquatrix) sera repris par de nombreux interprètes, souvent plus convaincants que l’auteur de cette chanson dans ce registre “crooner” (Pierre Dudan étant d’abord un fantaisiste).


DUFRESNE (Diane)

Cette chanteuse québécoise, dotée d’un certain tempérament, s’est principalement illustrée dans les années 70 (J’ai rencontré l’homme de ma vie, Chanson pour Elvis, Hollywood freak, Alys en cinémascope). Elle disposait de qualités qui lui aurait permis de devenir l’équivalent féminin d’un Robert Charlebois. Moins le répertoire cependant (même si son parolier Luc Plamondon lui écrivait des textes de bonne confection).


DUMONT (Charles)

Ce compositeur prend la place de Marguerite Monnot au sein de l’équipe d’Édith Piaf (Mon dieu, Les mots d’amour et surtout Je ne regrette rien sont les titres les plus représentatifs de cette collaboration). L’une de ces chansons (Les amants) fait d’ailleurs l’objet d’un duo avec Charles Dumont. Le compositeur entame une carrière de chanteur au début des années 70 (Ta cigarette après l’amour, Une femme, Une chanson, Les gens qui s’aiment lui valent la reconnaissance d’un public amateur de chansons d’amour un brin surannées et volontiers conformistes). Elle se poursuivra un ton en dessous durant la décennie suivante.


DUTEIL (Yves)

En 1988 Prendre un enfant par la main se révélait être, après un sondage organisé par la SACEM, R.T.L. et Canal +, la chanson préférée des français ! Il y avait de quoi s’étonner : comment cette bluette pouvait-elle se retrouver à la première place ? On le fit savoir. Et il y eut comme un effet boomerang. De surcroît Yves Duteil, son auteur, cultive deux handicaps : il est né à Neuilly, et s’affiche à droite (une droite certes modérée). Ceci posé Yves Duteil méritait-il pareille indignité ? On remarque principalement une tonalité “heureuse” dans le répertoire de ce chanteur-auteur-compositeur. Mais il faut posséder le coté folingue d’un Trénet pour faire passer une telle pilule. Cependant on reconnaît ici ou là que certaines chansons cultivent une certaine veine poétique (Tisserand), témoignent avec des mots choisis de l’enfance (Les Batignoles), ou surprennent par la fougue de l’interprète (Jonathan). Et le succès d’une chanson comme La langue de chez nous n’a rien d’indigne (même si la musique rappelle celle de “La chanson de l’étoile”, d’un certain Richard Wagner).


DUTRONC (Jacques)

Il paraissait difficile d’ignorer et moi et moi et moi l’été 1966. Le premier 45 tour de cet ancien guitariste du groupe Et Toro, compositeur (on lui devait la musique de Le temps de l’amour, interprétée par Françoise Hardy), ne passe pas inaperçu. Le son plutôt rock se retrouve dans le disque suivant, un 33 tour, à l’exception du titre Les plays boys, plébiscité par le public. Autres chansons remarquées : La fille du père Noël, On nous cache tout on nous dit rien et Les cactus (qui connut son heure de gloire dans l’enceinte du Palais-Bourbon). Les disques sortis l’année suivantes (en particulier les chansons J’aime les filles, L’idole, Le plus difficile, Hippie hippi hourrah, A tout berzingue) imposent Jacques Dutronc. On va même jusqu’à parler de dutroncmania. Ceci s’explique par les textes, de Jacques Lanzman, qui distillent un humour proche de la dérision, teinté parfois de critique sociale (La publicité, Les rois de la réforme), ou jouant la carte du cynisme (L’opportuniste). Une dérision qui à l’occasion peut se retourner contre le texte même de part l’interprétation de Dutronc. Les musiques se diversifient au fil des disques et habillent impeccablement les paroles des chansons. Le tout renvoie à un univers original, singulier, sachant capter l’air du temps.

Il est cinq heures Paris s’éveille, le plus gros succès de Jacques Dutronc (en même temps la meilleure de ses chansons, ce qui n’est pas si courant) date du printemps 1968. La flûte de Jean-Pierre Rampal n’étant pas étrangère à cette réussite. Les années 68 (Fais pas si fais pas ça, La Seine) et 69 (L’aventurier, Quand c’est usé on le jette, Le responsable, L’hôtesse de l’air) confirment cette embellie. C’est un peu moins le cas en 1970 (Restons français soyons gaulois, A la vie à l’amour, le fond de l’air est doux, A la queue les Yvelines). A signaler cependant la première chanson écrite en verlan : J’avais la cervelle qui faisait des vagues. Jacques Dutronc sort en 1971 un album décevant, dont seule surnage Le petit jardin. Une dernière salve, pour clore les “années Vogue”, propose ce que savent le mieux faire les sieurs Lanzman et Dutronc (Le dragueur des supermarchés, et surtout l’excellente Le testamour : voire La France défigurée, dans un registre écologique, qui tout comme Le petit jardin semble plus préoccuper Lanzman que Dutronc). On remarque que durant cette même période les plus gros succès de Jacques Dutronc sont des chansons écrites pour la télévision (L’Arsène, Gentleman cambrioleur) ou le cinéma (La ballade du bon et des méchants), non signées par le couple Lanzman-Dutonc.

Ensuite Jacques Dutronc va principalement se consacrer au cinéma. Il reviendra à la chanson par intermittence. Avec deux albums (sur des textes de Gainsbourg), sans grand intérêt. En revanche “C.Q.F.Dutronc”, sorti en 1987, sans soutenir la comparaison avec la période Vogue, n’en contient pas moins une savoureuse Les gars de la narine.