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RAUBER (François)

Un nom vient immédiatement à l’esprit : celui de Jacques Brel. François Rauber a été (en exceptant les tout premiers disques) l’orchestrateur du Grand Jacques. Ce dernier lui doit cette couleur musicale truculente, poétique, ou emprunte de dramatisme, à nulle autre pareille (n’en déplaise aux imbéciles “critiques de rock” d’un quotidien du matin, qui trouvèrent ces orchestrations désuètes et ringardes lors de la sortie du dernier disque de Brel). Il y a effectivement une “Rauber touch” que l’on retrouve dans les orchestrations des disques d’Anne Sylvestre et de Juliette Gréco, parmi d’autres interprètes. Une seule fausse note : Glenmor (dans l’album où figure Sodome Rauber passe quelque peu à côté de son sujet).


REGGIANI (Serge)

La première bonne nouvelle de l’année 1968 s’appelait Serge Reggiani : non l’acteur, mais le chanteur qui sortait un album fort remarqué (il s’agissait en réalité du second disque de Reggiani : le premier, consacré à Boris Vian, étant passé presque inaperçu). Après le coup d’essai, le coup de maître ! Pourtant, malgré les éminentes qualités des chansons composant cet album, qui aurait pu se douter qu’il rencontrerait pareil succès ? Et puis on découvrait, ou redécouvrait ce talentueux auteur-compositeur du nom de Georges Moustaki (Sarah, Ma solitude, Ma liberté). Reggiani reprenait des titres de Boris Vian (Le déserteur, Quand j’aurai du vent dans mon crâne) et redonnait une seconde vie à des chansons enregistrées par d’autres interprètes (Maxim’s de Gainsbourg, Paris ma rose de Gougaud). On ne saurait oublier de cette liste Le petit garçon, le titre le plus programmé à la radio, Fleur de méninges, L’hôtel des rendez-moi ça et surtout Les loups, qui donnait la pleine mesure du talent de l’interprète (on retrouvait le comédien) sur la scène.

Serge Reggiani reste sur ces hauteurs à la fin de la même année avec son second album. Aux contributions de Moustaki (Moi j’ai le temps, Madame Nostalgie, et la délicate Votre fille a vingt ans), de Dabadie et Datin (La vieille, Et puis), de Pierre Tisserand (L’homme fossile), de Rivière et Bourgeois (Il suffirait de presque rien), on ajoutera la méconnue La dame de Bordeaux (sur un texte somptueux écrit par le talentueux Albert Vidalie la musique de Jacques Datin sait se faire discrète pour mettre en valeur chacun des vers : Reggiani les disant plus qu’il ne les chante). Vidalie est également l’auteur (Bessières signe ici la musique) de Les affreux. On trouve également une chanson de Anne Sylvestre, La maumariée (avec ce “si blonde et dorée, blonde, blonde, blonde “ qui porte la marque de son auteure. Cet album renferme (sous la forme d’un petit disque supplémentaire) ces deux éclatantes réussites que sont, l’une l’adaptation musicale (par Moustaki) du Gaspard de Verlaine (ou comment rendre un poème populaire grâce aux talents conjugués de l’interprète, du mélodiste, et de l’orchestrateur, Gérard Morlier), de l’autre celle de La balade des pendus de François Villon (même chose en remplaçant Georges Moustaki par le toujours excellent Louis Bessières).

Bien entendu la carrière de chanteur de Serge Reggiani ne s’arrête pas là. Mais par la suite il ne retrouvera pas de tels sommets. Citons cependant quelques uns des titres marquants d’une carrière qui se poursuivra encore jusqu’à la fin du siècle : Requiem pour n’importe qui, Balade pour un traître, L’italien, Le souffleur (ou deux titres d’un album sorti en 1977, Venise n’est pas en Italie, Le barbier de Belleville, dernier en date des disques de Reggiani ayant connu la faveur du public).


RÉGINE

Plusieurs fées se sont penchées sur le berceau de Régine, la chanteuse, pour lui confectionner un répertoire cousu main, autant diversifié que cultivant une fibre populaire : une gouaille qui aurait de la classe (pour le meilleur) ou de la “bonne variété” (pour le reste). Ces fées s’appelaient Frédéric Botton (La grande Zoa, Attends moi, Les lampions), Eddy Marnay et Émile Stern (Okazou, Patchouli chinchilla), et Serge Gainsbourg (Il s’appelle reviens, Si t’attends que les diamants te montent au cou, et ce petit bijou Les p’tits papiers). D’autres fées ensuite prendront le train en marche (Modiano et Corson pour L’aspire à cœur), Paolo Conté (Azzuro), ou encore Dabadie et Datin, Lama et Dona.


RENARD (Colette)

Dans la seconde moitié des années cinquante, Colette Renard apporte la preuve que l’on peut encore concilier les mots “populaire” (pour la chanteuse) et “chanson de qualité” (pour son répertoire) : Ça c’est d’la musique, Zon zon zon, Mon homme est un vrai guignol. On y relève en bonne place une thématique qui a depuis une dizaine d’années avait quasiment disparue de la chanson, celle de la mer et des marins (Ils voulaient voir la mer, Marie la bleue, Tais toi Marseille, Le marin et la rose). Et puis Colette Renard reste l’interprète inégalée de la comédie musicale “Irma la douce”, dont les refrains écrits par Alexandre Breffort (et mis en musique par Marguerite Monnot) lui vont comme un gant. On retient principalement (en plus de la chanson titre), Ah ! dis donc et Avec les anges (“Y’a rien à s’dire / Y’a qu’à s’aimer / Y’a plus qu’à s’taire / Qu’à la fermer / Parce qu’au fond les phrases / ça fait tord à l’extase “), une chanson que Claude Nougaro reprendra dans l’un de ses derniers disques. Entre Piaf et, par exemple, une Catherine Sauvage, il y avait de la place pour une chanteuse de la trempe de Colette Renard. Cette interprète comme beaucoup d’autres fera les frais de la vague yé yé. Son nom va alors se trouver associé à un cycle de “chansons gaillardes et libertines”, dont elle exhumera avec bonheur une trentaine de titres.


RENARD (Jean)

Ce compositeur (également producteur), révélé par A la gare Saint-Lazare (Colette Déréal) et Le premier bonheur du jour (Françoise Hardy) a composé dans les années 60, puis 70 de nombreux tubes : Deux minutes trente cinq de bonheur et La Maritza pour Sylvie Vartan, Que je t’aime et J’ai un problème pour Hallyday, Laisse moi t’aimer pour Mike Brant.


RENAUD

Enfant de mai 68 et du “Café de la Gare”, Renaud s’est retrouvé au carrefour de diverses influences musicales : le rock (pour l’époque), le folk (une dette envers Dylan et Auffray), et le baloche (entre Bruant et la chanson réaliste). C’est cet espèce de cocktail molotov que l’on entend dans le premier album de Renaud (qui comporte Amoureux de Paname, Hexagone, Gueule d’aminche). Il suffit d’y ajouter une tranche de zone, un doigt de verlan, une plaque de mob et une bande de loubards pour se projeter dans l’univers des deux albums suivants : Laisse béton, Je suis une bande de jeunes, Ma gonzesse, Chanson pour Pierrot, étant les titres les plus significatifs. Durant les sinistres années quatre-vingt les chansons de Renaud recueillent un très large écho. On peut cependant préférer aux Dans mon HLM, Morgane de toi, En cloque, Des que le vent soufflera, et autre Mistral gagnant, qui font la notoriété de Renaud, les Banlieue rouge et Rouge-gorge (“Prolo ordinaire / Peuple de Paris / Rouge-gorge est fier / D’être né ici “), plus confidentielles.

En terme d’image, au fil des années, le Renaud contestataire, banlieusard, voyou à l’occasion, cède volontiers la place à l’époux comblé, au père de famille exemplaire, ou au défenseur des causes humanitaires. On se souvient peut-être que Gérard Lebovici, l’éditeur et l’ami de Guy Debord, qui dans un premier temps saluait le chanteur qui avait “conquis l’audience de la jeunesse sauvage”, celui pour qui s’était levé “un admirable public”, répondit, à un faire-part de naissance que venait de lui adresser Renaud, entre autres considérations peu amènes par : “Je ne m’étonne pas que vous n’ayez plus le goût et le style dont vous avez fait preuve naguère dans vos chansons”.

Cela donne la mesure de la déception de quelques uns de ceux qui sans doute prirent Renaud pour ce qu’il n’était pas. Fausse querelle alors ? Renaud n’a “abusé” que le public qui confond à la virgule près le contenu des chansons avec la personne qui les écrit et les interprète. Ensuite il est vrai que les palinodies du “chanteur énervant” sur le mode “Tonton je t’aime, tonton je ne t’aime plus” n’ont pas été sans provoquer de notables défections dans les rangs des renaudiens de longue date.

La suite appartient en partie au siècle suivant avec l’épisode alcoolique, le “retour gagnant” du chanteur, une forte présence médiatique, etc. La fameuse couverture de Paris-Match ne changera fondamentalement rien à l’affaire : Renaud ayant réussi à concilier dans le genre chanson les aspects contestataire et... people. Chacun conviendra que ceci ne constitue pas véritablement une gageure à l’avènement du XXIe siècle.


RENAUD (Line)

La chanteuse “sentimentale gaie” (selon l’expression que l’on prête à son pygmalion de mari, le compositeur Loulou Gasté) inaugure vers la fin des années quarante une formule de “lancement des futures vedettes” qui sera perfectionnée par la suite. Le reste suit : les médiocres Étoile des neiges, Ma cabane au Canada, Ma petite folie, Ce chien dans la vitrine, Mademoiselle from Armentières) passent et repassent à la radio. Le public est comblé puisqu’il fait un succès à chacune d’elles. Line Renaud sut mieux que d’autres se reconvertir dans les années soixante en devenant meneuse de revue au Casino de Pais, puis à Las Vegas. La suite, la grand mère comédienne aimée des français, sort du cadre de cet ouvrage.


REVAUX (Jacques)

D’abord chanteur (il double Jacques Perrin, le personnage Maxence, dans “Les demoiselles de Rochefort”), ce compositeur contribue au succès des premiers disques d’Hervé Vilard (Pedro, Sayonara), et compose la musique de Comme d’habitude (cette chanson connut moins de succès en France qu’à l’étranger avec l’adaptation My Way). Dans la foulée Jacques Revaux amorce une collaboration avec Michel Sardou qui se poursuivra une vingtaine d’années : Les bals populaires, J’habite en France, Le rire du sergent, Le surveillant général, Les villes de solitude, Je suis pour, Je vais t’aimer, Le France, Le temps des colonies, La java de Broadway, Les lacs de Connemara). Revaux figure également au répertoire de Johnny Hallyday.


RIBEIRO (Catherine)

Dotée d’une voix puissante, Catherine Ribeiro, dans les années 70, chante ou déclame des textes qui s’affranchissent du format chanson (la série des “Poèmes non épiques”) pour prendre un caractère symphonique. Il y a de la prêtresse chez Ribeiro, avec un verbe incantatoire (fustigeant le plus souvent l’époque à l’instar de L’ère de la putréfaction) avec des accents lyriques (Une infinie tendresse, l’une de ses meilleures chansons : “Donnez moi, donnez moi / Deux hommes désespérés / J’en ferai des montagnes / Des soleils des brasiers / Des puissances d’amour / Des infinies tendresses “). Avec le recul les réserves portent sur les arrangements musicaux (pourtant représentatifs, sur le moment, d’un certain moderniste), dus à Patrice Moulet, le complice de la chanteuse durant les années 70. Au fil des disques cet habillage musical devenait répétitif : une impression de “déjà entendu” finissait par prévaloir.

L’album sorti en 1982 (comprenant des musiques de Thierry Matioszek, en particulier Top secret) tranche sur le plan musical par rapport à la période précédente. Durant la décennie 80 Catherine Ribeiro rentre pour ainsi dire dans le rang : à contrario d’une Colette Magny (où la singularité s’affirme de disque en disque) ou de Brigitte Fontaine (qui disparaît pour mieux revenir presque dix ans plus tard). En même temps Ribeiro (plus que ses deux consœurs) subit le contrecoup de la lente désaffection du gauchisme, déjà observée vers la fin des années 70. Dans la décennie 90 Catherine Ribeiro retrouve une partie de son public à travers des disques de “reprises” de plusieurs grandes chansons du répertoire de la seconde moitié du XXe siècle. L’auteure s’efface devant l’interprète, évidemment convaincante. A l’heure des bilans ces deux albums laissent cependant un goût d’inachevé. Et l’impression que Catherine Ribeiro est passée quelque peu à coté de la carrière que d’aucuns lui prédisaient.


RICET BARRIER

Ricet Barrier occupe une place originale dans le monde de la chanson. Son “cycle paysan” (La servante du château, La Marie, Les vacanciers, Isabelle v’la l’printemps) ne craint pas la concurrence dans une chanson française peu diserte sur les travailleurs de la terre. Il faut dépasser le coté rigolard et gentiment caricatural pour entendre la justesse d’un trait ou quelque écho d’une disparition de la paysannerie (Le vieux dans le second cas). On aurait cependant tort de réduire Ricet Barrier à ce genre. Son répertoire, durant les années soixante-dix, devient plus exigeant sans rien céder sur le plan humoristique : particulièrement dans Les tractions avant, Les poupées rétro, Putain le beau métier, C’est dur d’être une belle fille, mais plus encore dans La moule (Ici Ricet Barrier joue sur le double sens du mot “moule” sans verser dans la vulgarité et nous croque un personnage d’amoureux transi pêchant “dans les eaux troubles de l’incommunicabilité “ : ceci sur une belle mélodie comme on en trouve souvent chez ce compositeur). Ricet Barrier va d’ailleurs généralement chercher dans les rythmes des années vingt une couleur musicale qui accentue le charme rétro de ses chansons. Et puis on extraira du lot Les spermatozoïdes (une métaphore du monde impitoyable qui est le nôtre) et On t’enterrera olé ! (une réjouissante profession de foi) : ceci pour rappeler opportunément que ce chanteur n’est pas seulement un amuseur.


RICHEPIN (Jean)

Georges Brassens, aux deux extrémités de sa carrière (Philistins, puis quinze ans plus tard Les oiseaux de passage : “Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux “) mettra en musique ce poète plutôt oublié. Il s’agit du Richepin “anar”, et non de celui qui vers la fin de sa vie entre à l’Académie française, puis devient l’un des chantres de la boucherie de 14 / 18.


RIFFARD (Roger)

Roger Riffard est l’un des “grands oubliés” de la chanson française des années soixante. Un premier 45 t (en 1959) permet de découvrir un curieux chanteur (et auteur-compositeur) à la voix haut perchée, de fausset presque. Suivront deux autres 45 t, puis un 25 cm en 1963. Et puis c’est tout. Ce dilettante préférera au plus fort de la vague yé yé abandonner la chanson pour une carrière de second rôle au cinéma. Peu de titres donc figurent au répertoire de Roger Riffard mais l’univers de ce chanteur n’en est pas moins singulier : entre une poésie raffinée, volontiers bucolique (Les pâquerettes, A la cambrousse : “Compte bonhomme / Sur tes dix doigts / Les jours qui rigolent / Et les jours qui merdoient “) et une drôlerie (Des Jules et des Étienne, La java du solitaire) qui peut être hilarante avec Mam’zelle grand Flafla. On ne saurait oublier le libertaire : en pointillé (Mon copain d’Espagne) ou affichant son inclination pour la paresse et le vagabondage (La petite maison : “Pour jouir d’un certain confort / Orner sa vie d’une douce mort / Il faudrait beaucoup travailler / Moi j’ai pas pu m’y habituer “).

Marcel Maréchal a très justement évoqué chez Riffard “une cadence précise, au verbe recherché” (on précise également, à l’exemple d’un Boby Lapointe, que textes et musiques forment un tout parfaitement cohérent). La chanson la plus connue de Roger Riffard, Timoléon le jardinier (reprise par Michèle Arnaud, Denise Benoit, Julos Beaucarne), l’!illustre particulièrement. Cette délicieuse saynète libertine, alternant mode majeur et mineur selon l’interlocutrice (une mère et sa fille), débute ainsi : “Clara ma fille d’où rapportez vous / Tant de brindilles dans vos cheveux fous / Par quelle sorte d’horloge trompée / N’êtes vous rentrée qu’à la nuit tombée “. Une merveille de quatrain “musiquée” comme un mécanisme d’horlogerie.

Roger Riffard nous quitta un 29 octobre 1981, deux heures avant son ami Georges Brassens (qui l’avait encouragé à ses débuts, et le “programmait” souvent en première partie de ses concerts) ! Anne Sylvestre, qui a bien connu Riffard, l’évoque joliment : “Parti en lever de rideau”. Et dire qu’un ouvrage “de référence” a supprimé l’entrée Roger Riffard dans sa dernière édition : misère !


RIMBAUD (Arthur)

Léo Ferré, une première fois adapte Rimbaud en 1964 (dans un double album, également consacré à Verlaine), à coté de Chanson de la plus haute tour et autres Corbeaux, Ferré chante Rimbaud avec la force et la violence que réclament les textes : Les assis et une exceptionnelle Les poètes de sept ans. Il y reviendra vingt ans plus tard avec une version jubilatoire du Bateau ivre, puis dans ses derniers disques (On est heureux quand on a dix-sept ans, La maline), avant de signer l’adaptation de “Une saison en enfer”, son tout dernier album.


RITA MITSOUKO (Les)

Le succès rencontré par l’une des chansons de leur premier disque (Marcia Baïla) attire l’attention sur ce duo déjanté, décalé dans le monde du rock, et jouant sur le second degré (couple dans la vie, Catherine Ringer et Fred Chichin écrivent leurs chansons : à elle les textes, à lui les musiques). L’album suivant (“The No Comprendo, sorti en 1986), est à la hauteur de l’attente que suscite alors le groupe. Des titres tels que Les histoires d’A, Andy, Nuit d’ivresse, et surtout C’est comme ça popularisent ce disque (le clip de Jean-Baptiste Mondino sur C’est comme ça n’étant pas étranger à cet engouement).

L’album suivant (1988), “Marc et Robert”, étonne. On peut se demander si les Rita Mitsouko prennent à contre-pied le public ayant fait le succès de “The No Comprendo” ou si leur évolution musicale vers plus d’expérimentation et de sophistication se révèle somme toute logique (en en exceptant deux titres oubliables écrits et composés par Ron et Russel Mael). Coté réussite on signale Mondolino city et Le petit train. Le disque “Système D” marche sur ces brisées. Une chanson se détache, Y’a d’la haine (“On n’a pas que de l’amour, ça non / On n’a pas que de l’amour à revendre, ça oui ! Y’a d’la haine ). Un dernier album (“Cool Frénésie”), plus accessible, ne change pas véritablement la donne.

Ces cinq albums appartiennent-ils au rock ou à la chanson ? Les Rita Mitsouko à qui l’on promettait une carrière indexée en quelque sorte sur le succès de “The No Comprendo” ont pu dans une certaine mesure décevoir le public ayant plébiscité Marcia Baïla, C’est comme ça, Les histoires d’A et autre Andy. Mais n’était-ce pas la meilleure façon pour les Rita Mitsouko de se préserver en quelque sorte des pièges et des mirages du show business ? La question reste posée.


RIVAT (Jean-Michel)

Ce parolier (Siffle siffle ma fille, chantée par Marie Laforêt) rencontre en 1967 un autre auteur, Franck Thomas. Les deux compères vont écrire pour Joe Dassin (Siffler sur la colline, Les Daltons, La bande à Bonnot), Claude François (C’est la même chanson, Le lundi au soleil, Le chanteur malheureux), France Gall (Bébé requin), Hugues Auffray (des jonquilles aux derniers lilas), Sylvie Vartan (Deux minutes trente-cinq de bonheur), Stone et Charden (L’aventura, Il y a du soleil en France). Après la séparation des duettistes Jean-Michel Rivat écrira pour Michel Delpech (Les fiancés, Le Loir-et-Cher).


RIVERS (Dick)

Parfois moqué, quelquefois traité de ringard ou de has-been, Dick Rivers ne mérite pas un tel traitement. En première ligne durant la période yè yè (avec les Chats sauvages, puis Baby John, Tu n’es plus là, Rien que toi, Va t’en va t’en, en solo) la carrière de Dick Rivers subira ensuite des éclipses (une constance rock et country maintiennent cependant l’interprète à flot). On pardonne tout à Dick Rivers exceptée sa collaboration avec Didier Barbevilien dans les années 80.


RIVGAUCHE (Michel)

Son nom reste associé à celui d’Édith Piaf pour qui il écrivit les textes de Les blouses blanches et La foule (l’adaptation particulièrement réussie d’une chanson sud-américaine). Michel Rivgauche est également l’auteur de Ça c’est d’la musique et Parlez moi de lui (pour respectivement Colette Renard et Dalida).


RIVIÈRE (Jean-Max)

Auteur indissolublement lié à Gérard Bourgeois (le compositeur) dans les années soixante. Le duo écrit pour Brigitte Bardot La Madrague : du sur mesure ! (mais aussi C’est rigolo, Moi je joue). A la même époque Juliette Gréco chante Un petit poisson un petit oiseau, J’ai le cœur aussi grand, L’horoscope des deux mêmes. Ajoutons pour faire bonne mesure Mathias (Gribouille), El Cordobez (Dalida), L’amitié (Françoise Hardy), Il suffirait de presque rien (Serge Reggiani). Au détour des années soixante-dix Jean-Max Rivière se sépare de Gérard Bourgeois. Il participe à l’écriture des textes de la comédie musicale “La Révolution française”, puis écrit pour François Valéry, Monty, Carlos : les sixties sont bien loin !


ROBRECHT (Éric)

L’absence d’Éric Robrecht dans les dictionnaires, encyclopédies ou ouvrages divers consacrés à la chanson parait symptomatique d’un phénomène d’occultation qui s’explique autant par la frilosité, la surdité et les préjugés d’une certaine critique, que par la carrière, certes en dehors des sentiers battus, de ce chanteur et auteur-compositeur. Que l’on ne nous fasse pas le coup d’une rive gauche ringarde, focalisée sur les paroles et dépourvue de musicalité parce que le premier 33 tour d’Éric Robrecht étonne et détonne à la fois sur les plans textuel et musical. Les arrangements de Jean-Claude Pelletier, aidés par les musiques de Robrecht, cultivent parfois un coté Léonard Bernstein (L’illuminé, Le bruit et la fureur) sans équivalent dans la chanson de l’époque. Dans ce disque, sorti juste avant mai 68, les textes sont plus révoltés qu’à proprement parler révolutionnaires : Trente ans (une indignation sur le mode ferréen de la récurrente compromission), N’importe quoi (parodie d’une chanson de Dutronc), Push button (chanson d’une rare violence sur la bombe et le monde qui permet son existence). Ces titres étant bien entendus censurés. On entendit cependant Et remettez nous ça (sur un texte nostalgique de Bernard Dimey) qui connut alors un succès d’estime.

Plus apaisé, le second 33 tour d’Éric Robrecht (sorti fin 1968) comporte d’autres chansons écrites par Dimey et Robrecht (dont L’oiseleur). Suivront deux 45 tours, et puis c’est tout. Ensuite Éric Robrecht devient le pianiste et compositeur attitré de Jean-René Caussimon. On lui doit les musiques de Les cœurs purs, Musique légère, Il fait soleil, parmi la quarantaine de compositions écrites pour Caussimon.


RODA-GIL (Étienne)

On ne peut s’empêcher de penser que Roda-Gil a dans un second temps gâché ou dilapidé une partie de son talent en écrivant pour des Hallyday, Paradis et consort. Cet anar, fils d’un réfugié espagnol, s’était fait remarquer à la fin des années soixante comme parolier de plusieurs des premières chansons de Julien Clerc. Et il était doué, Roda-Gil : il suffit d’écouter ou de réécouter La cavalerie, Le caravanier, et plus encore Le cœur volcan et La veuve de Joe Stan Murray pour s’en faire quelque idée. Des “mauvaises langues” prétendaient d’ailleurs que Julien Clerc ne comprenait pas toujours les textes, plutôt de facture surréaliste, de son parolier. Ensuite Roda-Gil écrira pour Mort Shumann (de la bonne confection). De ce qui suivra nous en avons déjà dit un mot.


Roman (Jacques Bertin)

Comment faire partie de l’humanité ? Jacques Bertin tente d’y répondre tout au long d’une chanson qui revient sur certains épisodes historiques (les maquis du Vercors, Chateaubriant, les ravins de l’Algérie, le métro Charonne) ; qui se réfère au “chant faible d’aujourd’hui “ de Billancourt, Prague et Madrid ; qui s’attarde sur les mots pour dire l’innommable ; qui insiste sur “l’incessant combat à mener “. Oui, comment faire partie de l’humanité quand on se tient “devant l’histoire comme le pleur arrêté d’un enfant “. Un petit “roman” pour une grande chanson.


Rose blanche (Aristide Bruant)

Également appelée Rue Saint-Vincent, cette chanson raconte la tragique histoire de Rose, la petite prostituée qui “sentait bon la fleur nouvelle “, assassinée par Jules le souteneur (“qu’était si caressant “). Rose blanche fait resurgir la Butte Montmartre de la fin du XIXe siècle. Nous découvrons un Bruant inattendu, plein de compassion pour son héroïne, nous gratifiant d’une chanson que le cabaret de l’après Seconde guerre mondiale fera connaître à un nouveau public. Un Bruant à qui l’on pourrait adresser ici quelque équivalent à ce “Ose ma belle, tu as ton talent et ton cœur qui saigne”, qu’il prodiguait jadis à Yvette Guilbert.


ROSSI (Tino)

Malgré la présence au répertoire de Tino Rossi de quelques unes des compositions les plus célèbres de Vincent Scotto (Vieni vieni, Marinela, Tant qu’il y aura des étoiles, Tchi tchi) l’engouement - pour ne pas dire plus ! - qui s’empare du public, surtout féminin, vers le milieu des années trente étonne aujourd’hui. Le cinéma il est vrai amplifiait l’écho d’un Tino Rossi souverain dans le domaine du microsillon (la plus grosse vente de l’époque) ou sur les ondes des radios (les témoignages d’auditeurs écoutant “religieusement” Tino Rossi lors du passage de l’une ou l’autre de ses chansons ne manquent pas). La donne était en train de changer. Et la preuve faite que l’on pouvait dans ce nouveau contexte se retrouver tout en haut de l’échelle bien que privé de tout charisme sur une scène de music-hall.

Comme nombre de ses confrères, la guerre représente une période de transition pour Tino Rossi. En 1946 l’énorme succès de Petit papa Noël relance la machine. Tino Rossi va rester très populaire tout en gérant sa carrière en bon père de famille. C’est le temps des adaptations de Schubert, Gounod, Bizet, Mozart, des reprises de Paul Delmet ou du répertoire des chansons de Noël. D’aucuns affirmaient même que Tino Rossi chantait de mieux en mieux ! Le mythe prenait le pas sur la réalité.


Rosy and John (Maurice Vidalin - Gilbert Bécaud)

Rosy and John ou l’art de raconter une histoire quand la chanson pouvait encore se permettre de décrire sous cette forme narrative les “retrouvailles” d’un couple d’artistes que la vie (“mais la vie... mais la vie... “) a séparé. Le tragique affleure derrière la façon dont le personnage masculin fait mousser une vie plutôt médiocre. L’interprétation de Bécaud est tout simplement prodigieuse (il faut l’entendre chanter : “Ce qu’il est rigolo, l’salaud ! “). Et elle gagnait à être entendue en public : le pas de danse que Bécaud esquissait sous les projecteurs prenait la forme d’un hommage aux saltimbanques.


ROUZAUD (René)

L’un des meilleurs paroliers des années quarante, cinquante et soixante. La goualante du pauvre Jean (une incontestable réussite) fait partie du lot de chansons que René Rouzaud écrivit pour Édith Piaf. Une qualité que l’on retrouve avec Un enfant de la balle (Eddie Constantine), La fête à Loulou (Yves Montand), Quand c’est fini ça recommence (Léo Ferré) ou Cherche la rose (Henri Salvador).


Rue de Lappe (Francis Lemarque - Revil)

Francis Lemarque nous trousse une Rue de Lappe sur un air de java (“Tous les samedis soirs on allait comm’ ça / Dans un bal musette pour danser comm’ ça “). On y apprend au passage que “Les frappes étaient chez eux / Rue de Lappe, rue de Lappe, en ce temps là “. C’’était alors le temps de la Bastoche, une époque qui semble à des années lumières du quartier “branché” d’aujourd’hui. Auparavant déjà, dans les années trente, Léon Paul Fargue ne retrouvait plus sa rue de Lappe : à savoir “cette puanteur noble et ces sourires de pègre sentimentale qui honorent encore aujourd’hui Marseille ou Hambourg”.