V
Valse jaune (Boris Vian - Marguerite Monnot)
Lorsque le parolier le plus doué de sa génération, Boris Vian, rencontre l’incomparable compositrice, la grande Marguerite Monnot, cela donne Valse jaune. Mais qui donc “danse une valse jaune ” ? C’est le soleil. Ceci de l’autre côté de la terre : “moi j’ai la nuit dans la poche / et la lune qui accroche / de l’ombre au coin des toits “. Et quand il revient le soleil ? : “Moi j’aime pas l’travail mais j’aime bien la vie “. Que faire alors lorsque “la rue se remplit de travail et de bruit “ ? Mais se mettre au lit, tout simplement. La morale de cette histoire n’aurait pas déplu à Paul Lafargue. Et nul n’était plus indiqué que Mouloudji pour créer cette chanson.
VANDAIR (Maurice)
Qui sait que Où sont tous mes amants ? et La belle de Cadix ont été écrites par le même auteur, Maurice Vandair ? Autre grand écart : l’ambiguë Chanson du maçon (avec sa tonalité pétainiste) et Fleur de Paris (chanson qui plus que d’autres évoque le Paris de la Libération). Maurice Vandair a été l’un des principaux paroliers de Maurice Chevalier durant l’Occupation (La marche de Ménilmontant, La fête à Neu Neu...). Il est également l’auteur de Tel qu’il est, Dans les plaines du Far West, Ma ritournelle. Après la guerre (dans la continuité de La belle de Cadix), Vandair va sacrifier à l’exotisme ambiant avec La guitare à Chiquita et autre Régiment des mandolines. Un parolier pour le moins éclectique !
VANDER (Maurice)
Ce pianiste de jazz est indissolublement lié à Claude Nougaro depuis 1964. Son nom figure sur plus de la moitié des disques du chanteur toulousain. Vander a composé de nombreuses musiques pour Nougaro (souvent en collaboration avec ce dernier), et signé autant d’arrangements musicaux. On citera ici, parmi tant de réussites, l’exceptionnelle orchestration de Rue Saint-Denis.
VANDERLOVE (Anne)
Un premier disque (Ballade en novembre) propulse Anne Vanderlove parmi les espoirs de la chanson française. Mais cette chanteuse d’origine hollandaise n’est pas Anne Sylvestre (à qui elle a été dans ses débuts comparée), ni même l’équivalent hexagonal d’une Joan Baez (Quand Vietnam s’appelait Indochine, Liberté Libertad Fredom) : elle se contente d’être tout simplement Anne Vanderlove (Les marins du petit jour). Ce qui n’est déjà pas si mal. N’en déplaise à ceux qui après avoir taillé un costume un peu trop grand pour la chanteuse l’ont ensuite jugé peu seyant et démodé.
VAN MOPPÈS (Maurice)
Dés décembre 1940, l’illustrateur Maurice Van Moppès fait entendre sur les ondes de Radio-Londres des versions détournées de refrains connus de tous : par exemple Complainte d’une occupée sur l’air de Y’en a marre (“Du soir au matin / Voir les fridolins / Moi j’en ai marre “), ou en 1942 Et boum ! (“C’est en Allemagne que, Boum ! / Hambourg, Berlin font Boum ! / C’est la RAF qui passe ! “), ou encore l’année suivante une savoureuse parodie de Tout va très bien (“Mais à part ça, mon vénéré Führer / Tout va très bien, tout va très bien “).
VANNIER (Jean-Claude)
Arrangeur très demandé durant les années 70 et 80, Jean-Claude Vannier s’était fait connaître en orchestrant l’album “Brigitte Fontaine est folle”. Ces arrangements tranchaient par leur aspect insolite avec la production courante de l’époque. Également compositeur (et parolier à l’occasion), Vannier est l’auteur de Super Nana (chantée par Michel Jonasz). Deux noms principalement doivent être associés à Jean-Claude Vannier : ceux de Serge Gainsbourg et Claude Nougaro. Pour le premier Vannier a écrit l’orchestration du disque “Histoire de Mélody Nelson” qui doit beaucoup à la réussite du disque. Avec Nougaro il s’agit d’un compagnonnage de longue date, initié en 1971 par la chanson Un grain de folie (Vannier écrit la musique et l’orchestration) qui se poursuivra par intermittence jusqu’aux années 90 (le point d’orgue étant le monologue Plume d’ange, où Vannier signe la musique et les arrangements musicaux). En revanche le Jean-Claude Vannier chanteur est resté confidentiel.
VAN PARYS (Georges)
Un compositeur de musiques de films aussi demandé que Georges Van Parys devait immanquablement rencontrer la chanson durant les trois premières décennies du parlant, quand celle-ci avait encore toute sa place dans la production cinématographique. Relevons dans cette liste C’est un mauvais garçon, Y’a toujours un passage à niveau, Comme de bien entendu, Sans lendemain, avant la Seconde guerre mondiale, et La complainte des infidèles, Un jour tu verras, La complainte de la Butte, Si tous les gars du monde, après la guerre. Van Parys, qui commença sa longue carrière comme pianiste accompagnateur (entre autres de la très expressive Yvonne George), composa en dehors du cinéma des chansons pour des interprètes de genres très différents (La chanson des fortifs, Ça s’est passé un dimanche, Ça fait d’excellents français). Outre les qualités mélodiques de la plupart de ces chansons, certaines d’entre elles ont été composées sur des textes de qualité (de Vaucaire, Rim, Mouloudji, Renoir).
VAREL ET BAILLY
Portés disparus en ce début de XXIe siècle, ces duettistes (auteurs-compositeurs et interprètes de “chansons traditionnelles”) ont également écrits pour Joséphine Baker et Édith Piaf (L’orgue des amoureux chantée par la seconde, sur un texte de Francis Carco). Dans les années cinquante, le groupe vocal “Les garçon de Paris” vient renforcer le duo pour constituer la Compagnie Varel et Bailly. Ces ambassadeurs de la chanson française dans toute sa diversité ont principalement fait carrière aux États-Unis.
VARTAN (Sylvie)
Révélée en 1961 par un duo avec Frankie Jordan (Panne d’essence), Sylvie Vartan devient rapidement une icône yé yé (Tous mes copains, Si je chante, La plus belle pour aller danser, 2 minutes 35 de bonheur, Comme un garçon, La Maritza). Avec On a toutes besoin d’un homme son répertoire évolue à la fin des années 60 vers un style de chansons plus de type variété traditionnelle. De là une reconversion comme “chanteuse de revue” (à la mode du temps) avec les indispensables relais promotionnels des émissions de variétés télévisées.
VASCA (Jean)
Élevons la voix pour dire que Jean Vasca n’a pas la place que son œuvre - l’une des plus exigeantes du dernier tiers de siècle - réclame et mériterait. L’absence de Vasca, durant cette même période, de la programmation des radios est scandaleuse quand on la met en parallèle avec les nombreux articles, dans la presse spécialisée et même ailleurs, consacrés à Jean Vasca lors de la parution de l’un ou l’autre de ses disques, sans parler de la moisson de prix Charles Cros et consort récoltés par l’intéressé. Cette dernière donnée ayant pu accréditer l’idée que Vasca serait un “chanteur intellectuel” : une terminologie pour le moins absurde si l’on entend, pour l’expliciter, évoquer la qualité poétique de ce répertoire.
Après deux disques confidentiels, Jean Vasca se fait connaître en 1967 avec l’album “L’ange exterminateur”. Il y a là un ton et un climat musical susceptible d’évoquer la “rive gauche”. Mais quelque chose en plus, proche du surréalisme, entraîne Vasca vers d’autres rivages, moins explorés. On apprend que l’auteur est de tous les voyages (Voyager). Et l’on voyage sans billet avec un tel pilote : il suffit d’apporter sa disponibilité et son goût de la poésie. Dans cet “Ange exterminateur” la voix manque parfois de fermeté. Une restriction, tout comme les réserves portant sur l’accompagnement musical, qui va se trouver balayée lors de la sortie de l’album suivant, trois ans plus tard.
Celui-ci, “Vivre en flèche” (avec Vivre en flèche comme vigie), reste à ce jour le “disque phare” de Jean Vasca. Cet album n’a pas pris une ride, contrairement aux disques de la période suivante, d’une facture musicale pourtant plus “moderne”. Le voyage entamé dans le disque précédent se poursuit avec Voyage au bout de la ville : une ville hallucinée jusqu’à l’éclaircie du dernier couplet (“Au loin la saison tremble et mêle à nos sueurs / ses rêves ses rosées dans les années lumières “). Clin d’oeil à Rimbaud : Corbeaux (“Il y a quelque chose dans l’air / Qui nous désamorce de vivre “ : Vasca habite le cri comme d’autres une demeure, c’est la leçon de Corbeaux). Plus apaisé : Nous n’aurons de château (ou le château comme métaphore, c’est à dire “l’englouti “, “le lointain “, “la solitude “), avec cette promesse : “Nous n’aurons de châteaux qu’au-delà de nous mêmes “. Dans la superbe Naître l’image poétique devient fulgurance pour exprimer l’altière révolte du texte (“Un épis réfractaire lève en nous son blé noir “). Une telle chanson aide à vivre : “Un soleil inconnu / Un jour nous fera naître “, n’est ce pas. L’écarlate et l’outremer (“Écarlate / C’est une fièvre à brûler l’ombre et l’effigie / Outremer / C’est l’arbre à musique où mes rossignols font leurs nids “) permet d’évoquer le travail de Barthelemy Rosso, l’arrangeur du disque (qui lui doit beaucoup) particulièrement inspiré sur dans cette chanson. Même chose pour Prière (sur un poème d’Antonin Artaud) : une guitare électrique au premier plan parait vouloir disputer aux mots le vertige de l’hallucination. On y entend (presque) la voix d’Artaud.
L’album qui suit (“Un chant”) continue de creuser ce sillon, un ton en dessous cependant. Seule la chanson-titre peut être comparée aux meilleures chansons du disque précédent. Un an plus tard, le solaire “Midi” témoigne d’une belle santé musicale. L’arrangeur Michel Devy en porte la responsabilité (on remarque, en particulier sur Midi, le violon de Jean-Yves Rigaud). Cette évolution va s’accentuer avec les albums sortis durant la seconde partie des années soixante-dix (tous arrangés par Michel Devy). Ce soleil qui “avance à pas d’incendie “ contamine plus les musiques qu’il n’irradie les textes. Vasca fait alors du Vasca, et l’on perd quelque peu le “soleil noir “ de “Vivre en flèche”. La première partie des années 80 n’apportera sous cet angle rien de nouveau.
Il faut attendre le disque paru en 1994, “L’atelier de l’été”, pour relever un changement de cap. Cet album, le meilleur de Jean Vasca depuis “Vivre en flèche”, porte en creux l’écho d’une disparition, celle de Léo Ferré (“Léo s’en va / Chanson sans voix / La scène vide / Le cœur se vide “). Cet “Atelier de l’été”, et le disque suivant, “En attendant les orages”, s’inscrivent tous deux plus qu’auparavant dans un registre classique : à l’instar de J’avance j’avance, Ici, du vague à l’âme de Un verre de bues (“Un spleen opaque / La tête dans l’sac / Un blues pour rien / Demain les chiens“), pour le premier album ; de Rêver à l’ombre des treilles, du symphonique Épitaphe (nous recommandons aux “sourds” qui font la fine bouche devant le “Vasca musical” d’écouter attentivement le morceau orchestral conclusif de cette chanson), pour le second. Plus surprenant, plusieurs chansons traitent de sujets politiques ou davantage liées à l’actualité) : Sauf qui peut sauf qui veut d’abord, La petite bébête et Les moules (“Allô lobbies lubie d’Ubu / R’cuisinez moi le cuit du cru / Vite la cuvette là j’vire au vert / Vos champignons m’restent en travers “) ensuite. Avec cette dernière chanson on découvre un Vasca que l’on attendait pas et qui surprend agréablement. Jean Vasca nous administre la preuve que l’on peut atteindre sa cible dans le domaine “politique” sans pour autant faire de concessions sur le style.
Les deux albums qui suivent creusent les mêmes sillons. Dans le premier, “La machine imprévisible”, la chanson titre, ainsi que Montreurs de mots crocheurs d’images, Comme qui dirait, Étrange affaire et Tenter ô tenter de vivre rendent compte de l’étendue du registre de Vasca. Plus en retrait, “Le fou sacré” n’en contient pas moins la chanson qui pourrait résumer l’itinéraire, la démarche et l’exigence de ce chanteur “pas tout à fait comme les autres”. Le siècle se ferme avec Ceux qui n’ont jamais trahi pour Jean Vasca : on apprécie la manière (“Ceux qui sont dans l’axe du chant / Toujours du poème vivant / Les fidèles qui restent debout / Qui résistent encore malgré tout / A colmater toutes les fissures / D’un rêve qui a la vie dure / Compagnons d’une rive à l’autre / Que cette chanson soit la votre / Je veux saluer ici / Ceux qui n’ont jamais trahi “).
VASSILIU (Pierre)
On repérerait quatre Vassiliu. Et peut-être plus avec ce drôle de chanteur dont la carrière ne manque pas d’étonner. Le “premier Vassiliu”, le plus reconnaissable, s’inscrit délibérément dans le genre comique. La chanson Armand (“C’était un pauv’ gars / Qui s’app’ lait Armand / Y n’avait pas d’papa / Y n’avait pas d’maman “) le révèle en 1963. Pierre Vassiliu durant les années 60 va explorer différents registres comiques : le détournement de comptine (Ronde enfantine), le jeu de mot salace (Ma cousine, La pipe à papa), l’antimilitarisme (La femme du sergent : “Aussi le soir fallait le voir parler d’l’Indo et d’la Corée / J’étais dans les rizières j’avais deux hommes à moi / L’un tenant la bannière l’autre me tenant moi “), et aussi Alain Aline, Georgette, Eugène, Ta ta tar. Quand la truculence, la paillardise et l’humour potache de ces années là s’accompagnent d’un certain non sens cela donne La Charlotte. L’adjectif “cocasse” vient naturellement sous la plume avec quelque chose en plus du coté de la singularité d’un auteur qui est mieux qu’un amuseur. Et puis une chanson où l’on “vend des nouilles à la sauvette “ et “fait des études sur le nougat “ ne peut pas être complètement mauvaise. De temps à autre, cependant, Vassiliu quitte ce genre comique : citons la nostalgique Adieu mon théâtre et ce petit chef d’oeuvre : A marée haute.
Le premier album du chanteur (1970) est en totale rupture avec la série des 45 tours précédents. Amour amitié (“Amour amitié / Je ne sais pas si par dépit ou par pitié / Je franchirais cet océan / Qui va de l’ami à l’amant “ ) donne le ton dans un registre grave et tendre. C’est également le cas de A toi Marie : une “déclaration” emprunte de tendresse. Ensuite Pierre Vassiliu rencontre le grand public avec le succès inattendu de Qui c’est celui là. Dans la foulée (1974) l’album qui suit représente une “troisième manière” du chanteur, autant sur le plan musical qu’à travers les thématiques des chansons. Vassiliu y donne à voir et à entendre une chronique de l’époque (J’ai trouvé un journal dans le hall de l’aéroport, Film), y compris en relatant un quotidien implicitement post soixante-huitard (Marie en Provence, Dans ma maison d’amour). Enfin un dernier Vassiliu va chercher son inspiration en Afrique, voire du coté de l’Amérique latine. Une telle pulsion voyageuse inspire la sympathie mais n’est pas sans donner le tournis. Que de chemins parcourus depuis Armand !
VAUCAIRE (Cora)
Cora Vaucaire est l’une des meilleures interprètes du corpus de chansons écrites au lendemain de la Seconde guerre mondiale, puis durant les années cinquante, et devenues au fil des ans des classiques. L’intimité du cabaret ou encore celle des petites salles mettait en valeur l’interprétation à la fois sensible et nuancée de la chanteuse, tout comme son intelligence du texte. La discrétion plus ou moins cultivée par Cora Vaucaire l’a empêchée de jouer les premiers rôles, mais le public qui la suivait ne manquait pas les rendez-vous que lui donnait la chanteuse. Cora Vaucaire aura connu au moins une fois dans sa carrière le succès : avec Trois petites notes de musique. On regrette que des chansons de la qualité de Frédé (une évocation nostalgique du Montmartre du début du siècle) : “On chantait la nuit entière / Et l’on buvait pas mal aussi / La vie nous semblait moins amère / Et Fredo nous faisait crédit “) et de Jardins de Paris (“Les jardins de Paris / Sont remplis de gazon et de fleurs défendues / Et d’enfants qui s’ennuient / a l’ombre des statues “), toutes deux créées par Cora Vaucaire sur des textes de son mari Michel Vaucaire, n’aient pas connu le même sort.
VAUCAIRE (Michel)
L’un des paroliers les plus talentueux de la période 1935-1965. Michel Vaucaire commence à écrire pour Jean Sablon (La chanson des rues), Gilles et Julien (Hommes 40... chevaux 8), Frehel (Sans lendemain). Après la guerre Vaucaire écrira pour les Frères Jacques (A la Saint-Médard), Colette Renard (Envoie la musique), et bien évidemment son épouse Cora (Frédé, Jardins de Paris). Il fut également l’un des paroliers d’Édith Piaf (Mon dieu, et l’illustrissime Non je ne regrette rien).
VENTURA (Ray)
A des titres divers l’orchestre de Ray Ventura (et ses collégiens) participe au renouveau de la chanson française durant les années trente. Ray Ventura sait s’entourer de collaborateurs qui, chacun dans sa spécialité, apportent ce quelque chose en plus relevant de la “modernité” du moment. Paul Misraki en premier lieu, le pianiste de l’orchestre compose pour la formation des mélodies qui n’ont pas vieilli. Avec André Hornez, le parolier attitré, Mistraki écrit Tout va très bien Madame la marquise, Ça vaut mieux que d’attraper la scarlatine, Comme tout le monde, Qu’est ce qu’on attend pour être heureux, Tiens tiens : des chansons qui captent un air du temps invariablement branché sur la bonne humeur. Cet “optimisme” trouvant ses limites en 1939 avec On ira pendre notre linge sur la ligne Siegfried. On sait ce qu’il en advint.
Ray Ventura et ses collégiens s’expatrient en Amérique du sud durant l’Occupation. Ils reviennent en France à la Libération avec Maria de Bahia. D’autres succès suivront (A la mi-août, Insensiblement), plus rares cependant que dans les années trente. Le style de l’orchestre de Ray Ventura est moins en phase avec cette période de l’après guerre. Son animateur mettra un point final à cette aventure collective au début des années cinquante.
VERDIER (Joan Pau)
Principal représentant (avec Claude Marti) de cette chanson occitane apparue au détour des années 70, Joan Pau Verdier se situe dans une filiation libertaire (le Ni dieu ni maître de Léo Ferré devient en occitan Ni diu ni mestre). Verdier écrit et chante en occitan, mais aussi en français. D’où certains reproches, et cette réponse de Gui Maslobier : “Lorsque Joan Pau Verdier chante en français, c’est pour mieux montrer que la lutte du peuple d’Oc n’est que partie de la grande lutte de l’homme contre l’oppression”.
VERLAINE (Paul)
Verlaine a fait l’objet de nombreuses adaptation dans le siècle : Damia (Le ciel est par dessus le toit), Trenet (Verlaine, “Chanson d’automne”), Brassens (Colombine), Moustaki (Gaspard), parmi d’autres. Une fois de plus on citera pour la bonne bouche Léo Ferré (son double album Verlaine / Rimbaud de 1964, avec en particulier Il patinait, Mon rêve familier, Les pensionnaires, Je vous vois encore). Et surtout Âme te souvient-il. D’emblée le ton est donné au piano par une ritournelle qui reviendra après chaque couplet. Cela tient du vertige d’entendre pareille illustration du climat nostalgique et mélancolique du poème. Comme si la musique avait précédé le texte. Une merveille !
VERLOR (Gaby)
Trois interprètes, principalement, marquent la carrière de la compositrice Gaby Verlor. A la fin des années cinquante Bourvil chante Ma petite chanson et Mon frère d’Angleterre (sur des paroles de Robert Nyel), durant la décennie suivante Juliette Gréco interprète C’était bien, Marions les, Déshabillez moi (toujours sur des textes de Nyel), et dans les années soixante dix Gaby Verlor devient l’une des compositrices (avec Cris Carol) de Mouloudji.
VIAN (Boris)
Devant le maigre écho que rencontre alors son œuvre littéraire, Boris Vian va se consacrer presque exclusivement à la chanson. Cependant on ne peut qu’être impressionné par l’épaisseur du volume regroupant les textes des chansons écrites par l’auteur de L’écume des jours. Même en ne conservant que ceux qui reçurent une musique (de Jimmy Walter, Alain Goraguer, Henri Salvador) on reste confondu devant l’importance d’une production aussi limitée dans le temps (Vian n’écrivit des chansons qu’à partir de 1954 et ceci jusqu’à sa mort, en juin 1959). On ne dira pas que ces chansons relevant de genres très différents sont de “qualité diverse” si l’on sait que Vian revendiquait le droit d’écrire des chansons idiotes. Sans toujours obtenir le résultat voulu contrairement à la grande majorité de ceux qui ne revendiqueraient rien de tel. Parallèlement à cette activité de parolier Boris Vian exerçait les fonctions de directeur artistique chez Philips. Ceci et cela lui donnant l’occasion d’écrire le fameux “En avant la zizique... et par ici les gros sous” (paru du vivant de l’auteur), “réquisitoire impitoyable contre les auteurs de chansons ineptes, les plagiaires éhontés, les producteurs lâches ou malhonnêtes”, etc.). Dans la préface de ce livre Vian écrit ces lignes, fondamentales : “La chanson, disons le tout de suite, n’a rien d’un art mineur. Le mineur ne chante pas en travaillant, et Walt Disney l’a bien compris, qui faisait siffler ses nains”
Boris Vian a été bien servi par ses interprètes : en premier lieu Henri Salvador (Oh ! si y’avait pas ton père, Ça pince, Je ne peux pas travailler, Moi j’préfère la marche à pied, Le blues du dentiste, A Cannes cet été, Faut rigoler, Rock and roll mops), mais également Mouloudji (Allons z’enfants, Le déserteur, Valse jaune), Magali Noël (Fais moi mal Johnny), Renée Lebas, Philippe Clay, puis (après la mort de Boris Vian), Pauline Julien, Jacques Higelin, les Charlots, Serge Reggiani (Arthur, où t’as mis le corps, La vie c’est comme une dent, Quand j’aurai du vent dans mon crâne), parmi de très nombreux interprètes.
Boris Vian passe de l’écriture à la scène en 1955. Lui que l’on ne considère pas véritablement comme un chanteur (pas plus que l’intéressé) se produit à Paris aux Trois Baudets, puis fait la tournée des casinos en province (il sera persona non grata dans plusieurs villes de France en raison de la présence de la chanson Le déserteur dans son tour de chant). Cette même année Vian enregistre un disque comportant la plupart de ses “grandes chansons” (il ne manque à cette liste que Valse jaune, Allons z’enfants, L’âme slave). Ce 25 cm, devenu aujourd’hui un “classique” (sur la pochette du disque figure la fameuse Brasier), outre Le déserteur, comporte Le cinématographe, Je bois, La java des bombes atomiques, Le petit commerce, Bourrée de complexes. Ainsi que ces immortels chefs-d'oeuvre qui ont pour nom J’suis snob (l’idée de génie étant de nous présenter un snob qui affiche son snobisme), La complainte du progrès (dans les années 50, déjà, Boris Vian épinglait la future “société de consommation” : rien ne nous dit que ses contemporains aient pris pour “argent comptant” ce qui pouvait relever de l’insolite, de la science-fiction ou de l’humour propre à l’auteur), On est pas là pour se faire engueuler et Les joyeux bouchers.
VIDALIE (Albert)
On regrette que le romancier, nouvelliste, dramaturge, scénariste Albert Vidalie ne se soit pas davantage consacré à la chanson. Dans un premier temps il écrit pour Stephane Golmann (Actualité), Gréco (Complainte de Jack l’Éventreur), Morelli (Chanson canaille, La java mélancolique). Le meilleur reste cependant à venir. Albert Vidalie signe le texte des Loups (sur une musique de Louis Bessières) que Serge Reggiani popularise sur scène comme au disque. L’année suivante (1968) Vidalie collabore de nouveau avec Reggiani (Les affreux, et la somptueuse et méconnue La Dame de Bordeaux (sur une musique de Jacques Datin) : “J’eusse écrit d’amour comme on chante / Si je savais encore ce chant / Mais l’air s’en oublie quand il vente / Est-ce ma faute si l’autan / Et les bourrasques de printemps / Ne m’en ont laissé que l’andante “.
VIDALIN (Maurice)
L’un des paroliers “incontournable” de la seconde moitié du siècle. Le tandem qu’il forme avec le compositeur Jacques Datin vers le milieu des années 60 est autant un gage de succès que de qualité : Julie (Marcel Amont), Les boutons dorés (Jean-Jacques Debout), Zon zon zon, Tais toi Marseille (Colette Renard), Nous les amoureux (Jean-Claude Pascal). Leur collaboration cesse en 1961. Vidalin écrit alors pour la “génération yé yé” : Au revoir (Richard Anthony), Va pas prendre un tambour, Le temps des souvenirs (Françoise Hardy), Christianssen, Mes premières vrais vacances (France Gall). Durant les années 70 ’il travaille avec Michel Fugain (La fête, Les acadiens), Gérard Lenormand (Soldats ne tirez pas), et même Michel Sardou (Danton). L’essentiel pour Maurice Vidalin reste sa fructueuse collaboration avec Gilbert Bécaud. Bien qu’arrivé quelques années après Amade et Delanoé dans l’équipe du chanteur les textes de Vidalin s’intègrent parfaitement dans l’univers de Bécaud (et mettent en valeur les prestations scéniques de l’interprète). On retient de cette longue liste Le mur, Le bateau blanc, La grosse noce, Quand Jules est au violon, Le petit oiseau de toutes les couleurs, Les petites mad’moiselles, Les cerisiers sont blancs, Le vente aux enchères, L’indifférence, C’est en septembre, et ces deux petits bijoux, Plein soleil, Rosy and John.
La Vie d’artiste (Léo Ferré & Francis Claude - Léo Ferré)
Léo Ferré a enregistré trois fois La vie d’artiste. Cette chanson figure dans son premier 25 cm (1950). Elle sera de nouveau gravée dans la cire en 1969 (avec une orchestration de Jean-Michel Defaye). Enfin sur l’album “Les chansons d’amour de Léo Ferré” (1972) le chanteur la reprend en s’accompagnant au piano. Cette interprétation étonne autant qu’elle séduit. Ferré choisit ici de dire le texte. Cela accentue le dramatisme de La vie d’artiste et lui donne une force et une dimension que l’on trouvait plus difficilement dans les versions antérieures. Ceci en raison de l’interprétation de Léo Ferré, il va de soi, mais également pour son jeu pianistique, presque hallucinant à la fin de la chanson. Terriblement efficace en tout cas : transformant cette Vie d’artiste pas véritablement poétique en une tragédie que quelques accords de piano arrachent à la vacuité des mots.
La Vieille (Jean-Loup Dabadie - Jacques Datin)
Extraite du troisième album de Serge Reggiani, La vieille fait partie de ces chansons qui, un jour, sans crier gare, s’installent dans votre vie pour ne plus ensuite vous lâcher. Comment oublier pareille mélodie, l’une des plus grandes réussites de Jacques Datin. Et le texte de Dabadie sait doser l’émotion en dépit d’un sujet quelque peu mélodramatique. C’est peut-être cela après tout, cette retenue dans l’expression, qui nous fait aimer cette chanson.
VIGNEAULT (Gilles)
Il existe au moins quatre bonnes raisons de s’intéresser à Gilles Vigneault. D’abord il possède de l’énergie à revendre. Il faut avoir vu Vigneault interpréter La danse à Saint-Dilon en public pour savoir combien cette chanson s’avère contagieuse. Et elle dure le temps qu’il faut pour entraîner des esprits chagrins qui diraient ne pas comprendre toutes les paroles (à moins de leur faire oublier le peu qu’ils auraient retenu). En restant dans ce registre enlevé et dansant il parait difficile de faire l’impasse sur Tout le monde est malheureux. Car un interprète qui rit comme un bossu en chantant “tout l’monde est malheureux, tout l’temps “ met, comme dirait le philosophe, “de la gaieté dans le tragique”.
Secondement, Gilles Vigneault n’est pas étranger, loin de là, aux questions sociales. Il en en dit un mot (et plus) en racontant l’histoire de Jack Monoloy (“Jack Jack Jack Jack / Disaient les canards les perdrix / Et les sarcelles / Monoloy disait le vent / La Mariouche est pour un blanc “). Ou alors il a recours à la fable des Voyageurs. Cette chanson nous enseigne deux trois vérités essentielles sur “les gens d’en haut “, la chasse et la guerre : “Quand on voyage on apprend ça “ nous dit Vigneault. Il a mille fois raison. On ferait mieux d’écouter plus souvent les voyageurs. Et leur emprunter le pas, le cas échéant, pour déserter.
Troisièmement. Gilles Vigneault est un conteur. Un merveilleux conteur qui possède comme nul autre l’art de personnaliser animaux, arbres et rivières du Grand Nord (entre autres dans La Manikoutaï, la plus belle de ses chansons) ou de croquer quelques figures de personnages pittoresques : Gros-Pierre, Jean du Sud, Berlu, Zidor le prospecteur, Ti-cul la chance ou Jos Monferrand (“Le cul sur le bord du Cap Diamant / Les pieds dans l’eau du Saint-Laurent / J’ai passé un petit bout de temps / Avec le grand Jos Monferrand “).
Enfin Gilles Vigneault, dont on connaît l’engagement en faveur de la souveraineté du Québec, a su traduire de manière poétique le sentiment qui l’attache à son “pays”. En particulier dans sa “tétralogie” (Les gens de mon pays, Gens du pays, Il me reste un pays, et surtout Mon pays : “Mon pays ce n’est pas un pays c’est l’hiver / Mon jardin ce n’est pas un jardin c’est la plaine / Mon chemin ce n’est pas un chemin c’est la neige “.
VILARD (Hervé)
Deux tubes (leurs interprètes étant deux jeunes inconnus) marquèrent l’été 66 : Aline et Capri c’est fini. Christophe évoluera par la suite dans un registre pop music très personnel mais Hervé Vilard restera indissolublement lié à la chanson l’ayant fait connaître (malgré les Mourir et vivre, Pédro, Soyanara, ou encore Nous).
VILLON (François)
Villon n’a pas à rougir des musiques déposées au pied de ses vers : Brassens (La balade des dames du temps jadis), Bessières (La balade des pendus chantée par Reggiani), Ferré (la même revisitée sous le titre Frères humains) lui ont redonné des lettres de noblesse. Et Monique Morelli lui a consacré le plus beau de ses albums (mis en musique par Léonardi).
VINCENT (Roland)
Ce compositeur a écrit pour de nombreux interprètes, dont Mireille Mathieu, Nicole Croisille, Marcel Amont. On se souvient surtout du tandem qu’il a constitué durant quinze ans avec Michel Delpech (auteur et chanteur) pour qui il compose Chez Lorette, Inventaire 66, Whight is whight, Pour un flirt, Le Loir-et-Cher, parmi de nombreuses autres chansons. Roland Vincent a également composé pour le cinéma (en particulier les chansons du film “Femmes femmes” de Paul Vecchiali).
VINCI (Claude)
On a pu comparer Claude Vinci à Jean Ferrat pour une proximité de style et de répertoire. Un premier disque consacré à Paul Éluard le fait connaître. Plusieurs disques suivront (citons parmi les titres La grande patience, Chante une femme, Moi je revendique). Claude Vinci écrit le plus souvent les textes, généralement “engagés” (un engagement qui peut confiner au misérabilisme avec L’ouvrier licencié).
Vitrines (Léo Ferré)
N’était-elle pas prémonitoire, cette Vitrines de 1953, de longues années avant ce qu’il conviendra d’appeler la “société de consommation”, brocardée ici par Léo Ferré avec des bonheurs d’écriture : “Les vitrines de l’avenue / Font un vacarme dans les yeux / Des fois qu’ils en auraient trop vu “. Sans oublier la musique, soutenue par une orchestration (entre Kurt Weill et Maurice Jaubert) qui s’accorde à l’ironie et à la virulence du texte (“Le sang qui coul’ plein à la une / Et qui se caille aux mots croisés / “France Soir”, “Le Monde” et la fortune / Devant des mecs qu’ont pas bouffé “). Et puis, pour ne rien oublier, ne lisait-on pas pas sur les murs de Paris, en 1968 : “La vitrine appelle le pavé”. Une des meilleures chansons de Léo Ferré restée malheureusement méconnue.
Vivre en flèche (Jean Vasca)
Chanson-titre de l’album paru en 1970, Vivre en flèche fait figure de manifeste : “Par la poudre et par la mèche / Je ne veux vivre qu’en flèche “. Il s’agit d’une défense et illustration d’un monde poétique s’il en est, avec “Des mots libres qui fracassent “ et “Des gestes à jaillir encore “. Et puis “A vos vignes j’irai boire / Quelques grappes de chiens noirs / Qui tourneront dans mon sang / Comme des astres brûlants “. Un univers où il parait préférable de vivre “Debout sans maître sans dieu “. Nous y souscrivons. Pas vous ?
VOULZY (Laurent)
La rencontre en 1974 de Laurent Voulzy et Alain Souchon va être déterminante pour la suite de leurs carrières respectives. Après Dix ans Voulzy compose pour Souchon les titres (Bidon, Allô maman bobo, Jamais content, Y’a d’la rumba dans l’air) qui constituent l’ossature du répertoire du “premier Souchon”. Cette collaboration se poursuivra durant les années 80 et 90. En retour Alain Souchon écrit les textes de la plupart des chansons de Laurent Voulzy. Deux d’entre elles sont de gros succès : Rockcollection (évocation “nostalgique” en 1977 de l’âge d’or de la pop music, celle des Beatles, Stones, Beach-Boys, Dylan : une période de référence pour le musicien Voulzy), et surtout Belle-Île-en-mer, qui reste la carte de visite du chanteur.