PHILIPPE (Pierre)

Plutôt par hasard Pierre Philippe (auteur ou producteur de documentaires pour la télévision, historien du cinéma et du music-hall, mais également peintre, décorateur de théâtre, scénariste, dialoguiste, romancier) devient parolier. D’abord par l’intermédiaire d’Ingrid Caven (pour qui il adapte en français des textes de Fassbinder), ensuite (et surtout !) à travers sa rencontre avec Jean Guidoni. Pierre Philippe écrit pour cet interprète, qui alors se cherche, les textes de quatre albums consécutifs (“Je marche dans les villes”, 1980 ; “Crime passionnel”, 1982 ; “Le rouge et le rose”, 1983 ; “Putains...”, 1985). Il le retrouvera 14 ans plus tard avec l’exceptionnel “Fin de siècle”. Entre temps Pierre Philippe signe la plupart des titres du second disque de Juliette (“Irrésistible”) et la totalité du suivant (“Rimes féminines”).

Bien qu’écrivant en tenant compte de la personnalité de ces deux interprètes, Pierre Philippe n’en impose pas moins un univers que l’on qualifiera, d’une chanson à l’autre, de “décadent”, “baroque”, “équivoque”, “érotomane”, ou même “morbide” : adjectifs peu consensuels il va sans dire ! On peut d’ailleurs ajouter le terme “expressionniste” à cette liste (à condition de bien vouloir l’associer à la “veine poétique” de l’auteur, sachant qu’il existe une “veine politique” explicite dans le répertoire de Guidoni, et plus implicite dans celui de Juliette). C’est dire que Pierre Philippe écrit spécifiquement pour ses deux interprètes de prédilection (des aspects de la vie de Jean Guidoni apparaissent dans plusieurs chansons) sans que celui-ci, voire celle-là s’approprient exactement (à la manière d’une Piaf, d’une Gréco ou d’un Montand) l’univers singulier de l’auteur. La personnalité de Jean Guidoni, ni même celle de Juliette ne sont nullement mises en cause. Mais il parait important de le souligner. C’est aussi, indirectement, une réponse aux raisons pour lesquelles, Jean Guidoni d’abord, puis Juliette, ont cessé de collaborer avec Pierre Philippe.

On précise que ce parolier est totalement inconnu du grand public. Il est vrai que les auteurs-compositeurs-interpètes qui tiennent le devant de la scène depuis le milieu du XXe siècle font de l’ombre aux paroliers professionnels. Mais aucun de ces derniers ne saurait rivaliser avec Pierre Philippe dont on répétera ici (se référer aux entrées “Guidoni” et “Juliette” de ce dictionnaire) qu’il a écrit quelques unes des chansons “inoubliables” des années 80 et 90, et même du siècle (Les draps blancs, Tout va bien, Le bon berger, L’amour monstre, Toulon (ces deux vers, au passage, ne peuvent avoir été écrits que par Pierre Philippe : “Au Fémina le soir des mains en embuscade / Disaient toucher Bardot mais caressaient Delon “), J’habite à Drancy, Une valse de 1937 par Jean Guidoni ; Irrésistible, Les petits métiers, Les manèges, Monsieur Vénus, Rimes féminines, Tueuses par Juliette.

La chanson au XXe siècle ne serait pas exactement ce qu’elle est sans Pierre Philippe. Encore faut-il le savoir ! Ce dictionnaire essaie de réparer cet oubli et de remettre à la place qui devrait être la sienne ce très grand parolier.