F


FABULOUS TROBADORS

Les Fabulous Trobadors ont-ils leur place dans un dictionnaire consacré à la chanson ? Non si l’on range ce duo (Claude Sicre et Ange Bofareu) dans la catégorie rap. Oui si l’on ajoute que les Fabulous Trobadors n’appartiennent pas à la culture hip hop. Ce groupe s’enracine dans une tradition occitane, celle de la tençon (joutes poétiques). Une autre donnée, l’humour, les distingue fondamentalement de la planète rap. Dopé par une langue poétique (les textes sont de Claude Sicre), cet humour se trouve mis au service d’une “militance” (une gageure !) immergée dans l’effervescente vie toulousaine. Les Fabulous Trobadors ne sont pas étrangers au monde tel qu’il va (et surtout tel qu’il ne va pas) et le font savoir d’une manière décapante, voire pédagogique dans leurs trois albums de la décennie 90 (à travers des titres comme Pas de ci, Ne faites pas de concession, Naut Bernat, Fais de la politique, Ma ville est le plus beau park, Pasqua).


Fais moi mal Johnny (Boris Vian - Alain Goraguer)

Boris Vian a trouvé l’interprète idéale, la belle et sensuelle Magali Noël, pour cet épatant Fais-moi mal Johnny. On loue à la fois la chanteuse et la comédienne dans cette interprétation inégalée, inégalable, où l’intelligence du texte le dispute à l’humour (“Fais moi mal, Johnny, Johnny, Johnny / Moi j’aim’ l’amour qui fait boum “). Le refrain se trouvant ponctuée d’interventions de Vian (“Il va lui faire mal, il va lui faire mal “) d’un mode non moins hilarant.


La Fanette (Jacques Brel)

Jacques Brel sait raconter des histoires. Celle-ci comporte trois épisodes (et trois personnages : le narrateur, son ami, la Fanette). La “plage déserte” donne chaque fois l’indication essentielle : “Elle dormait sous juillet “, “elle mentait sous juillet “, “elle pleurait sous juillet “. Brel évite tout écueil mélodramatique. Derrière l’apparente simplicité de la chanson se cache un art consommé du récit.


FANON (Maurice)

Maurice Fanon est l’un des personnages les plus attachants de la chanson des années 60 et 70. C’était un homme d’une grande sensibilité, ses chansons en apportent de nombreux témoignages. On pourrait tout aussi bien évoquer Fanon l’idéaliste, Fanon l’écorché vif, ou Fanon le révolté. Cet idéalisme pouvait même prendre le cas échéant des aspects déconcertants. Nous nous souvenons avoir entendu Maurice Fanon en mai 68, sur les ondes d’une radio périphérique, déclarer vouloir réintégrer le corps enseignant (il avait été professeur d’anglais avant de se consacrer à la chanson) : là, disait-il, je serai davantage à ma place parmi ceux qui se battent et veulent construire une société plus juste et plus humaine. Nous ignorons si Fanon reprit un court moment le chemin d’un établissement scolaire mais nous savons qu’il préféra persister dans la voie tracée depuis dix ans. Et c’était préférable - y compris du point de vue paradoxal défendu par Fanon sur le sujet - de le voir écrire, composer et interpréter des chansons, malgré le relatif écho qu’elles recueillirent durant 20 ans. Il est vrai que Fanon écrira alors plus pour les autres, Gréco (Mon fils chante) Colombo (A nos amours) Guidoni (Y’a un climat) Isabelle Aubret, Francesca Solleville, que pour lui.

L’écharpe, la chanson qui fit connaître Maurice Fanon en 1963, reste la plus connue de son répertoire (“Si je porte à mon cou / En souvenir de toi / Ce souvenir de soie / Qui se souvient de nous “). Même si les chansons de ce “premier Fanon” ne sont pas toutes tricotées avec cette maestria, l’étoffe de plusieurs d’entre elles s’avère d’excellente qualité. A l’instar de la caustique Avec Fanon (“C’est peut-être en montrant le fond d’son pantalon / Qu’on fait son trou dans la chanson / Faudra qu’j’essaye Avec Fanon “), de Paris-Cayenne (où Fanon hausse le ton : “Paris-Cayenne tu as la dent dure à tous ceux là qui sont dedans / Paris la Seine y’a trop longtemps que tu coules entre deux agents “), de Tête de quoi (un savoureux autoportrait : “Tête de quoi, tête de ... / Un poète “), de Jean-Marie de Pantin (“C’est pourtant pas la mer à boire / Disait la fille de Calais / De dire aux marins, aux anglais / J’avais vous l’montrer mon pas d’Calais “), et plus encore de La petite juive. Ici on retrouve à la fois Fanon la colère et Fanon la tendresse : le premier pour fustiger la guerre et son cortège d’horreur, et surtout le monde qui le permet ; le second pour se souvenir de “la petite juive” : “Elle s’appelait Lise, il n’en reste rien “. Les accompagnements musicaux des deux premiers disques de Fanon ne rendent pas toujours justice aux mélodies. Une raison parmi d’autres qui contribua à classer Maurice Fanon dans le “ghetto” de la rive gauche. D’ailleurs Fanon réengistrera à partir de son premier 30 cm L’écharpe, Avec Fanon et Paris Cayenne.

Les chansons écrites dans les décennies 70 et 80 se révèlent un ton en dessous. Citons cependant Le soir de mai, Nos femmes à nous, Chanson d’octobre, Vincennes-Neuilly et Oh dis Paris. Cette dernière chanson évoque un Paris qui n’est plus : celui des grisettes, des titis, des orgues de barbarie, et des chanteurs qui permettaient encore à la capitale de rester l’immortel Paris des chansons (“On dirait que Paris ne vit plus à Paris “, chante Fanon). S’il fallait retenir Maurice Fanon en une chanson, Carcassonne mériterait d’être citée entre toutes. Il s’agit de l’un des titres d’un disque sorti en 1968, dont une phrase réitérée après chaque couplet, et dans le ton qui convient, “La vie est conne ! “, sujette aux amours déçus et à la difficulté de vivre, ressemble tellement à son auteur !


FARMER (Mylène)

C’est dans l’ordre des choses que le “phénomène” Mylène Farmer soit apparu au milieu des années 80. Pour la première fois, du moins à cette échelle, la mise en spectacle (celle de vidéo-clips, parmi lesquels Libertine, Pourvu qu’elles soient douces, Beyond my control, ou les grandes messes des concerts de Bercy), qui ici et là mettaient principalement le cap sur l’érotisme, prenait le pas sur la manière habituelle d’aborder un répertoire en faisant mousser des chansons somme toute conventionnelles (Sans contrefaçon, Ainsi soit-je, Désenchantée, Regrets). Les deux albums de 1995 et 1999 ne changent pas la donne, bien au contraire (XXL, Rêver, L’Ame-Stram-Gram, Innamoramento). La façon dont est alors gérée la carrière de Mylène Farmer devrait servir d’exemple dans les écoles de marketing. Plus surprenant (quoique...), les professionnels de la profession éliront en 2005 Mylène Farmer “artiste féminine des 20 dernières années”. Comme le chantait Georges Brassens nous “vivons un temps bien singulier” : parce que prendre un produit pour une chanteuse, franchement...


La femme est l’avenir de l’homme (Jean Ferrat)

Une chanson qui dans le refrain fait rimer “Le poète a toujours raison “ avec “Aragon “ parait déjà bien mal engagée. Nous serions tenté de déclarer (ici avec Gide) que l’on ne fait pas de bonnes chansons avec de bons sentiments. Il y a des exceptions certes mais pas dans le cas présent. La mélodie qui a principalement fait le succès de La femme est l’avenir de l’homme est en même temps le facteur édulcorant d’un texte célébrant la libération de la femme. On dira pour conclure que la montagne n’accouche pas tant d’une souris que de couplets qui ne mangent pas de pain.


FERLAND (Jean-Pierre)

Sur les traces de Félix Leclerc, puis juste après Gilles Vigneault, le plus françois des chanteurs québécois se fait connaître dans l’hexagone avec un disque remarqué (Je reviens chez nous, Je le sais, La grande mélodie), puis un second (La mort du cerf d’Amérique). L’expérience ne se renouvellera pas. Jean-Pierre Ferland parait bien oublié aujourd’hui. Sans doute avait-on ensuite besoin, venant de la “belle province”, d’alcools plus forts... ou plus frelatés.


FERNANDEL

Fernandel a tourné dans de nombreux navets mais on retient davantage le mémorable interprète de “Angèle”, “Regain”, “La fille du puisatier”, et “Crésus”. Dans la chanson (surtout pratiquée avant la Seconde guerre mondiale par Fernandel), ni un Pagnol ni un Giono ne sont venus racheter un répertoire d’une joyeuse médiocrité.


FERRAT (Jean)

Les premières chansons de Jean Ferrat s’inscrivent dans l’une des traditions les plus vivaces de la chanson française, celle du populisme. Dans un genre qui n’avait alors rien de commun avec ce que l’on entend par “populisme” en ce début du XXIe siècle Ma môme et Napoléon IV représentent deux faces de la même pièce. On retient également Fréderico Garcia Lorca pour la figure du poète, la guitare et Grenade en deuil. L’homme à l’oreille coupée met la barre un peu plus haut : cette chanson contourne l’écueil du “grand sujet” pour proposer des portraits attachants de Van Gogh et Toulouse Lautrec. En 1962 déjà, si l’on fait le point sur ce “premier Ferrat”, l’intéressé écrit de belles mélodies (Deux enfants au soleil), est servi par un beau timbre de voix (qui paradoxalement limite son expression), et parait emprunté sur scène. Nuit et brouillard, ensuite, n’a pas à rougir du film éponyme d’Alain Resnais. C’est le meilleur compliment que l’on puisse faire à cette chanson. Nous sommes en 1963, l’année également de Quatre cent enfants noirs et de C’est beau la vie (plus convenue). Dans le disque sorti l’année suivante figure La montagne, le plus gros succès de Jean Ferrat.

Avec l’album “Potemkine” (plébiscité par le public) ce compagnon de route non encarté devient le chantre plus ou moins officiel du P.C.F.. Durant cette époque (1965 à 1979) Ferrat sort neuf disques. Il se situe alors au sommet de sa notoriété. On distingue dans son répertoire le classicisme de Potemkine et de La Commune (toutes deux sur des textes de Georges Coulonges), la fibre castriste (Cuba si, Les guérilleros), une “Marseillaise” made in P.C.F. (Ma France), une réponse à l’individualisme de type Brassens (En groupe en ligue en procession), une variation sur le thème “les gauchistes-Marcellin” (Hou hou méfions nous), ou encore Camarade, Au printemps à quoi rêves-tu, La femme est l’avenir de l’homme. Parallèlement, des adaptations de poèmes d’Aragon (précédemment Nous dormirons ensemble et surtout Que serais-je sans toi avaient rencontré le succès) élargissent le public de Jean Ferrat au delà de la base électorale du P.C.F. de ces années-là (sans parler de celui déjà acquis). Ce cycle met en valeur les qualités mélodiques de Ferrat (C’est si peu dire que je t’aime, Heureux celui qui meurt d’aimer, Aimer à perdre la raison, Un jour un jour). Mais le meilleur, peut-être, doit être mis au crédit de la collaboration Gougaud-Ferrat : le premier ici parolier (Le point du jour, La matinée). En y ajoutant Pauvre Boris (du seul Ferrat), sans doute la chanson la plus réussie de cette époque. Un nom, plus que d’autres, doit être associé à Jean Ferrat, celui de l’arrangeur Alain Goraguer. Ces albums lui doivent beaucoup, surtout les premiers (dans un titre peu connu comme Raconte moi la mer Goraguer nous gratifie d’une partition de haute volée).

La décennie suivante s’ouvre sur le disque “Ferrat 80”. Il se situerait dans la lignée des trois précédents, en manque d’inspiration généralement (on en excepte pour ce cru 80 L’amour est cerise et L’embellie), s’il n’y figurait Le bilan. Jean Ferrat dresse dans cette chanson (une réponse au fameux “bilan globalement positif sur l’URSS” de Georges Marchais l’année précédente) un bilan globalement négatif. Après d’autres (Elleinstein, Parmelin, Signoret, etc.), mais avant les dirigeants du P.C.F. Ferrat virait sa cuti communiste (ou stalinienne). A un album confié pour les textes au parolier Guy Thomas (“Je ne suis qu’un cri”), succède le dernier disque (1991) de Jean Ferrat. D’une qualité supérieure aux précédents cet album concilie “chansons humanistes” (Le grillon, Tu aurais pu vivre, Les tournesols qui fait écho à L’homme à l’oreille coupée des années 60) et “chansons engagées” ou de “satire sociale” (Dingue, Les petites filles modèles, Dans la jungle et le zoo, Les jeunes imbéciles). Cette dernière chanson comporte un coup de griffe à ceux qui ont revêtu “la chasuble humanitaire “ pour faire “la quête avec délice “. Suivez son regard. Et pourtant, curieusement, ce disque (et donc la production discographique de Jean Ferrat) se clôt par La paix sur terre : un titre qui ressemble à s’y méprendre (dans la forme comme le contenu) à ces chansons exsudant la bonne conscience humanitaire en vogue ces années-là. Ferrat finit sa carrière de chanteur sur une note bien déconcertante.


FERRÉ (Léo)

Léo Ferré, qui chante depuis 1946 dans les cabarets parisiens (deux de ses chansons, Elle tourne la terre et Les amants de Paris, se trouvent inscrites au répertoire de Renée Lebas et d’Édith Piaf), enregistre en 1950 une série de 78 tour pour Le Chant du Monde. Ces chansons vont se retrouver à une exception près sur un 25 cm. Elles sont depuis devenues des “classiques”. Léo Ferré n’est pas encore là tout entier (contrairement aux premiers Brassens). La voix (qui se cherche encore), et l’accompagnement pianistique mettent en valeur des chansons comme Le bateau espagnol ou Le flamenco de Paris. Citons également Monsieur tout blanc (où Ferré monte au créneau pour fustiger le pape), L’île Saint-Louis, La chanson du scaphandrier.

En 1953 Léo Ferré sort son premier disque sous le label Odéon. c’est le début d’une période (s’achevant en 1958) durant laquelle l’auteur-compositeur prend parfois le dessus sur le chanteur. Son interprète de prédilection, Catherine Sauvage, fait d’ailleurs le succès de Paris Canaille (Ferré crée là un style qui va devenir sa “marque de fabrique” durant des années), et de L’homme, Les amoureux du Havre et Le piano du pauvre. De ces années date également le début de la collaboration entre Léo Ferré et Jean-René Caussimon. Inaugurée par A la Seine. Elle poursuit avec Monsieur William, Mon Sébasto, Mon camarade et Le temps du tango. Ferré met aussi en musique le célèbre Pont Mirabeau d’Apollinaire, et des vers moins connus de Ruteboeuf, Pauvre Ruteboeuf. La grande chanson de cette première période Odéon s’appelle Vitrines. Dans la même veine Vise la réclame s’en prend à la publicité. Léo Ferré, dés le milieu des années 50, fait déjà le tour de la question en une chanson. Première référence directe à l’anarchie, Graine d’ananar promène ses couplets goguenards d’un gibet à une potence. Merci mon dieu inaugure un genre. Ferré reviendra plusieurs fois sur cette forme psalmodiée, proche de la prière : sauf qu’ici il remercie Dieu pour toutes les saloperies qui font la condition humaine. Une dernière salve de 78 tour comporte La chanson triste et Monsieur mon passé.

En 1955, le premier “vrai” 25 cm Odéon est, musicalement parlant, l’un des plus singuliers de la carrière du chanteur : Ferré étant accompagné uniquement à l’orgue. Outre Pauvre Ruteboeuf, ce disque contient une chanson que Benjamin Peret inclura dans son “Anthologie de l’amour sublime”, L’amour. Dans une autre veine Le temps du plastique tient de la pochade. L’ironie de Ferré fait merveille tout tout au long de ce petit chef d’oeuvre plus grave qu’il n’y paraîtrait. Dernier disque à paraître sous le label Odéon, le 30 cm de 1958 s’avère plus diversifié, y compris pour les quatre chansons qui font explicitement référence à la musique et aux musiciens : Java partout, La zizique, Le jazz band et Dieu est nègre (un hommage rendu aux musiciens de jazz à travers la figure du “Pauvre Jimmy”). Deux titres avaient été enregistré l’année précédente (dans une autre version) sur un disque de poèmes de Léo Ferré lus par sa femme Madeleine : L’été s’en fout (une chanson d’été “à la Ferré”) et Les copains d’la neuille. Rien ne relie trois des chansons de cet album. La très classique L’étang chimérique détonne dans cet ensemble : cette chanson semble avoir été écrire dix ans plus tôt. Tahiti surprend sur le plan musical : orgue et piano sonnent “terriblement modernes”. Enfin, pour clore ce cru 58, sept minutes et quelques secondes d’une Vie moderne débitée en tranches, et pour la débiner un Ferré introduisant ici une veine chansonnière (annonçant la série des Temps difficiles).

Deux années s’écoulent sans que paraisse un disque de Léo Ferré. Sous le label Barclay sort en 1960 un album bien reçu par la critique et le public. Avec cet disque Ferré prend réellement place parmi les “monstres sacrés” de la chanson française. Paname est plébiscitée par les radios. Quand c’est fini ça recommence (texte de René Rouzaud) et Merde à Vauban (de Pierre Seghers) s’intègrent parfaitement dans l’univers de Ferré. La maffia n’a pas été sans contribuer à la “mauvaise réputation” du chanteur (il s’agit d’un savoureux plaidoyer de l’anti-compromission). Et puis, pour le meilleur, Comme à Ostende (le sommet des Caussimon-Ferré), L’irrésistible Jolie môme, et Les poètes : un hommage rendu à ceux que Léo Ferré chantera toute sa vie (dans la filiation verlainienne des “poètes maudits : “Ils ont des paradis que l’on dit d’artifice / Et l’on met en prison leurs quatrains de cinq sous / Comme si on mettait aux fers un édifice / Sous prétexte que les bourgeois sont dans l’égout... “.

Il s’agit d’une embellie dans la carrière du chanteur que va amplifier le succès, plutôt inattendu, de l’album consacré à Louis Aragon. Le disque devant sortir au printemps 61 n’est pas distribué, victime de la censure. Trois des chansons, Les rupins, Les quatre cent coups, Miss guéguerre, se retrouveront plus tard sur un 45 tour intitulé “Les chansons interdites de Léo Ferré”. Ferré sort un 45 tour où figurent Vingt ans et la première version des Temps difficiles (d’une série de trois traitant de l’actualité le plus souvent politique sur le mode chansonnier). Dans la foulée, le concert enregistré en public à l’Alhambra installe Léo Ferré parmi les “grands” de la scène. La tonalité de ce tour de chant est résolument contestataire : en plus des chansons “interdites” Ferré crée Cannes la braguette, Y’en a marre et l’emblématique Thank you Satan (“Pour l’anarchiste à qui tu donnes / Les deux couleurs de ton pays / Le rouge pour naître à Barcelone / Le noir pour mourir à Paris “.

Dans l’album suivant, plus inégal (comme le seront les deux suivants) trois titres sortent du lot : Mister Giorgina (bel hommage rendu par Ferré aux musiciens du piano à bretelle), Ça t’va ou l’amour magnifié (la musique, l’orchestration, l’interprétation jouant à fond la carte de l’excès : “Tes plats mijotés / Tell’ment qu’on dirait / Manger d’la luxure”), T’es rock coco ! (Ferré ne flatte pas dans le sens du poil les jeunes générations !). “Ferré 64”, ensuite, accentue le divorce du chanteur avec les médias (du moins radiophoniques). Ferré ne manque pas de rendre à l’époque la monnaie de sa pièce (Épique époque). On y entend également comme un climat mélancolique ou doux amer (La gitane, Les retraités, La mélancolie, Quand j’étais môme). Sans oublier les deux sommets de ce disque, Mon piano et Franco la muerte. Entre deux albums, le 45 tour sorti en 1965 comporte la célibrissime Ni dieu ni maître (interdite comme il se doit : une chanson dont le propos manifeste contre la peine de mort s’élargit à la condamnation de toute oppression dans l’acceptation libertaire de “ni dieu ni maître”). Dans un autre style, caustique, Monsieur Barclay fait mouche. L’album de 1966 comprend des chansons de bonne facture (La faim, La mort, Beau saxo, Les romantiques, La complainte de la télé, C’est la vie, La grève) et comporte ces deux indiscutables réussites, L’âge d’or (Ferré chante l’utopie, la sienne appartenant d’abord à celle des poètes : “Nous aurons du pain / Doré comme les filles / Sous les soleils d’or “), et la trop peu connue On s’aimera (une chanson qui traite d’un thème éternel, le passage des saisons, ici décliné par Ferré au grée de son inspiration poétique : “quand le chignon ‘hiver / de la terre endormie / se défait pour refaire / L’amour avec la vie “).

Le cru 67 clôt une époque. Celle pour Léo Ferré de chansons comme On est pas des saints, C’est un air, Cette chanson, Les gares les ports, Le lit, Le bonheur, qui auraient pu se retrouver sur l’un ou l’autre des albums précédents. Pacific bues reste l’ultime titre du 25 cm censuré en 1961 à ne pas avoir été repris. Dans une veine antimilitariste cette chanson raconte l’histoire d’un pauvre soldat. Entre deux couplets des cuivres lancinants, obsédants, résonnent comme le thème du destin, d’un destin tragique (L’orchestrateur Jean-Michel Defaye, qui accompagne Ferré depuis le début de cette époque Barclay, est ici au sommet de son art). Quatre chansons annoncent la période à venir. Dans un registre également antimilitariste La Marseillaise, puis Quartier Latin (“Rue Soufflot / Les vitrines / Font la gueule “), Ils ont voté (l’une des chansons ayant contribué à camper le Ferré anar : “Ils ont voté / Et puis après “), Salut beatnik (à travers ce salut adressé au beatnik, celui qui vit en marge et n’est pas “encore pourri “, l’anarchiste n’oublie pas de saluer “ceux qu’ont trinqué en Espagne et partout “ et de fustiger “les fidel les mao les charlot les apôtres “).

Mai 68 représente une date importante dans la carrière de Léo Ferré. Les “événements” de ce printemps là vont se retrouver dans quelques unes des chansons de l’album (sorti l’hiver 1969) qui signe le retour en force de Ferré : L’été 68, Comme une fille (“Comme une fille / La rue s’déshabille / Les pavés s’entassent / Et les flics qui passent / Les prennent dans la gueule “), Madame la misère (“Ce sont des enragés qui dérangent l’histoire “, dans un texte écrit treize ans plus tôt !), et Les anarchistes, qui va devenir un hymne libertaire (cette chanson créée sur scène à la Mutualité le 10 mai 1968 comporte les deux vers suivants : “Faudrait pas oublier qu’ça descend dans la rue / Les anarchistes “. Toute une génération découvre un chanteur de 53 ans et le passage de Ferré à Bobino amplifie le phénomène : le chanteur devient en quelque sorte le porte-drapeau de la “jeunesse révoltée”. Un plus large public fera, avec un temps de retard, le succès de C’est extra (l’un des tubes de l’été 69 !). Dans un autre registre, tout en conservant cette qualité mélodique, L’idole traite des servitudes du métier d’artiste. Trois chansons, Madame la misère, Le testament, A toi (une déclinaison poétique inspirée à laquelle l’interprétation de Ferré donne une dimension supplémentaire), figuraient dans le recueil “Poète... vos papiers !”, paru en 1956. On ne saurait oublier sur cet album important à plus d’un titre La nuit (“C’est ma frangine en noir / Celle que j’appell’ bonsoir “), et surtout Pépée, l’une des immortelles chansons de Léo Ferré (sur un drame personnel de la vie du chanteur, la mort de sa sa guenon Pépée : les plus grandes douleurs ne peuvent pas toujours être dites avec les mots de la douleur, il parait parfois préférable de les aborder par le sarcasme, “Les oreilles de Gainsbourg “ ou “Jésus Machin “, avant de remonter à la source de son mal jusqu’à cette vérité nue, déchirante et bouleversante de “On couche toujours avec des morts “).

Le double album “Amour-Anarchie”, certainement le sommet de la carrière de Léo Ferré, illustre deux des thèmes de prédilection du chanteur. Le premier volet (soir l’hiver 70) s’avère exceptionnel de part la présence de La mémoire et la mer (que de nombreux amateurs de Ferré mettent au dessus de toutes ses chansons), mais également celle de l’emblématique Poète vos papiers (qui figure dans le recueil éponyme de 1956) : sur ces vers, parmi les plus inspirés jamais écrits par l’auteur (“Citoyen qui sent de la tête / Papa gâteau de l’alphabet / Maquereau de la clarinette / Graine qui pousse des gibets / Châssis rouillé sous les démences / Corridor pourri de l’ennui / Hygiénisme de la romance / rédempteur falot des lundi / Poète, vos papiers ! “), encore fallait-il composer une musique capable de rendre audible ce texte à qui n’entendrait rien à la poésie ! Mais ce disque vaut aussi pour les autres chansons. Pour la première fois Léo Ferré s’aventure ici ans l’univers de la pop-music avec deux titres : La the nana et Le chien (toutes deux accompagnées par le groupe Zoo). Le premier emprunte le pas à C’est extra dans la voie du succès, tandis que le second signe le premier de ces monologues qui sortent du cadre proprement dit de la chanson : cette nouvelle relation du texte à la musique faisant école (Ribeiro, Lavilliers, Escudero, Nougaro, Vasca...). Le chien était sorti quelques mois plus tôt sur un 45 tour (avec accompagnement piano) qui comprenait également Paris je ne t’aime plus et Le crachat (toutes deux reprises sur l’album). On conclura cette liste par Rotterdam et Petite.

Le second volet de “Amour-Anarchie”, sans atteindre de tels sommets, n’en contient pas moins quelques unes des chansons “incontournables” du répertoire de Ferré de ces années-là. En particulier la superbe Écoute moi (qui enrôle sous sa bannière deux grands figures du “mal” : “Maldoror d’une main et Sade dans le froc “), ou encore Sur la scène, Paris c’est une idée, Cette blessure, Les passantes, Psaume 151 (“Les condamnés jouent au poker leur appétit / Et vous laissent Seigneur leur part de solitude / Le service est compris nous avons l’habitude / Descendez donc Seigneur de notre connerie “). Les deux chansons (avec Écoute moi) qui se dégagent de cet album sont très différentes. L’amour fou d’abord. Sur une musique “sage” Léo Ferré a écrit un petit chef d’oeuvre qui traite de “l’amour fou” : comment ne pas être séduit par ce passage du “vous” au “tu” (et réciproquement), par cet écart où la passion vient se loger. Moins “écrite” que L’amour fou, La folie appartient à la veine tragique de Ferré : Van Gogh, sa folie, celle de ce monde (“L’oreille de ce mec qui ne t’écoute plus “), des violons qui insistent, pareils à des “corbeaux dans le blé d’une toile perdue “. Dans la foulée Léo Ferré sort un 45 tour simple comprenant Adieu (sur un poème d’Apollinaire) et Avec le temps.

L’album suivant, “La solitude”, date de 1971. Fruit d’une collaboration (à l’exception de deux titres) entre Léo Ferré et le groupe Zoo, ce disque résiste plus difficilement à l’épreuve du temps, trente ans plus tard : plusieurs chansons pêchent par une relative complaisance à l’égard de la culture “pop” et pas des facilités d’écriture. Ce qui n’est absolument pas le cas de la chanson-titre, La solitude (soutenue par des cordes) : qui représente la quintessence d’un genre en train de s’émanciper du format traditionnel de la chanson. On lisait la même année sur les murs de Paris : “Le désespoir est une forme supérieure de la critique” : une phrase extraite de La solitude. Léo Ferré a écrit les arrangement de l’inoubliable Ton style et de Tu ne dis jamais rien (avec sa belle mélodie et ses images surréalistes (“Je vois des tramways bleus sur des rails d’enfants tristes”). Mentionnons, l’année suivante, un album de “reprises” intitulé “Les chansons d’amour de Léo Ferré” : y figurent et une nouvelle version de La vie d’artiste.

En 1973 Léo Ferré sort l’album “Il n’y a plus rien” : du nom du morceau-titre, un maelström de 16 minutes, le premier en date de ces longs monologues que Ferré va inscrire à son répertoire. Chanson parlée, Préface est un large extrait de la préface écrite 17 ans plus tôt pour le recueil “Poète... vos papiers !”. Richard (une variation sur l’amitié, dans la lignée des Copains d’la neuille) remporte la faveur du public. Ces trois titres n’ont pas été sans faire de l’ombre aux autres chansons de l’album. C’est surtout dommage pour Nigh and day et L’oppression. La première témoigne d’une modernité propre à Ferré : de part l’écriture automatique des couplets, le jeu sur les assonances des refrains (chacun d’entre eux étant suivis de textes parlés où l’auteur exerce sa verve au dépend de la presse). Une incontestable réussite. Plus classique dans la forme, L’oppression peut représenter une réponse au nihilisme et au climat désespéré de Il n’y a plus rien. Il parait judicieux, utile et nécessaire de reproduire ce que Ferré en pensait, l’année 1973 : “Ces yeux qui te regardent et la nuit et le jour / Et que l’on dit braqués sur les chiffres et la haine / Ces choses “défendues” vers lesquelles tu te traînes / Et qui seront à toi / Lorsque tu fermeras les yeux de l’oppression “. La même année sort un disque “en public” enregistré à l’Olympia. Cet album sera retiré du catalogue Barclay à la demande de Léo Ferré. Il comporte deux chansons (Mister the wind, La fleur de l’âge) qui malheureusement ne seront pas reprises sur un album studio. On le regrette surtout pour la seconde.

Toujours la même année 1973, Léo Ferré prolonge l’expérimentation entamée avec Le chien et poursuivie par Il n’y a plus rien au point de consacrer un disque entier au monologue de Et Basta ! Nous allons clore cette période avec la parution (1974 1975) du dernier album enregistré par Ferré pour le label Barclay, “L’espoir”. Il comporte la surréalisante Je t’aimais bien tu sais (“Je te vois comme une algue bleue dans l’autobus / A la marée du soir gare Saint-Lazare “), une nouvelle variation sur le thème du “mal” (La damnation : “C’est l’éternité qui dégorge / Et la mort qui tire son coup “), le monologue des Amants tristes (superbement orchestré par Ferré). Sans oublier Les oiseaux du malheur, au titre ferréen. Nous avons gardé pour la bonne bouche Les étrangers et L’espoir. La première évoque l’amitié qui liait Lochu, le marin breton, à Ferré : une belle chanson sur la mer, les marins, les bateaux. Et puis L’espoir, où Léo Ferré refait une dernière fois la guerre d’Espagne avec ses mots : des images fulgurantes sur une orchestration rutilante (trop rutilante ? qu’importe !). Nous ne sommes pas près d’oublier la formidable entrée en matière du premier couplet, mots, musique, orchestration et interprétation réunis : “Des oiseaux finlandais vêtus de habanera / Des Vikings aux couteaux tranchant la manzanilla / Des flamenches de Suède brunes comme la cendre / Des guitares désaccordées et qui se pendent / La mort qui se promène au bras de Barcelone “.

Il faut bien reconnaître que la période à venir, celle du “dernier Ferré”, ne peut soutenir la comparaison avec les “années Barclay”, et même les “années Odéon”. Le premier album (sous le label CBS) s’apparente à un disque de transition. Deux chansons sortent du lot. Dans la première, Muss es sein ? es muss sein, Ferré convoque un Beethoven sans perruque, chichi et affectation : “Et ton vin rouge a fait des taches / Sur ta portée des contrebasses / Ludwig ! Réponds ! T’es sourdingue, ma parole ! “. La seconde, La mort des loups, évoque deux condamnés à mort, Buffet et Bontemps, exécutés au petit matin à “l’heure réglementaire “. Léo Ferré se souvient d’eux sur un mode peu réglementaire : la société sacrifiant quelque loup galeux pour perpétuer le monde des “loups endimanchés (...) des loups bien habillés. Avec “La frime” nous abordons la dernière partie de la carrière de Léo Ferré. Un lieu commun veut que le chanteur, à partir de cet album, ait fait du sous Ferré. Les disques de cette période sont loin d’être si décevants que d’aucuns l’ont prétendu. Certes à l’écoute de “La frime” ou de “Il est six heures ici et minuit à New York” (l’album suivant) on relève moins de titres dignes de figurer dans une anthologie ferréenne. L’inspiration n’atteint pas les sommets de la première moitié des années 70, et le ton, davantage apaisé de ces deux disques, laisse entendre qu’une page vient d’être tournée. On peut aussi parfois déplorer la manière dont Ferré use et abuse de l’orchestration symphonique. Citons cependant Allende : Ferré imagine le monde dans lequel nous pourrions vivre si la barbarie, le fascisme, les tyrans, la raison marchande, la connerie humaine, et cetera. Pourquoi pas alors, si cela était, s’en aller réveiller Allende... et d’autres !

Le cru 1980, “La violence et l’ennui” nous remet à l’oreille un Ferré plus décapant. Nous sommes en présence d’un album à la “tonalité piano”, particulièrement illustrée par une trilogie (Géométriquement tiens, La mer noire, FLB) ou l’inspiration poétique est au rendez-vous. Mentionnons également une attachante Marseille et Frères humains (où les vers de Léo Ferré font écho à ceux de François Villon). Cet album malheureusement méconnu contient l’un des plus beaux textes de Ferré, Words... words... words. Ce poème épique que le chanteur déclame sur l’une de ces musiques qui vous prennent aux tripes, nous transporte du Chili à Lisbonne, de la rue St Denis à Mexico, et l’auteur y affirme que “Shakespeare aussi était un terroriste “. A la fin, sur un roulement de tambour significatif, les différentes significations du mot “Videla” (revoilà nos tripes) nous sont proposées : “En Argentine ? / Allez y voir / de quoi dégueuler / Vraiment ! “. Le triple album sorti deux ans plus tard serait décevant s’il ne comportait d’une part une jubilatoire adaptation du Bateau ivre de Rimbaud, d’autre part une très étonnante L’amour meurt : il y a comme une osmose entre la voix et le piano de Ferré, la guitare de Toni Soller et les vocalises de Taffy qui tient du prodige. N’entdéplaise aux sourds et autres ignorants, la modernité en chanson, l’année 1982, passe par L’amour meurt et Léo Ferré.

L’opéra du pauvre”, paru l’année suivante, s’adresse au noyau dur des ferréens. Il s’agit de la reprise de l’argument du ballet “La nuit”, commandé en 1956 par Roland Petit à Léo Ferré. En 1985 ce dernier sort un album entièrement consacré à Jean-Roger Caussimon. Ferré y retrouve sa verve mélodique. Les réserves viennent plutôt du coté de Caussimon : le contenu est irréprochable mais il manque le “coup de patte” du Caussimon de la grande époque. L’année suivante le double album “On est pas sérieux quand on a dix-sept ans” innove. En effet la moitié des titres sont des adaptations de poèmes de Verlaine, Rimbaud, Baudelaire, Apollinaire, tandis que l’autre moitié est constituée de chansons de l’auteur. Le dernier disque de Léo Ferré proprement dit (puisque son ultime album, l’année suivante, est une adaptation de “Une saison en enfer” de son cher Rimbaud) date de 1990. Ce disque (“Les vieux copains”) surprend, et n’est pas sans émouvoir. La voix semble lasse, émoussée, fragile. Il s’agit d’une promenade nostalgique de l’auteur à travers une quarantaine d’années et plus consacrées à la chanson. Depuis Les vieux copains, puis, en remontant le temps, cette Où vont-ils donc des années 60, jamais gravée dans la cire, que Ferré reprenait de temps à autre sur la scène, en passant par des reprises des “années Odéon”, pour finalement déboucher sur les années 40 : avec L’Europe s’ennuyait (écrite en 1947 mais bénéficiant ici d’un accompagnement pianistique, flanqué de percussions, des plus contagieux), Y’a une étoile et Elle tourne la terre (en se souvenant qu’il s’agit là de la première chanson de Léo Ferré à avoir été enregistrée, par Renée Lebas, on ajoutera que la boucle est bouclée : “Bonjour ma vieille copine la terre / T’es fatiguée ? Ben... nous aussi “.).


FERRER (Nino)

La carrière de Nino Ferrer comporte deux périodes bien distinctes. La première, par delà le succès des Mirza et autre Téléphon (deux titres qui contribuèrent à ranger ce chanteur dans le rayon des amuseurs), prend davantage de relief aujourd’hui avec le recul. On ne prit pas tout à fait la mesure des qualités musicales de Nino Ferrer (celle par exemple d’un rythmin’ the blues hexagonal : que Je veux être un noir exprime et revendique), ni celle de son humour distancié, parfois proche de la loufoquerie (Mao et moa : “Si je suis rapide et rusé / Quand je fais mes Mao croisées / Me dirait un esquimao / C’est grâce à la pensée de Mao “). On trouve également chez Nino Ferrer un goût jubilatoire pour l’énumération : depuis Les cornichons jusqu’à Je vends des robes (la plus réussie du lot), en passant par Mon copain Bismarck et Ho ! Hé ! Hein ! bon.

Nino Ferrer reviens à la chanson en 1972 après trois ans d’absence. L’album enregistré, “Métronomie”, constitue une rupture avec le répertoire des années soixante (à l’instar du titre le plus connu, La maison près de la fontaine). Deux ans plus tard le chanteur signe avec Le sud l’un de ses plus grands succès. Il sortira ensuite plusieurs disques dans une indifférence presque complète. On peut le regretter en raison de la qualité des chansons (sans parler de l’homme, très attachant). Le public qui avait fait le succès de Nino Ferrer durant les années soixante ne se retrouvait sans doute pas dans ce nouveau répertoire. Et celui qui aurait pu s’y intéresser n’en fut pas informé.


FERSEN (Thomas)

En quatre albums Thomas Fersen est devenu l’un des personnages les plus singuliers de la chanson française. Déjà un premier disque (“Le bal des oiseaux”, sorti en 1993), puis un second (“Les ronds de carottes”) confrontaient l’auditeur à un univers où une poésie sans affectation rencontrait un humour “l’air de pas y toucher”. Le tout étant défendu par une voix plutôt sourde, à la limite de l’éraillé. Le troisième album (“Le jour du poisson”), et davantage encore le quatrième (“Quatre”, sorti en 1999) accentuent l’originalité du propos autant sur le plan musical (où Fersen fait preuve d’un éclectisme musical éloigné des tendances dominantes de cette fin de siècle) que par le contenu des textes.

On relève ici une veine animalière déjà perceptible dans le premier disque (Le bal des oiseaux). Fersen la prolonge avec Bucephale, Les papillons, La blatte (“Le jour du poisson”) avant d’en faire la colonne vertébrale du quatrième album : Les malheurs du lion, La chauve souris (“Une chauve souris / Aimait une parapluie / Un grand parapluie noir / Découpé dans la nuit “), Le moucheron (“Ce moucheron / Ce vol brouillon / Ce tourbillon / C’est Cupidon “). Cette veine Fersen la décline sur le mode de la fable (Les malheurs du lion), du conte poétique (La chauve souris), ou de la cocasserie (Le moucheron). Et l’on constate à l’écoute de chansons comme Je suis dev’nue la bonne, Dugenou ou Monsieur (“Dans la paix de son jardin / Il cultive ses roses / Monsieur est un assassin / Quand il est morose “) que Thomas Fersen ne ressemble qu’à Thomas Fersen. Ce qui n’est pas un mince compliment.


FOLY (Liane)

Chanteuse représentative à ses débuts d’un “jazz cool” (Au fur et à mesure plus particulièrement, dans l’album “Rêve Orange” sorti en 1990), Liane Foly dispose effectivement du timbre de voix que réclame ce type de répertoire. La suite, plus convenue, s’inscrit dans une variété de type télévisuel.


FLORELLE

Cette chanteuse de l’entre-deux guerres reste pour la postérité la créatrice (dans la version française) de la plupart des songs de “L’opéra de quatre sous”. Elle défendra ce répertoire avant l’apparition d’une nouvelle génération d’interprètes à la Libération


FONTAINE (Brigitte)

Le premier disque de Brigitte Fontaine date de 1966. Cet album intitulé “Treize chansons décadentes et fantasmagoriques” relève d’une rive-gauche décalée (cet adjectif étant mis sur le compte de humour “sans trop y toucher” de l’auteure : à l’exemple de Je suis décadente). Ces treize titres se retrouveront sur un album réalisé avec Jacques Higelin, “Chansons d’avant le déluge”. On signale que le sommet de leur collaboration, la troublante Cet enfant que je t’avais fait, se retrouvera sur le prochain disque de Brigitte Fontaine.

Celui-ci attire davantage l’attention. La pochette de l’album tout d’abord annonce en grosses lettres “Brigitte Fontaine est folle”. Ce que semble confirmer ce curieux disque. Les textes d’un humour décapant racontent de drôles d’histoires et des histoires pas drôles du tout. Les arrangements, signés Jean-Claude Vannier ne cèdent en rien, question étrangeté, aux paroles des chansons. On aime la façon dont Brigitte Fontaine renvoie Blanche Neige à ses chères études, à savoir ses confitures. Tout comme on apprécie le mode d’emploi de Comme Rimbaud. Avec Le beau cancer les choses se compliquent. Cette chanson est-elle complètement désespérée ? Au premier degré, oui. Pourtant l’on ressent comme un doute (l’arrangement musical goguenard de Vannier nous y incite). Une seule certitude : plutôt que de périr à petit feu, quotidiennement, médiocrement, autant finir en apothéose, “Être cuit pour être cuit / Il vaut mieux que ce soit joli “.

L’album “Comme à la radio” représente une date dans l’histoire de la chanson. Déjà le 45 tour Lettre à Monsieur le chef de gare de la Tour Carol (reprise dans ce disque) préparait le terrain. On retrouvait dans cette jam cession l’esprit Saravah par excellence. Comme à la radio (ce titre et l’ensemble du disque) se situe à la pointe d’une “avant-garde” (sans que cela soit revendiqué) qui entend subvertir le format chanson traditionnelle. Mai 68 n’est pas si loin : Comme à la radio s’inscrit dans un courant critique (autant du point de vue de la forme que du contenu) se distanciant des modes militant et revendicatif de la chanson dite engagée (“Mais / N’ayez pas peur / On sait ce qu’est la radio / Il ne peut rien s’y passer / Rien ne peut avoir d’importance / Ce n’était rien / Juste pour faire du bruit / Juste de la musique / Juste des mots des mots “). Ce disque signe par ailleurs une rencontre unique, excitante, sans lendemain : celle du free jazz de l’Art Ensemble of Chicago et de l’univers poético-délirant de Brigitte Fontaine. C’est là qu’il faudrait parler d’une radicalité qui lorgnerait du coté des situationnistes (Comme à la radio, la chanson) ou d’un non sens proche du surréalisme (J’ai 26 ans). Enfin ce disque est truffé d’aphorismes du genre (“Merci mon dieu d’avoir inventé Marx, vous n’étiez pas forcé “) ou (“Mon mari a été exécecuté ce matin. J’ai pris ça très mal. Question : qu’est devenu mon sens de l’humour ? “). Décidément, Brigitte Fontaine n’en manque pas !

Areski Belkacem, très présent dans “Comme à la radio” (il chante sur certains titres et compose les musiques), l’est encore plus sur les quatre albums suivants : ceux-ci sont d’ailleurs signés Areski et Brigitte Fontaine. Le premier d’entre eux, “L’incendie” va encore plus loin dans le sens de l’expérimentation. Mais son minimalisme a pu rebuter plus d’un auditeur. “Je ne connais pas cet homme”, ensuite, continue d’explorer d’autres territoires musicaux (La recherche de l’hiver, La renarde et le bélier touffu sont d’étonnantes incursions dans un registre “musique classique”). Nous restons cependant dans le domaine avant-gardiste initié par “Comme à la radio”. A l’exception du titre le plus connu de l’album, C’est normal, qui entamera une seconde carrière 25 ans plus tard (en se retrouvant dans “Les palaces”). L’album de 1975, “Le bonheur”, infléchit les textes vers la fable ou le conte (“La citrouille, Le bonheur). On note également le retour d’une thématique contestataire (Le propriétaire : “Remercie le propriétaire / Pour les têtes décapitées / Pour les enfants sénilisés / Pour les étoiles déportées / Les paysans dépaysés “). “Vous et nous”, le quatrième disque de ce cycle, s’avère plus expérimental que le précédent. On y trouve aussi plus de diversité sur le plan musical (avec par exemple la présence d’une thématique arabo-andalouse). Si l’on osait cette comparaison, “Vous et nous” fait figure de “double album blanc” dans la discographie de Fontaine et Areski (“Comme à la radio” renvoyant à Sergent Pepers”).

Après une longue traversée du désert, Brigitte Fontaine ressort un disque en 1990, “French Corazon” (en réalité il avait été diffusé deux ans plus tôt au Japon). On serait tenté de faire ici une comparaison avec un autre “retour”, celui de Claude Nougaro (en 1987 pour “Nougayork”), d’autant plus que l’on retrouve la même couleur musicale rock dans plusieurs titres des deux albums. Il s’agit d’un disque d’une facture plus “classique” que ceux de la décennie 70. Il s’en distingue par un retour à un format chanson plus traditionnel. Le nougat est un succès, y compris auprès des jeunes générations qui ignorent tout de Brigitte Fontaine (le nouveau look de la chanteuse contribuant à cet intérêt). Tout en se félicitant, tout comme Nougaro, de retrouver miss Fontaine en très bonne forme on regrettera que ces retrouvailles se fassent au détriment de l’une des démarches les plus singulières de la chanson. Ces réserves ne concernent pas les titres Hollywood, Plaisanterie classique et Folie furieuse.

L’album suivant, “Genre humain”, se situe davantage à la croisée des chemins. L’hier et l’aujourd’hui se rejoignent dans une déclinaison musicale plus expérimentale que dans le disque précédent, à laquelle participent quelques uns des représentants d’une nouvelle donne musicale (les Valentins, pour ne citer qu’eux). Ce qui ne nuit pas à la verve poétique de Brigitte Fontaine, bien au contraire. Nous avons même droit à un beau télescopage entre une Conne déjantée et une Belle abandonnée (qui laisse augurer d’autres lendemains chantants).

Les palaces” clôt pour le siècle (parce que l’aventure continue !) la contribution de Brigitte Fontaine à la chanson. Entre Ah que la vie est belle et Le musée des horreurs, la chanteuse au crâne (presque) rasé nous gratifie pour ce disque (peut-être plus assagi sur le versant musical mais d’une écriture, coté textes, raffinée) de quelques unes des chansons les plus marquantes de cette seconde période : l’éclectique City, en duo avec Alain Bashung (“Des barbus impudiques / En fourreau lamé vert / Jouent les statues antiques / Montés sur des rollers “), Ali (“Âge tendre / Croissant chaud / Cœur à prendre / Au lasso “) et la somptueuse Symphonie pastorale (“J’aspire aux matins en enfance / Où se calment les possédés / Les matins transparents qui dansent / Balayés d’un coup d’Odyssée”).


FONTENOY (Marc)

Auteur-compositeur très demandé dans les années cinquante, Marc Fontenoy a écrit La petite diligence (chantée par André Claveau) et l’un des plus gros succès de l’époque Buenas noches mi amor (Que Gloria Lasso et Dalida mirent à leur répertoire). L’une de ses chansons, Le petit train, sera reprise quarante ans plus tard par les Rita Mitsouko !


FOULQUIER (Jean-Louis)

L’un de ces “passeurs” ayant contribué à la radio (sur France Inter à partir de 1975), et comme créateur et animateur des Francofolies de la Rochelle (depuis 1985), à défendre la chanson d’expression française et le meilleur de cette même chanson.


FRAGSON (Harry)

Le créateur de l’inusable Reviens ! (“Reviens, veux-tu ? / Ton absence a brisé ma vie”) savait aborder des genres très différents. En témoignent A la Martinique, Si tu veux... Marguerite, Je connais une blonde. Fragson innovera dans la chanson en étant le premier interprète à s’accompagner au piano L’une des plus grosses pointures du caf’ conc’ (avec Mayol et Dranem) meurt tragiquement l’année 1913 en pleine gloire (révolverisé par son père !). Barbara reprendra quelques uns des titres de Fragson à ses débuts, et lui rendra plus tard hommage avec la chanson Fragson.


FRANçOIS (Claude)

Porté par une seconde vague yé yè (celle des Sheila, France Gall, Franck Alamo, Monty...), Claude François devient rapidement l’une des “idoles des jeunes” (Belles belles belles, Dis lui, Si tu veux être heureux). Son adaptation d’une chanson de Pete Seeger (Si j’avais un marteau) est le succès de l’année 1963. Cette embellie va durer plusieurs années (J’y pense et puis j’oublie, Quand un bateau passe, J’attendrai, Mais quand le matin, et Comme d’habitude plus connue pourtant dans l’adaptation My Way). Après une période de relatifs insuccès, Claude François retrouve en 1972 les sommets du hit parade avec Le lundi au soleil. Nous entrons dans les “années Clo-Clo”. Une entreprise bien rodée, pourvoyeuse de tubes faits sur mesure (Chanson populaire, Cette année-là, Le mal aimé, Le téléphone pleure), formatés pour la télévision (Clo-Clo dansant au milieu de clodettes court vêtues), et relayés par une presse (“Podium”) contrôlée par le chanteur. C’est d’ailleurs l’époque (ceci expliquant en partie cela) où les pré-adolescents deviennent des consommateurs à part entière. En pleine gloire le chanteur décède accidentellement un 11 mars 1978, l’avant veille d’une élection. Le lendemain “Libération” titrera : “Claude François a volté, le chanteur préféré des moins de 10 ans s’est électrocuté dans sa salle de bain”. Un disque posthume (Alexandrie Alexandra) indiquera que Claude François était prêt à prendre en marche le train du disco.


FRANçOIS (Frédéric)

Ce latin lover belge, toujours sur la brèche, est l’un des plus gros vendeurs de disques des années 70 et 80. Son répertoire sirupeux et conformiste (à base de chansons dites d’amour) défit l’analyse.


FRANçOIS (Jacqueline)

Jacqueline François ne semble pas conserver dans les mémoires la place qui fut la sienne à la fin des années 40 et durant les années 50 : celle d’une chanteuse de “renommée internationale” dont les succès n’entamaient pas la (bonne) réputation. L’éclectisme de son répertoire - le meilleur côtoie le moins bon - l’explique en partie. Jacqueline François accéda à la notoriété avec La Seine, et surtout la charmante Mademoiselle de Paris. Trois autres chansons connurent un grand succès durant la décennie suivante : Sous le ciel de Paris, Que sera sera et Les lavandières du Portugal (au sujet de laquelle Léo Ferré consacre dans La vie moderne ce couplet autant drôle que méchant : “C’est comm’ les machin’s à laver / Ça vous lessive tout un quartier / Et puis ça s’passe incognito / C’est pas comme cell’s du Portugal / Si ell’s lavaient y’aurait pas d’mal / Mais ell’s repass’nt à la radio “).


Franco la muerte (Léo Ferré)

Les chansons qui concilient avec un tel bonheur et une pareille réussite les expressions politique et poétique ne courent pas les rues. Ceci peut même être entendu d’un point de vue littéral : “Vienne le temps des poésies / Qui te videront de ton lit / Quand nos couteaux feront leur nid / Au cœur de ta dernière nuit “. Franco la muerte fut longtemps (à juste titre) l’un des chevaux de bataille de Léo Ferré en public. Encore et toujours l’Espagne, celle des camarades (il faut entendre auparavant le sort que Ferré fait aux rimes en arde : “Tu t’es marié à la camarde / Pour mieux baiser les camarades / Les anarchistes qu’on moucharde / Pendant que l’Europe bavarde “). Et puis : “T’es pas Lorca t’es sa rature “. Chapeau Léo !


Frédéric (Claude Léveillée)

Comment ne pas être conquis par la fougue de Claude Léveillée, sa conviction, et son pianisme qui fait resurgir le Chopin de sa jeunesse (ah ces accords de piano !). Il suffit que l’on prononce le nom de l’interprète pour que l’on vous réponde, sur le ton de l’évidence : bien sûr, Frédéric ! Alors on en redemande, une fois de plus : “Je me fous du monde entier quand Frédéric / Me rappelle les amours nos vingt ans / Nos chagrins, notre chez soi, sans oublier / Les copains du quartier, aujourd’hui dispersés aux quatre vents “.


FREHEL

Le terme “populaire”, quand il était encore porteur de sens, doit être accolé au répertoire de Frehel en raison des figures (prostituées, souteneurs, guincheurs du dimanche, musiciens de bal, esquintés de la vie...) que l’ancienne Môme Pervenche chante le plus souvent sur un air de java (la célèbre Java bleue) ou de valse musette (Musette). Parmi les chanteuses réalistes Frehel chante d’une manière moins distanciée qu’une Damia, par exemple. C’est sans doute ce qui émeut chez cette interprète dont la vie se confond plus que d’autres avec les chansons de son répertoire. D’ailleurs si Frehel n’avait pas eu l’existence qu’on lui connaît le public aurait plus difficilement identifié l’héroïne de nombreuses chansons (plus particulièrement Comme un moineau, A la dérive, La coco, Toute seule) à leur interprète. Des titres représentatifs du genre “chanson réaliste” dans la pleine acceptation du terme. Avec le risque de se transformer parfois en exercice de corde raide, comme dans Pauvre grand qui prête à sourire. Cette chanson raconte l’histoire de ce “pauvre grand “ (qui a “le sang chaud dans la cervelle “) devenu l’assassin d’une mère aimante, dont le souvenir le poursuit et le laisse inconsolé. Seule Frehel pouvait chanter cet invraisemblable mélo sans sombrer dans le ridicule.

Dans les années trente, plus encore, Frehel travaille avec des auteurs qui intègrent non sans talent la vie de la chanteuse dans des chansons qui donnent au genre ses lettres de noblesse. La plus belle, peut-être, Où sont tous mes amants ? reprend le thème récurrent de la femme vieillissante qui fut belle et que l’amour délaisse (“Où sont tous mes amants ? / Tous ceux qui m’aimaient tant / Jadis quand j’étais belle / Adieu les infidèles / Ils sont je ne sais où / A d’autres rendez-vous / Moi mon cœur n’a pas vieilli pourtant / Où sont tous mes amants ? “). Cela nous est chanté sans fard et sans apprêts. Et c’est bouleversant. Dans L’amour des hommes on pourrait parler de féminisme s’il ne s’agissait pas d’abord et avant tout de l’amour. Frehel chante “Si les hommes nous aiment / C’est pour eux pas pour nous “, et nous avons tous comme un cœur de midinette. Autre thème présente durant ces mêmes années trente : le regret d’un Paris qui n’est plus (ou ne sera plus). Avec Où est-il donc ? (on se souvient de l’émouvante apparition de Frehel l’interprétant dans “Pépé le Moko” de Duvivier), et La chanson des fortifs. Il s’agit là d’une autre évocation d’un Paris disparu : cocasse, touchante, et pleine de cette nostalgie que l’on éprouve devant des photos jaunies. Et puis, pour quelques uns, La chanson des fortifs évoque à jamais Jean-Pierre Léaud dans “La maman et la putain” accompagnant du geste et chantant (faux) sur la voix de Frehel : “Il n’y a plus de fortifications / Mais on f’ra toujours des chansons “.


FRÈRES JACQUES (Les)

Entre la création de L’entrecôte en 1946, et leurs adieux définitifs (en 1983 à Boulogne-Billancourt), les Frères Jacques ont couvert différents registres de la chanson : depuis des parodies de “morceaux classiques” jusqu’au genre paillard en passant par Bruant (Rose blanche), Prévert (En sortant de l’école, Barbara, La pêche à la baleine), Caussimon (Monsieur William), Golmann (La Marie-Joseph), Ricet-Barrier (Stanislas), Dimey (Quartier des Halles). Les frères Jacques ont également consacré des disques à Jean de La Fontaine et Georges Brassens. C’est cependant sur scène que Les Frères Jacques donnent la pleine mesure de leur talent. Le célèbre costume dessiné par Jean-Denis Malclès (justaucorps, collants, gants, et chapeaux ou moustaches selon les chansons) prend toute son importance dans un dispositif scénique basé sur le mime et la gestuelle, et où chaque chanson se trouve dotée d’une chorégraphie qui le plus souvent recherche l’effet comique. En public des titres comme La queue du chat, Chanson sans calcium, La confiture, Le tango interminable des perceurs de coffre-fort prennent une dimension que le disque ne saurait rendre. Cette donnée à certainement préservé les Frères Jacques d’une désaffection du public durant les années soixante : une période généralement difficile pour la génération d’interprètes apparus au lendemain de la Seconde guerre mondiale. On remarque cependant, au fil des années, que les Frères Jacques présentaient des spectacles renvoyant plus qu’auparavant à l’âge d’or de Saint-Germain-des-Prés. Eux ne changeaient pas, contrairement à l’époque. Leurs prestations scéniques confinaient à la perfection tout en apportant le témoignage d’un art en voie de disparition (voire disparu). On peut se féliciter d’une pareille constance ou considérer que les Frères Jacques appartenaient à un genre démodé. C’est là question de point de vue.


FUGAIN (Michel)

En 1967 Michel Fugain se fait connaître avec la chanson Je n’aurais pas le temps. La carrière de ce compositeur-interprète décolle véritablement avec la création en 1972 du Big Bazar, une troupe de musiciens et comédiens accompagnant le chanteur sur scène. Durant les années “Big Bazar” Fugain aligne une série de succès (Attention mesdames et messieurs, Fais comme l’oiseau, Une belle histoire, La fête, Chante, Les acadiens) qui mettent en valeur ses qualités mélodiques (les textes étant confié à Delanoé et Vidalin). Le chanteur abandonne cette formule en 1976 pour “Michel Fugain et sa compagnie”. Le succès est moins au rendez-vous. Et il en sera de même avec les disques sortis ensuite sous le seul nom du chanteur. Ce qui n’empêche pas Michel Fugain, d’un retour à l’autre sur scène, de conserver le public resté fidèle à l’inusable répertoire de la période “Big Bazar”.