VIAN (Boris)

Devant le maigre écho que rencontre alors son œuvre littéraire, Boris Vian va se consacrer presque exclusivement à la chanson. Cependant on ne peut qu’être impressionné par l’épaisseur du volume regroupant les textes des chansons écrites par l’auteur de L’écume des jours. Même en ne conservant que ceux qui reçurent une musique (de Jimmy Walter, Alain Goraguer, Henri Salvador) on reste confondu devant l’importance d’une production aussi limitée dans le temps (Vian n’écrivit des chansons qu’à partir de 1954 et ceci jusqu’à sa mort, en juin 1959). On ne dira pas que ces chansons relevant de genres très différents sont de “qualité diverse” si l’on sait que Vian revendiquait le droit d’écrire des chansons idiotes. Sans toujours obtenir le résultat voulu contrairement à la grande majorité de ceux qui ne revendiqueraient rien de tel. Parallèlement à cette activité de parolier Boris Vian exerçait les fonctions de directeur artistique chez Philips. Ceci et cela lui donnant l’occasion d’écrire le fameux “En avant la zizique... et par ici les gros sous” (paru du vivant de l’auteur), “réquisitoire impitoyable contre les auteurs de chansons ineptes, les plagiaires éhontés, les producteurs lâches ou malhonnêtes”, etc.). Dans la préface de ce livre Vian écrit ces lignes, fondamentales : “La chanson, disons le tout de suite, n’a rien d’un art mineur. Le mineur ne chante pas en travaillant, et Walt Disney l’a bien compris, qui faisait siffler ses nains”

Boris Vian a été bien servi par ses interprètes : en premier lieu Henri Salvador (Oh ! si y’avait pas ton père, Ça pince, Je ne peux pas travailler, Moi j’préfère la marche à pied, Le blues du dentiste, A Cannes cet été, Faut rigoler, Rock and roll mops), mais également Mouloudji (Allons z’enfants, Le déserteur, Valse jaune), Magali Noël (Fais moi mal Johnny), Renée Lebas, Philippe Clay, puis (après la mort de Boris Vian), Pauline Julien, Jacques Higelin, les Charlots, Serge Reggiani (Arthur, où t’as mis le corps, La vie c’est comme une dent, Quand j’aurai du vent dans mon crâne), parmi de très nombreux interprètes.

Boris Vian passe de l’écriture à la scène en 1955. Lui que l’on ne considère pas véritablement comme un chanteur (pas plus que l’intéressé) se produit à Paris aux Trois Baudets, puis fait la tournée des casinos en province (il sera persona non grata dans plusieurs villes de France en raison de la présence de la chanson Le déserteur dans son tour de chant). Cette même année Vian enregistre un disque comportant la plupart de ses “grandes chansons” (il ne manque à cette liste que Valse jaune, Allons z’enfants, L’âme slave). Ce 25 cm, devenu aujourd’hui un “classique” (sur la pochette du disque figure la fameuse Brasier), outre Le déserteur, comporte Le cinématographe, Je bois, La java des bombes atomiques, Le petit commerce, Bourrée de complexes. Ainsi que ces immortels chefs-d'oeuvre qui ont pour nom J’suis snob (l’idée de génie étant de nous présenter un snob qui affiche son snobisme), La complainte du progrès (dans les années 50, déjà, Boris Vian épinglait la future “société de consommation” : rien ne nous dit que ses contemporains aient pris pour “argent comptant” ce qui pouvait relever de l’insolite, de la science-fiction ou de l’humour propre à l’auteur), On est pas là pour se faire engueuler et Les joyeux bouchers.